MONTRÉAL – Dans la Ligue canadienne de football, il n’y a rien de plus rare que les quarts-arrières... canadiens. Hugo Richard voudrait rompre cette incongruité, mais les échos laissent plutôt croire qu’il devra changer de position en suivant ainsi les traces de Mathieu Bertrand et Marc-Olivier Brouillette.  

 

Richard, c’est le quart-arrière étoile du Rouge et Or de l’Université Laval et le meilleur espoir de la province actuellement pour renverser cette tendance plutôt inébranlable.

 

Cependant, ses probabilités d’y parvenir sont très minces et le principal intéressé le sait mieux que quiconque. Lucide, Richard a donc ouvertement dévoilé, dans les derniers jours, qu’il était prêt à apprendre un nouveau poste afin de s’établir dans le circuit canadien.
 

« J’ai toujours su que la LCF était un marché un peu difficile pour les quarts canadiens. Avec ma carrure, j’ai peut-être cette possibilité plus que d’autres de pouvoir jouer ailleurs. Je suis toujours ouvert à ça », a admis le sympathique athlète de six pieds deux pouces et 222 livres.

 

La révélation de Richard s’est propagée comme une traînée de poudre et cette ouverture d’esprit est comme de la musique aux oreilles des dirigeants des équipes.

 

« Je vais commencer par dire que j’aime qu’il soit intéressé par l’idée. C’est un gars qui veut démontrer qu’il peut jouer au prochain niveau. On l’a accueilli (comme invité) avec nous au camp d’entraînement comme quart-arrière et je crois qu’il a des chances à cette position. Mais je suis juste content qu’il ait un gros cœur et qu’il souhaite avant tout jouer au football. Ce sera intrigant de voir où il se débrouillera le mieux sur le terrain », a confié Éric Deslauriers, le coordonnateur du repêchage et dépisteur national des Alouettes de Montréal.

 

Mais l’étudiant en Génie mécanique souhaiterait avant tout mener son plan A à exécution.

 

« Dans un monde idéal, je voudrais demeurer quart-arrière sauf que j’aimerais continuer à jouer au foot comme métier. J’adore ce sport et, si ça implique un changement de position, je serais prêt à le faire. Cette possibilité a toujours un peu trotté dans ma tête », a expliqué celui dont la sœur évolue pour l’équipe féminine de l’Olympique de Marseille.  

 

Certes, Richard ne jouit pas de l’aura accolée aux pivots en provenance d’un grand programme universitaire américain. Il aura sans doute à trimer très fort pour convaincre l’état-major d’une équipe de la LCF qu’il mérite de conserver cette position névralgique. Par contre, on imagine difficilement qu’il puisse faire bien pire que certains quarts américains qui en ont arraché en sol canadien dont aux commandes des Alouettes.

 

Sans être coupable d’un abus de confiance, Richard croit en ses chances.

 

« J’aimerais ça, c’est la position à laquelle j’ai joué le plus longtemps et celle où j’ai acquis le plus d’expérience. Si je fais un changement de position, je recommence à zéro. Oui, la courbe d’apprentissage sera accélérée en raison de mon bagage, mais je sais que je suis capable de progresser encore au poste de quart. Je sais qu’il faut souvent tomber au bon endroit au bon moment, mais je ferais tout pour que ça fonctionne », a exprimé l’athlète à la carrière universitaire décorée de plusieurs honneurs.

 

C’est donc dire que, pour le moment, Richard n’a pas encore testé ses atouts physiques ailleurs sur le terrain.

 

« Non et mes entraîneurs (du Rouge et Or) ne sont pas très chaud à l’idée parce que si je reviens pour une cinquième saison et que je me déplace comme centre-arrière ou receveur par exemple, ils ont en masse de joueurs à ces positions pour faire le travail. Je ne serais pas partant et ça ne m’avantagerait pas. Je ne pense pas que ce soit dans leurs plans de me changer de position et je préfère m’entraîner encore plus comme quart-arrière pour progresser », a témoigné Richard.

 

Lié à Bertrand et Brouillette, deux exemples de réussite

 

Advenant que Richard ne puisse remporter son pari de diriger une attaque de la LCF, il saura vers qui se tourner pour ne pas bousiller sa métamorphose. Il pourra compter non pas sur un allié de taille, mais bien deux.

 

Le hasard fait parfois bien les choses. Richard a connu Marc-Olivier Brouillette il y a déjà plusieurs années alors que les deux fréquentaient le même gymnase. Brouillette, un ancien quart-arrière avec les Carabins, est devenu un bon joueur défensif à un rythme fulgurant. En 2018, il entamera sa neuvième saison dans la LCF. De plus, Richard peut compter, parmi ses entraîneurs à Québec, sur Mathieu Bertrand qui s’est distingué pendant neuf saisons dans son nouveau mandat de centre-arrière dans cette ligue.

 

Les astres pourraient être alignés afin qu’il suive leurs traces.

 

« Son esprit de compétition est extraordinaire ! On sait qu’il est athlétique et je pense qu’il serait capable de relever n’importe quel défi de ce type. Je trouve qu’une équipe serait très intelligente de tenter sa chance avec lui », a confié Brouillette qui était venu assister au camp d’évaluation régional au Stade olympique.

 

Brouillette a d’ailleurs été aperçu en train de parler avec Richard sur le terrain. Ils auront certainement la chance de poursuivre leur discussion et l’ancien des Alouettes se ferait un plaisir de lui partager quelques conseils.

 

« Pour réussir, il faut connaître le foot plus que la position de quart-arrière uniquement. Mais c’est justement l’avantage d’avoir joué à ce poste, ça te permet d’avoir une vue d’ensemble du football. Je suis certain que si tu lui poses des questions sur les tracés de ses receveurs ou sur les blocs de sa ligne offensive, il peut répondre à tout ça. C’est ce qui lui permettra de faire une telle transition », a cerné Brouillette.

 

Le vétéran de 32 ans rappellera aussi à Richard de se préparer aux énormes obstacles qu’il devra surmonter. À l’époque, Brouillette n’avait pas tout compris avant de se lancer.  

 

« C’est de savoir que tu ne seras pas un expert dès le début. Il y aura des moments difficiles. À mon premier camp, j’ai pensé partir la nuit à plusieurs reprises parce que je n’étais pas bon, je n’étais pas au même niveau que les athlètes avec lesquels je rivalisais », s’est-il rappelé.

 

« Il ne faut pas se décourager. Moi, j’ai été chanceux, j’ai pu percer la formation à ma première année, mais j’aurais accepté une place sur l’équipe d’entraînement s’il avait fallu que je passe par là. Il faut aussi s’entourer de joueurs qui vont t’aider. Je pense à Étienne Boulay, Matthieu Proulx et Shea Emry qui m’ont guidé là-dedans », a exposé Brouillette qui s’imagine œuvrer dans les bureaux d’une organisation professionnelle éventuellement.

 

Sans trop de surprise, Brouillette prêche pour sa paroisse. Même si la logique l’oriente vers un transfert en tant que receveur ou centre-arrière, il voudrait que Richard opte pour la défense au détriment de l’attaque s’il doit renoncer au rôle de quart-arrière.

 

« Ça se peut, j’ai commencé ma carrière en défense, surtout comme secondeur et demi défensif, quand j’étais tout petit. Je suis capable, je connais la mentalité et je connais bien les défenses. Il faudra voir si une équipe veut m’essayer… », a réagi Richard avec humilité.

 

Le portrait se précisera au fil des prochaines semaines et prochains mois alors que le repêchage se déroulera le 3 mai. Pour l’instant, sent-il que les équipes sont contentes de sa flexibilité ?  

 

« Je ne sais pas. Tout ce que j’ai su, c’est que les Eskimos avaient parlé à Mathieu Bertrand pour lui demander et j’ai trouvé ça bien drôle. Mathieu savait que j’étais ouvert à un tel projet, ce n’était pas la première fois qu’on en parlait. D’un autre côté, mes entraîneurs ont l’air à pousser pour me faire d’abord valoir comme quart-arrière. Je l’apprécie beaucoup, ça veut dire qu’ils croient en moi. Je pense aussi que je suis capable de le faire, mais j’aurai besoin d’une opportunité », a conclu Richard.