Avant-match Alouettes c. Stampeders

Le match sera présenté sur les ondes de RDS et RDS.ca dès 20 h 30 samedi.

 

MONTRÉAL – Dans la vie comme dans le sport, Martin Bédard est celui sur lequel on peut compter. Samedi, les Alouettes de Montréal seront entre bonnes mains pour un 150e match avec lui. Deux jours plus tôt, il aura partagé le souper avec son frère – qui a perdu l’usage de ses jambes – dont il prend soin depuis le décès précipité de leurs parents.

 

Fiable comme un métronome sur le terrain, Bédard n’est pas du style à se plaindre à l’extérieur des lignes blanches. Le spécialiste des longues remises des Alouettes se classe plutôt parmi les hommes d’action qui viennent à la défense des autres.

 

Ses études en psychologie sont donc précieuses même s’il ne travaille pas dans ce domaine. Ami fidèle – surtout des botteurs Damon Duval, Sean Whyte et Boris Bede qu’il a côtoyés – Bédard multiplie les participations aux activités communautaires des Alouettes.

 

Au niveau du football, il se démarque par sa longévité et sa constance. Si, depuis quelques années, les Alouettes essaient de refaire le casse-tête qui leur a procuré tant de succès durant l’ère d’Anthony Calvillo, Bédard représente la pièce la plus facile à placer. Celle qui n’embête personne et qui fait son travail sans qu’on se pose de questions.

 

Même s’il a appris, jeudi matin, qu’il s’agirait de son 150e match, le Québécois de 34 ans était capable d’admettre sa satisfaction.

 

« Oui, c’est sûr. Ma fierté a commencé dès que j’ai été repêché (en 2e ronde en 2009) et elle n’a jamais diminué depuis. J’ai toujours dit que le matin que je vais me lever et que je n’aurai pas le désir d’y aller et que je ne ressentirai pas les papillons dans le ventre, ce sera le moment d’arrêter. Mais j’ai tout aussi hâte qu’à mes débuts à 10 ans. Je ressens les mêmes émotions, aujourd’hui, en sautant sur le terrain ou quand je suis entouré de mes coéquipiers », a-t-il exprimé.

 

Bede, son allié sur les unités spéciales, comprend très bien comment Bédard a pu résister dans ce monde éphémère.  

 

« Sa persévérance, son éthique de travail, il est toujours sharp là-dessus. C’est un professionnel, ça explique pourquoi il disputera son 150e match. C’est beau à voir », a confié le puissant botteur.

 

« Ça me dit aussi qu’il a connu l’époque des casques en cuir ! », a ajouté Bede pour taquiner son aîné de six ans.  

 

Tout comme Luc Brodeur-Jourdain, Bédard a soulevé la coupe Grey à ses deux premières saisons avec les Alouettes en 2009 et 2010. Par la force des choses, ces deux matchs seront toujours inoubliables à ses yeux. L’épisode de 2009 le fait toutefois vibrer davantage considérant l’histoire de la punition (trop de joueurs chez les Roughriders) sur le dernier jeu du match qui a permis à Duval d’effacer son botté raté avec une deuxième tentative réussie.

 

« Je me rappellerai toujours du moment quand j’ai pris le ballon avant cette remise. Je me suis dit " On va gagner le championnat avec ce ballon ". J’en parle et j’ai encore des frissons », a-t-il raconté.  

 

On parle souvent de ce botté décisif dans l’héritage des Alouettes, mais il fallait justement qu’il ne bousille pas cette remise sous cette tonne de pression.

 

« C’est vrai, mais quand c’est Ben Cahoon qui doit l’attraper, le stress est moins haut. J’aurais pu lui lancer n’importe comment », a réagi Bédard en riant et en esquivant le mérite.

 

Influencé par la TV

 

Contrairement à plusieurs de ses homologues, Bédard n’a pas intégré les remises à son arsenal à la suggestion d’un entraîneur. Dans son cas, on a plutôt une preuve que les enfants sont influencés par ce qu’il regarde à l’écran que ce soit un téléviseur, un ordinateur, une tablette ou un téléphone.

 

« C’est bizarre, j’ai regardé mon premier match de football à quatre ans et il y avait eu un zoom sur le long snapper. Tout de suite, j’ai trouvé ça spécial. Vu que c’était bizarre, il fallait que je l’essaie, je suis comme ça. À six ans, j’ai eu mon premier ballon et je me suis souvenu de ce match. Je l’ai essayé et ç’a marché. C’est tout », a dévoilé le numéro 37 avec sa simplicité habituelle.

 

Bédard s’est donc acquitté de cette mission tout au long de son parcours au football du CÉGEP du Vieux-Montréal, aux Huskies du Connecticut et avec les Alouettes.

 

« Je n’ai jamais eu d’entraîneur. Le seul conseil que j’ai reçu, c’était de Jean-Marc Neilson au Vieux pour le positionnement de ma tête et j’ai gardé cette technique. Je ne regardais pas les autres gars à la télévision, j’y vais avec le feeling. Ce n’est pas difficile de faire une longue remise, c’est de pouvoir les reproduire chaque fois. Il faut mémoriser le mouvement », a témoigné Bédard avec une mention qui fait penser au volet technique du golf.

 

Son travail nécessite également de surmonter les blessures (dans son cas, une commotion cérébrale et des blessures à une épaule, une main et un talon). Ce n’est pas suffisant de recouvrer la santé, il importe de jouer au même niveau. Il y a aussi le risque de perdre son poste à un remplaçant.

 

« Chaque fois qu’on manque une partie, c’est tough, pour ne pas dire de gros mots.

 

« Mais je n’ai jamais peur de perdre ma job, je ne suis pas arrogant ou vantard, sauf que je sais ce que je suis capable d’accomplir et je le fais bien. Je m’arrange pour revenir aussi bon ou meilleur », a commenté le sympathique fervent d’immobilier.

 

Bédard n’a pas échappé au rêve de la NFL. À son époque, les spécialistes des unités spéciales ne disposaient des outils d’aujourd’hui – des camps spécifiques à eux - pour impressionner les équipes américaines.

 

« J’ai participé à un pro day à l’université, mais je faisais partie d’une excellente cuvée donc on dirait qu’il y avait trop de gars à regarder, je suis un peu passé sous le radar », a admis l'athlète qui aidera une firme d'ingénierie à développer des systèmes pour économiser de l'eau au quotidien.

 

« Mais ça ne me dérange pas. J’ai plusieurs coéquipiers de l’université qui sont allés dans la NFL (comme Cody Brown et Tyler Lorenzen) et que cétait fini pour eux après un an ou deux. Je ne suis pas allé dans la NFL, mais je joue depuis 10 ans au plus haut niveau au Canada et j’en suis extrêmement fier », a jugé Bédard.

 

La semaine prochaine, son jeune garçon devrait venir voir jouer son père pour la première fois en 2018. Qui sait, peut-être que le métier de son papa lui tombera dans l’œil.