Alors que la saison du SIC a pris fin il y a plus d’une semaine, de nombreux joueurs se concentrent maintenant pour la prochaine étape de leur carrière de footballeur, soit les rangs professionnels. Ils aspirent à entendre leur nom lors de la prochaine séance de repêchage de la Ligue canadienne de football au mois de mai 2016, et  d’ici là, ils mettront toute leur énergie dans la réalisation de leurs objectifs.

Parmi les étapes à franchir, plusieurs espoirs prendront le temps nécessaire afin de choisir un agent qui répond à leurs besoins. La majorité des joueurs attendent après leur dernière saison universitaire avant de faire le saut, car ils ne veulent pas se laisser distraire pendant cette période très importante de leur carrière. Ainsi, dans les semaines suivant la fin de la saison, plusieurs d’entre eux discutent avec différents agents afin de cibler la personne avec qui ils ont le plus d’affinités.

Les agents, à ce point-ci, ont déjà fait leurs devoirs. Pendant toute la saison universitaire, ils ont suivi avec intérêt la ligue afin de cibler les candidats qu’ils désirent recruter. Cette période représente un point crucial dans le succès d’un agent : un bon recrutement assure une clientèle croissante et contribue à bâtir la réputation de l’agent à travers la ligue. Afin de démystifier cet aspect fondamental de l’industrie sportive, je détaillerai ici les aspects clés d’un recrutement de joueurs optimal. Je me servirai de mon expérience professionnelle d’agent LCF et NFL pour exemplifier ces quelques points qui m’apparaissent valables dans tout sport.

Une question de quantité

Plus d’une soixantaine de joueurs seront sélectionnés lors du repêchage LCF 2016. Dans les heures suivant cet événement, plusieurs autres signeront des contrats avec des équipes à titre de joueurs autonomes. C’était d’ailleurs le cas de deux de mes clients, soit Jean-Samuel Blanc (Alouettes de Montréal) et Philip Enchill (Rouge et Noir d’Ottawa). Par conséquent, il existe un vaste choix d’espoirs qui ont des chances légitimes d’atteindre la LCF.

Jean-Samuel BlancPlusieurs agents ont pour objectif de signer le plus de joueurs possible. En travaillant au « volume », ils maximisent leurs chances d’en voir un plus grand nombre atteindre les rangs professionnels et, par conséquent, de toucher une somme plus importante en matière de commissions. Mais attention, cette tactique comporte une double répercussion négative, à mon avis. D’abord, les joueurs reçoivent un service moins personnalisé en fonction de leurs besoins. Ensuite, l’agent a moins de temps à allouer à chacun d’eux et pourrait se placer dans des situations de conflits d’intérêts, ou du moins en apparence de conflits d’intérêts, puisqu’un agent a pour mandat de promouvoir les intérêts de ses clients en tout temps. Toutefois, s’il recrute cinq receveurs de passe de gabarit similaire avec le même style de jeu, il sera difficile, voire impossible, pour lui de les représenter au mieux de leurs capacités.

Afin d’éviter ces situations déplorables, un agent devrait limiter la quantité de joueurs qu’il recrute à un maximum de dix par année de repêchage. La priorité est d’offrir un service de qualité à tous ses clients. Pour ce faire, un agent doit s’assurer d’avoir le temps nécessaire afin de bien les servir. Les clients deviennent aussi de très bons amis. Ceci se bâtit avec les années et nécessite un investissement de temps important de la part de l’agent. Il ne faut surtout pas oublier que ce sont ces clients qui deviendront les meilleurs outils de marketing pour l’agent dans le futur.

Comment choisir les joueurs?

Plusieurs caractéristiques peuvent être prises en compte pour choisir les joueurs à approcher lors de la période de recrutement. Se limiter simplement au niveau de jeu d’un joueur serait une erreur, à mon avis. Puisqu’il faut se sentir impliqué dans la réussite de l’athlète, l’agent doit s’assurer que c’est une personne avec qui une complicité peut s’installer. Bref, il faut que ça « clique ».

Ainsi, outre leurs aptitudes athlétiques et techniques, il faut évaluer leur personnalité, leur éthique de travail, leurs objectifs, etc. Avant d’approcher un client potentiel, il serait judicieux de parler à des gens qui le connaissent, comme des entraîneurs, coéquipiers, amis, etc. De plus, il est avisé d’obtenir l’avis des recruteurs des équipes professionnelles sur le potentiel du joueur en question et sur ses chances sérieuses de faire le saut chez les professionnels. Bref, l’objectif est de réunir tous les éléments afin d’établir une association bénéfique et optimale pour le client tout comme pour l’agent.

L’offre de service

Chaque agent propose une offre de service lors de son « pitch » à un client potentiel. Alors que les services en question peuvent se ressembler beaucoup entre les agents, la manière dont chacun fonctionne et les ressources à sa disposition sont très différentes. Plusieurs agents offrent, par exemple, un service d’entraînement gratuit avec un entraîneur désigné. Cependant, l’essentiel pour le joueur est de voir avec quel entraîneur cette offre serait la plus avantageuse, la plus adaptée à ses besoins. Ainsi, même si le service semble identique à première vue, le choix de l’entraîneur fait en sorte qu’il est très différent d’un agent à l’autre.

Durant ce processus, il est important pour l’agent de rester fidèle à sa philosophie et de ne pas outrepasser ses limites dans son offre de service. L’élément clé est l’honnêteté. Si l’agent n’a pas les moyens financiers pour offrir de l’entraînement gratuit à un client alors qu’un autre agent lui a proposé cela, il ne faut pas tomber dans le piège de tenter d’égaliser l’offre d’un compétiteur si cela n’est pas possible. Au contraire, il faut être honnête avec l’athlète et lui expliquer notre offre de service de même que les raisons pour lesquelles il est impossible d’offrir ce service. Par expérience, les joueurs respectent beaucoup l’honnêteté et ceci peut grandement aider à gagner des points auprès d’eux.

Il m’est arrivé à quelques reprises de ne pas être en mesure d’offrir certains services que d’autres agents offraient à des joueurs. J’étais néanmoins en mesure d’offrir des avantages que d’autres ne pouvaient pas. Il faut donc éviter de s’attarder sur ce qu’on n’a pas, pour plutôt se concentrer sur ce qu’on a. Dans ces situations, j’ai été honnête avec les joueurs en question et au bout du compte, ils ont tout de même décidé de signer avec moi.

La compétition : un défi plutôt qu’une embûche

Évidemment, les joueurs les mieux classés en vue du prochain repêchage suscitent le plus d’intérêt de la part des agents. Ces derniers se trouvent en concurrence directe entre eux afin de mettre sous contrat lesdits joueurs. C’est un milieu hyper compétitif, et souvent, les agents vont attaquer directement d’autres collègues dans leur « pitch » auprès de clients potentiels afin de se ménager un avantage. Personnellement, je n’adhère pas du tout à cette philosophie. Au contraire, l’agent doit maintenir le focus sur ce qu’il peut apporter aux joueurs et non pas sur ce que les autres ne peuvent pas leur offrir. Cette tactique me semble utilisée lorsqu’on n’a pas assez confiance en nos propres moyens. Je mise plutôt sur le discernement des athlètes qui, après avoir recueilli toute l’information nécessaire, évalueront l’offre des différents agents pour prendre leur décision.

Aux yeux de certains, cette compétition peut représenter une source d’inquiétude et d’angoisse, car l’agent se sent directement menacé par d’autres. Il faut plutôt voir cela comme un défi et avoir confiance en nos moyens. Lorsqu’un joueur est sollicité par plusieurs agents, c’est un signe patent que ce dernier dispose d’un grand talent. On doit alors concentrer ses efforts de manière à démontrer au joueur en question qu’on demeure le meilleur choix pour lui. C’est un véritable défi, et lorsqu’on réussit à se démarquer du lot, c’est d’autant plus gratifiant.

Bref, cette étape est cruciale et exigeante pour les agents. Cependant, un recrutement efficace entraîne un grand sentiment du devoir accompli. En tant qu’agent, il n’y a pas meilleur feeling que de voir un client réaliser son rêve et enfiler l’uniforme d’une équipe professionnelle. Afin d’arriver à ce moment, il faut d’abord recruter de manière efficace!

N’hésitez pas à laisser vos questions en commentaires ou à me contacter via mon compte Twitter (@SashaGhavami) si vous désirez en apprendre davantage!

Sasha Ghavami est un agent certifié de la Ligue canadienne de football (LCF) depuis 2013 et de la Ligue nationale de football (NFL) depuis octobre 2015. Avocat associé au sein du bureau Services juridiques Evolex inc. et âgé de 24 ans, il compte présentement plus d’une dizaine de joueurs sous son aile, notamment Laurent Duvernay-Tardif des Chiefs de Kansas City et Jean-Christophe Beaulieu des Alouettes de Montréal. De plus, il travaille de concert avec une agence établie aux États-Unis en représentant leurs clients qui désirent poursuivre leur carrière dans la LCF.