C’est certain que le football gâte ceux qui sont des maniaques de statistiques. On s’est cependant aperçu lors du match entre les Alouettes et les Stampeders de Calgary qu’il n’y a pas que les chiffres qui sont importants. Il y a aussi cette dimension humaine qu’il n’est pas possible de calculer qui devient un facteur au cours d’une rencontre. L’effort, la robustesse, avoir du cœur et faire preuve de résilience sont tous des éléments qui influencent le résultat d’un match. C’est ce qui est ressorti lors de cette victoire de 30 à 23 des Alouettes.

D’entrée de jeu, si je dis à un partisan qui n’a pas regardé la partie que Darian Durant a lancé deux interceptions en première demie, qu'il a été victime de ses deux premiers sacs du quart de la saison, que les Alouettes ont écopé de 15 pénalités pour un total de 130 verges et que Bo Levi Mitchell a lancé pour 379 verges par la passe, je ne pense pas que beaucoup de personnes penseraient que je leur décris une victoire des Alouettes. Pourtant c’est ce qui est arrivé et c’est pourquoi je veux montrer que le football c’est plus que des chiffres. On en a eu la preuve vendredi.

Les Alouettes, depuis le début de l’année, travaillent fort, n’abandonnent pas et ils ont finalement été récompensés. Ils ont subi des défaites serrées, alors qu’ils étaient toujours dans le coup. Sauf que les hommes de Jacques Chapdelaine n’étaient pas en mesure de remporter le quatrième quart. Ils l’ont dominé contre Calgary.

Plusieurs exemples me viennent en tête pour vous démontrer la résilience dont ont fait preuve les Montréalais lors du dernier match. Tout d’abord, Durant nous a montré qu’il était un vieux routier. Il n’a pas été déstabilisé après avoir lancé ses deux interceptions. Il est passé à autre chose et il est revenu encore plus fort. C’est ce qui est intéressant lorsque tu peux compter sur un quart d’expérience. Il en a vu d’autres. Le niveau de confiance de l’attaque n’a pas été trop affecté par ses deux bévues et Durant a mieux fait ensuite dans la rencontre.

Un autre exemple de résilience qui me saute aux yeux est le receveur Tiquan Underwood. Sur la première interception de Durant, je ne suis pas convaincu qu’il a couru le meilleur tracé où qu’il a été le plus combatif possible sur ce jeu pour empêcher le revirement. Sur la séquence suivante, il a été pris en défaut pour un hors-jeu. C’était donc un début de match difficile pour lui aussi. Il s’est cependant bien repris par la suite. Au cours de deux séquences, plus tard dans le match, il a réalisé de gros attrapés en deuxième essai pour faire avancer les chaîneurs et les Alouettes ont éventuellement inscrit des points. Il a aussi réalisé un bloc clé et je veux le souligner même s’il s’agit d’un receveur. Son bloc contre le maraudeur des Stampeders alors que celui-ci appliquait de la pression a permis à Durant de repérer B.J. Cunningham pour le touché.  Encore une fois, Underwood aurait pu s’effondrer après son début de match, mais il est revenu encore plus fort.

Que dire également de Branden Dozier. Le secondeur a évolué à la position de Chip Cox qui lui s’est retrouvé dans la tertiaire. Il avait toute une mission alors qu’il devait surveiller Marquay McDaniel, qui est probablement le meilleur receveur des Stamps. Année après année, ce dernier prend un malin plaisir à ridiculiser les joueurs défensifs chargés de le surveiller. C’est vrai que Dozier a eu de la misère à quelques occasions, que McDaniel a attrapé des ballons et que son couvreur a raté quelques plaqués. Il n’a cependant pas abandonné et il est lui aussi revenu en force pour réaliser de gros jeux. Il a notamment effectué un beau plaqué sur une passe piège qui n’a donné aucun gain, il a rabattu une passe sur un deuxième essai dans le territoire adverse et il a recouvré l’échappé provoqué par Chris Ackie pour marquer le touché défensif.

Ces trois exemples mettent de l’avant des joueurs qui ont fait preuve de résilience et qui n’ont pas lâché. Je dirais aussi que les Alouettes n’ont pas abandonné avec leur jeu au sol et cette facette du jeu a été payante en fin de match. Il n’a absolument rien fait durant les trois premiers quarts et lorsqu’ils en ont eu besoin lors du dernier 15 minutes, il s’est levé.

Un quatrième quart à embouteiller

Les Alouettes ont d’ailleurs gagné le match au cours du quatrième quart. C’était une domination complète. Ils ont eu le dessus 14 à 3 au pointage tout en ayant possession du ballon durant 11 minutes et demie contre trois minutes et demie pour les Stampeders. C’est là qu’on voit que l’attaque est la meilleure défense, car avec le ballon durant seulement un peu plus de trois minutes, il était difficile pour Bo Levi Mitchell d’inscrire des points. Calgary a seulement eu deux premiers jeux lors de ce quart. Même si Mitchell a terminé la rencontre avec 379 verges de gain, il n’a seulement complété que cinq passes en neuf tentatives pour 66 verges, dont une pour 55 verges, lors du dernier quart. Je sais qu’elle a été réalisée cette passe, mais si on l’enlève de l’équation, le quart des Stamps a été réduit au silence en fin de match et c’est tout à l’honneur de la défense.

Les Alouettes étaient conscients sur le plan défensif qu’ils affrontaient Bo Levi Mitchell et ils ne pouvaient donc pas toujours présenter les mêmes schémas défensifs. Ils ont appliqué beaucoup de pression en première demie pour se limiter ensuite en deuxième demie et revenir avec une défense de zone. Pour la première fois de la saison, des joueurs des Alouettes se rendaient librement au quart adverse. Mitchell a récolté 379 verges, mais il a quand même tenté 50 passes desquelles il en a complété 34. C’est certain qu’il allait enregistrer de bonnes statistiques, mais la défense l’a forcé à se précipiter sur certains jeux. Si la pression se rendait au quart, c’est parce que les stratégies défensives créaient de la confusion chez l’adversaire.

C’était plaisant de voir l’attaque contribuer, de marquer des points, mais surtout de la voir protéger sa défense en gardant le ballon. C’est ce qui a fait toute la différence. Pour mettre le tout en perspective, l’attaque des Alouettes a obtenu 22 premiers jeux dans le match, et 11 ont été réalisés au quatrième quart. C’est déjà spectaculaire comme statistique. À cela, on ajoute de longues séquences soutenues : huit jeux pour 60 verges et un touché,  neuf jeux pour 75 verges et un touché, et cinq jeux pour 20 verges afin d'écouler le temps au cadran et redonner le ballon aux Stampeders avec seulement cinq secondes à faire au match à leur ligne de 10.

Si les séquences ont été aussi longues et ont pu gruger autant de temps au cadran, c'est en grande partie grâce à l'apport du jeu au sol. Il aura fallu être patient avec cette facette du jeu. Jacques Chapedelaine sélectionne les jeux et depuis le début du match, Tyrell Sutton n’avait enregistré que sept courses pour 12 verges. Il a terminé le match avec 17 courses pour 85 verges et un touché. On s’entend que si vous êtes à la place du sélectionneur de jeux, le jeu au sol n’est pas votre priorité après trois quarts comme il n’a pas produit. Mais au quatrième quart, Sutton a 10 courses pour 73 verges. Les entraîneurs ont donc apporté des ajustements et les joueurs ainsi que l’entraîneur de la ligne à l’attaque ont sûrement amené des arguments convaincants à Chapdelaine pour l’inciter à courir encore. L’entraîneur-chef les a écoutés et c’est intéressant comme dynamique, car plusieurs entraîneurs auraient simplement dit qu’il fallait mettre de côté le jeu au sol.  

Cette facette a cependant permis aux Alouettes d’inscrire des points et de contrôler le temps de possession. Les Alouettes ont effectué 26 courses contre 24 jeux aériens (dont deux qui se sont soldés par des sacs du quart). C’est la première fois que le ratio est en faveur du jeu au sol.Chapdelaine a fait preuve de patience et d’ouverture d’esprit, donc bravo d’avoir pris toutes les informations et d’avoir trouvé des solutions.

L’attaque a non seulement produit des points, mais elle a protégé la défense en empêchant Bo Levi Mitchell de toucher au ballon. Les Stampeders n’ont au final pas marqué de touché en deux tentatives dans la zone payante et le botteur Rene Paredes a terminé le match avec cinq placements. D’un côté Calgary a réalisé cinq placements et un touché et de l’autre, Montréal a n’a marqué que cinq fois, mais un placement et quatre touchés.

On va souhaiter aux Alouettes qu’ils puissent embouteiller ce quatrième quart et décapsuler la bouteille mercredi prochain à Ottawa contre le Rouge et Noir. Si les Alouettes sont capables de reproduire cette recette lors des prochains matchs, ce sera intéressant. Cette victoire change toute la dynamique. Elle fait du bien aux joueurs, aux entraîneurs et aux partisans, d’autant plus que l’équipe a une courte semaine de préparation avant son prochain match. Arriver à Ottawa avec une fiche de 2-2 est beaucoup encourageant qu’un dossier de 1-3 avec une série de trois défaites. La dynamique est complètement différente alors que les joueurs afficheront de la confiance et non du doute à Ottawa.

C’est peut-être le temps de lancer un défi aux Alouettes afin qu’ils entament une séquence victorieuse. C’est certain que le Rouge et Noir va sortir avec le couteau entre les dents alors qu’il n’a pas encore savouré la victoire cette saison. Le Rouge et Noir a  trois défaites et un match nul, et il a encaissé ses trois revers par une différence de seulement sept points. J’ai rarement vu une équipe trouver des moyens de perdre des matchs comme il l'a fait en commettant toujours des erreurs quis ont venues le hanter. C’est cependant une unité offensive qui marque beaucoup de points et ce sera donc un bon test pour les Alouettes.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant