MONTRÉAL – Deux petites lettres, deux grandes passions, deux immenses exploits.

 

La demande a été envoyée à la NFL et Laurent Duvernay-Tardif y tient. Maintenant qu’il a reçu son diplôme en médecine de l’Université McGill, il voudrait ajouter MD derrière son chandail puisqu’il est officiellement docteur.

 

« C’est sûr que j’aimerais le faire, mais je vais me plier aux règlements. On sait que la NFL est stricte avec son code vestimentaire. Je ne vais pas trop pousser la note. Outre les deux lettres, c’est un message très porteur d’avoir gradué en médecine et d’être le premier joueur actif à embarquer sur le terrain comme médecin. J’espère pouvoir inspirer les jeunes en faisant ça. C’est l’une des raisons qui m’a poussé à persévérer et finir ce doctorat », a confié l’homme de 27 ans.

 

« J’ai été capable de sortir des sentiers battus et je veux inspirer la jeunesse, leur montrer que c’est possible d’avoir une passion pour le sport ainsi que les études et de combiner ça au plus haut niveau », a-t-il poursuivi.

 

Tout indique que les prochaines années lui permettront de solidifier sa place parmi les meilleurs de sa spécialité sur le terrain (garde à droite). Cela dit, son illustre carrière au football demeure son plan B.

 

« Depuis le tout début, le plan A, c’était la médecine. Le football était une opportunité extraordinaire, je suis choyé et privilégier de pouvoir pratiquer un sport que j’aime. Mais, quand j’ai été repêché en 2014, je me suis promis que, peu importe les distractions et les embûches, je devais graduer en médecine. C’était ça ma vision initiale », a admis l’ancien des Redmen qui préfère se distancer du débat entourant les hymnes nationaux dans la NFL.

 

Il faut l’admettre, plusieurs personnes auraient renoncé aux exigeantes études en médecine particulièrement lorsque le football devient synonyme de millions de dollars en revenus.

 

« On dirait que c’est ce qui m’a nourri à travers les défis, comme le choc du deuxième contrat. Est-ce vraiment la médecine que tu veux faire? Parce que tu n’en as pu vraiment besoin. Je me rappelais constamment que c’est la chose que je veux faire, j’aime être en interaction avec les gens. De pouvoir graduer, c’est un privilège, être ici avec mes parents, ma copine et mon agent », a raconté le colosse qui arborait, cette fois, toge et mortier au lieu de son numéro 76 ou de son sarrau.

 

Duvernay-Tardif conserve d’ailleurs une précieuse anecdote reliée à ce pacte de cinq ans et 41,25 millions.

 

« Sasha (Ghavami, son agent) m’appelle à 22h, un soir de février, pour me dire qu’on a un contrat avec les Chiefs qui vaut plusieurs bidous. Tout excité, j’appelle mes parents pour leur annoncer et voici la première chose qu’ils me disent : ‘C’est génial, l’argent c’est fait pour réaliser tes projets, c’est secondaire. Assure-toi d’aller à l’école demain en médecine parce que sinon tu n’y retourneras jamais’. C’est un message porteur pour moi », a confié celui qui entamera sa cinquième saison avec les Chiefs, le 9 septembre, contre les Chargers.

 

Durant les moments plus difficiles, il ne s’est jamais permis de se lamenter étant conscient qu’il combinait deux carrières enviées.

 

« Je me disais toujours que je n’avais pas le droit de laisser tomber ou d’être découragé. J’ai une chance inouïe d’être ici. »

 

« Je lui ai déjà dit que c’était un peu fou. Comme l’an passé, quand il a lancé sa Fondation en plus du livre et des études. Il n’avait vraiment plus une minute à lui. Je n’étais pas le seul à lui dire, sa copine le faisait aussi, mais je pense que c’est plus fort que lui », a raconté son père, François Tardif.

 

Peu importe la réponse qu’il recevra de la part de la NFL, Duvernay-Tardif ne va pas se contenter de son nouveau titre. Il est maintenant arrivé à l’étape d’effectuer sa résidence.

 

« C’est ce genre d’arrangements que je suis en train de faire avec la faculté de médecine présentement. Ils ont été d’ailleurs extrêmement flexibles. On se rappellera, qu’en 2014, c’était quand même un long shot pour moi d’atteindre la NFL. Malgré ça, ils m’ont appuyé en mettant en œuvre un plan pour m’aider à graduer en 2018. J’ose croire qu’on va trouver un arrangement pour que je puisse faire ma résidence, à McGill, à Montréal. On l’espère », a souhaité qui a dû rater cinq matchs en 2017 en raison d’une blessure à un genou.

 

« Il ne peut pas arrêter, il doit faire sa spécialité pour pouvoir pratiquer. Il aura toujours les mains dans les livres, mais je suis sûre qu’il aura un stress de moins. Je suis très contente pour lui », a avoué avec joie sa mère, Guylaine Duvernay.

 

Repêché en sixième ronde par les Chiefs, Duvernay-Tardif a trouvé le partenaire idéal avec cette organisation menée par l’entraîneur Andy Reid. Comme le Québécois l’a rappelé, la mère de Reid, a été l’une des premières femmes à obtenir son diplôme en médecine à l’Université McGill de surcroît.

 

Ainsi, Reid a tout de suite démontré une ouverture et un soutien envers les aspirations de son nouveau protégé. On ne peut pas en dire autant des autres équipes qui ont démontré de l’intérêt envers lui.

 

« J’ai été privilégié à Kansas City. Pendant toutes mes visites avant le repêchage, j’ai eu la chance de rencontrer 10 entraîneurs-chefs. Coach Reid a été l’un des seuls à me dire ‘Je vois la médecine comme un élément positif. Ça prouve que tu veux vraiment être ici parce que tu as un plan B tellement solide.  Si tu ne voulais pas jouer au foot, tu ne serais pas ici. Je vais tout faire pour t’encourager’.

 

« Il m’a toujours accommodé et fait confiance que je reviendrais en avril ou mai en pleine forme pour rejoindre l’équipe là où je l’avais laissée. Sans lui et la flexibilité des Chiefs, je n’aurais jamais capable de graduer en 2018 », a remercié LDT.

 

Lorsque son nom a été prononcé, mardi, à cette remise de diplômes, l’homme aux divers intérêts a donc pensé à tous ceux qui l’ont aidé.

 

« Ça veut dire beaucoup pour moi, je ne sais pas si je le réalise encore à 100%, mais c’est un sentiment indescriptible. Je suis fier, c’est l’une des premières fois que je suis fier de moi et que je n’ai pas honte de le dire », a-t-il exprimé avec reconnaissance.

 

Encore plus dominant sur le terrain ?

 

Sans avoir un horaire bien plus allégé, Duvernay-Tardif devrait bénéficier psychologiquement de cette étape qui a été franchie. Son nom a déjà été évoqué parmi les candidats à surveiller pour être choisi au Pro Bowl (le match des étoiles) et ce changement pourrait l’aider à joindre ce groupe prestigieux.

 

« Mon niveau s’est beaucoup amélioré dans les dernières années, je suis devenu plus constant. L’an passé, la blessure m’a un peu retardé. Mais mon but est d’entamer la saison avec le même rendement que lors des quatre derniers matchs pour pousser l’équipe au prochain niveau. Comme organisation, on a besoin de se rendre loin. Ça fait deux ans qu’on gagne la division, on doit faire le saut suivant », a visé Duvernay-Tardif qui perçoit un immense potentiel offensif en 2018 en dépit de l’inexpérience du prometteur quart-arrière Patrick Mahomes.  

 

« Je me suis toujours impliqué à temps plein avec les Chiefs pendant la saison régulière. C’est l’une des choses que j’ai pu prouver à l’organisation : malgré ma passion pour la médecine, je n’ai jamais négligé le football. J’ai toujours été l’un des premiers à arriver et à quitter. Je veux continuer comme ça avec un esprit encore plus focus, une préparation encore plus adéquate, pour voir à quel point je peux être un bon joueur », a-t-il cerné.

 

Il reconnaît que le scénario d’être « diplômé » parmi les meilleurs de la NFL serait merveilleux quelques mois à la suite de sa graduation en médecine.

 

« Je pense que ce serait quand même le fun de graduer en médecine et dans la NFL en même temps », a imagé le nouveau médecin en souriant.

 

Son parcours d’athlète ne le dissocie pas d’une réalité qui a frappé – et qui heurte encore parfois – le Québec. Va-t-il exerce sa prochaine carrière en sol québécois ?

 

« La seule chose que je peux dire, c’est qu’après chaque saison, je me dis tout le temps qu’on va respirer un peu et rester à Kansas City. Finalement, le soir même, après la dernière partie, je fais mes boîtes avec ma copine pour arriver le lendemain. Montréal, c’est chez nous, on est bien ici. C’est ici que je veux grandir », a conclu Duvernay-Tardif qui est un homme de parole.