C’est fascinant de constater qu’il nous aura fallu attendre jusqu’au 256e et dernier match du calendrier de la NFL pour départager le sommet du classement de l’association Nationale, avec la présentation en soirée dimanche du duel capital entre les 49ers de San Francisco et les Seahawks de Seattle.

Ce n’est pas pour rien que le circuit Goodell a placé cet affrontement à heure de grande écoute. Il s’agit d’une classique rivalité de division avec de grands enjeux.

Particulièrement dans le cas de San Francisco, ces enjeux sont à leur paroxysme. Avec une victoire? La 1re place dans la NFC, rang qui s’accompagne d’une semaine de congé et de l’assurance de jouer à domicile pendant la demi-finale et la finale d’association. On s’entend que c’est non-négligeable. En cas de défaite toutefois, ils tomberont automatiquement à la 5e place. C’est un monde de différences pour eux!

Si les Seahawks devaient subir la défaite, ce serait pour eux la 5e position dans la Nationale et l’obligation de commencer leur parcours éliminatoire dans un stade adverse, dès la semaine prochaine.

En cas de victoire de Seattle, les scénarios ne sont pas aussi coulés dans le béton (au moment d’écrire ces lignes, car ils le seront au moment du botté d’envoi à 20 h 20 dimanche). En gros, notons que les hommes de Pete Carroll peuvent terminer en 1re, 2e ou 3e place advenant un résultat favorable. Toutefois, pour que le meilleur de ses scénarios se concrétise, ça prendra des défaites des Packers de Green Bay et des Saints de La Nouvelle-Orléans plus tôt dans la journée. Pour que Seattle s’empare de la 2e place de l’association, il faudra que leur propre victoire soit jumelée à un revers des Packers. Et finalement, si les trois clubs gagnent, les Seahawks débuteront les éliminatoires en tant que 3e équipe classée.

Avant de rentrer dans le côté plus analytique, soulignons que du point de vue statistique, un chiffre saute aux yeux au-delà des fiches de 12-3 et 11-4 de ces deux clubs. Je parle ici du différentiel des points marqués/alloués, qui est passablement plus impressionnant du côté des Niners, à +164 après leurs 15 premières rencontres. Celui des Seahawks est beaucoup plus modeste à seulement +12. Ça nous rappelle que Seattle n’a pas été une équipe dominante et qu’elle a remporté des matchs sans nécessairement recevoir les  mêmes points « d’esthétisme » que les 49ers. Les Seahawks ont remporté plusieurs affrontements très serrés au score, comme en témoigne leur total de 10 matchs gagnés par une différence d’un touché ou moins. Bref, un rappel qu’il existe plusieurs façons de remporter un match de football...

Un autre chiffre qui m’a frappé durant ma recherche est le ratio de revirements des Niners plutôt ordinaire à +4, et ce malgré leurs 12 victoires. Ça les place au 11e rang dans la ligue, mais il est intéressant de constater qu’ils ont été victimes de 23 revirements sur la route, ce qui ne leur confère que le 21e rang parmi les 32 clubs. Parmi les équipes en lice pour une place dans les éliminatoires, c’est le pire différentiel. S’il y a donc une facette qui peut chicoter Kyle Shanahan à l’approche du match le plus important de la saison, c’est bien celle-là.

D’ailleurs, pas besoin de chercher plus loin que le précédent choc entre les deux équipes pour déceler un exemple de revirements qui ont fait mal aux Niners. Dans ce match remporté 27-24 en prolongation par Seattle au Levi’s Stadium, Jadeveon Clowney avait récupéré un ballon et l’avait ramené pour un touché. Ça avait évidemment été une des 10 victoires acquises à l’arraché par les Seahawks cette saison.

Pas aussi intimidant que jadis à Seattle?

Cette fois, le match sera présenté au CenturyLink Field de Seattle, un stade qui historiquement sème la terreur auprès des équipes visiteuses avec la présence du fameux « 12th Man », un titre symbolique qui fait la fierté de la ville. Toutefois, j’ai envie de demander si cet environnement n’est pas un peu moins hostile que par le passé en cette saison 2019...

À domicile, les Seahawks n’ont pu faire mieux qu’une fiche de 4-3 à leurs sept premiers matchs locaux de la campagne. Parmi ces trois revers, on compte bien sûr cet échec plutôt gênant subi face aux Cardinals de l’Arizona la semaine dernière. Les Cards l’ont emporté par la marque de 27-13 en passant carrément sur le corps de leurs adversaires avec du jeu au sol soutenu. Pourtant, cette jeune équipe n’est pas réputée pour avoir le jeu terrestre le plus intimidant de la ligue, loin de là. D’autant plus que Kyler Murray n’a pas terminé le match; c’est Brett Hundley qui a pris le relais en 2e demie alors que le pointage était de 20-7.

Les deux autres défaites encaissées par les Seahawks dans leur stade l’ont été aux mains des Saints (qui avaient pourtant envoyé Teddy Bridgewater dans la mêlée en raison de la blessure de Drew Brees), et des Ravens de Lamar Jackson. L’aura d’invincibilité n’est certainement pas aussi fermement implantée que dans d’autres saisons de la décennie 2010. Le 12e joueur commencerait-il à faiblir?

Une 1re fois pour Garoppolo au CenturyLink

Je sais que Jimmy Garoppolo n’a jamais joué à Seattle dans sa carrière, notamment en raison de la blessure qui lui a coûté la quasi-totalité de la saison 2018. Je sais aussi que San Francisco n’a pas gagné chez ses rivaux de division depuis 2011. Mais avec ce qu’on vient de voir des Seahawks, il faut faire attention avant de parler d’un avantage du terrain marqué et définitif.

Il sera intéressant de voir comment « Jimmy G » sera en mesure de performer au CenturyLink Field. À titre comparatif, sachez qu’Andy Dalton a cumulé 395 verges de gains aériens lors de la visite des Bengals à Seattle, que Jared Goff en a totalisé autant que Dalton, que Jameis Winston a récolté 319 verges et que Kirk Cousins a terminé son match face aux Seahawks avec 276 verges par la voie des airs. Ce n’est pas mission impossible pour Garoppolo, loin de là.  

Parlant d’environnement hostile, peut-on admettre que le quart des 49ers en a passé tout un il n’y pas si longtemps lorsqu’il a mené les siens à la victoire au Mercedes-Benz Superdome, en Louisiane le 8 décembre dernier? À ce jour, c’est peut-être l’endroit le plus bruyant où il a été amené à jouer, et il a excellé en lançant pour 349 verges dans un festival offensif. Garoppolo avait répondu à l’appel de brillante façon.

Ne cherchons pas d’excuse, mais lorsqu’on essaie de comprendre les raisons de la défaite des Niners contre les Seahawks le 11 novembre, on se souviendra que l’ailier rapproché George Kittle n’y était pas. On parle ici du joueur le plus dominant à cette position dans la NFC. Emmanuel Sanders s’était blessé tôt dans le match, le jeu au sol n’avait pas été efficace avec une récolte de 3,2 verges par course, et cinq passes avaient été échappées par des receveurs. Par ailleurs, on avait réussi cinq sacs du quart aux dépens de Garoppolo (sur un total de 28 seulement pour l’ensemble de la saison des Seahawks). Clowney avait connu un match de fou en dérangeant à maintes reprises le quart des Niners… Et bonne nouvelle puisqu’il semble que Seattle pourra compter dimanche sur les services du gros no 90.

Net avantage aux 49ers dans les tranchées

Le gros problème des Seahawks à mon sens est que dans les deux plus récentes défaites, la guerre des tranchées n’est pas allée à leur avantage, et alors là pas du tout. On n’a pas été en mesure d’établir le jeu au sol, et de l’autre côté, la défense a été incapable de l’arrêter. Il y a beaucoup de blessures au sein de la ligne offensive, et certainement ça n’aide pas l’efficacité des Seahawks à cet égard. Contre les Rams, il n’y a eu que 106 verges de gains par la course, puis 91 la semaine dernière contre l’Arizona. Il s’agit des deux plus bas totaux enregistrés par Seattle depuis la semaine no 1, contre Cincinnati (72).

Du côté défensif, les Rams ont engrangé 162 verges et marqué 28 points, tandis que les Cards ont explosé pour 253 verges au sol et inscrit 27 points. Ce sont des équipes qui veulent courir dans le but d’établir la menace du « play action ». Dans l’état actuel des choses, San Francisco a clairement l’avantage dans les tranchées.

Chez les Seahawks, on a essuyé la perte du plaqueur Duane Brown. Le garde à gauche Mike Iupati représente pour sa part un cas incertain, tout comme Joey Hunt qui tout comme Iupati n’a pas encore pratiqué cette semaine. Il y a un risque bien réel que les hommes de Pete Carroll amorcent leur match le plus important de 2019 en n’ayant que deux de leurs partants habituels sur cinq sur la ligne offensive. Il y aura un paquet de remplaçants pour tenter de bloquer pour Marshawn Lynch et Robert Turbin, les porteurs de ballon de la « ligue du vieux poêle » que l’on vient de greffer à l’équipe en désespoir de cause après les pertes dévastatrices de Chris Carson, Rashaad Penny et C.J. Prosise.

Je n’aime pas miser contre Russell Wilson, un quart qui nous a habitués à sortir le grand jeu dans les occasions importantes. Mais avec la ligne à l’attaque qu’il aura devant lui et le champ-arrière à sa disposition, j’ai de la difficulté à me ranger derrière lui. Il faudra qu’il en fasse plus que jamais dans le jeu aérien pour combler les lacunes que l’on vient d’énoncer.

Évidemment, on sera tous curieux de voir comment Lynch jouera. Sa présence à elle seule représentera une immense dose d’énergie dont les Seahawks auront bien besoin. Parions que lorsque « Beast Mode » se verra remettre le ballon pour la première fois, il y aura une ambiance électrique dans le stade.

On ignore quelle sera l’ampleur de son utilisation face aux Niners. Verra-t-il le ballon 10, 12 ou même 15 fois? Chose certaine, Lynch amènera de la passion. Son style de coureur très physique sera le bienvenu dans les circonstances. C’est avec de la robustesse qu’il arrivera à briser des plaqués et à être son propre bloqueur, car je m’imagine mal qu’on lui fournira de belles brèches avec la ligne offensive rapiécée qu’il aura devant lui. On verra s’il a encore un peu magie en lui! Et on verra aussi si les receveurs de Wilson peuvent élever leur jeu d’un cran pour faire la différence.

Du côté des Niners, on sait que depuis leur départ fumant de huit victoires consécutives, ils montrent une fiche moins glorieuse de 4-3. Ça s’explique relativement facilement par la qualité des adversaires qu'ils ont eu depuis environ deux mois. Après avoir vaincu plusieurs équipes en mauvaise posture, soudain, ils ont eu sur leur chemin les Seahawks, les Ravens, les Saints, des Falcons revigorés, les Rams et les Packers lors des sept plus récents matchs, le tout avec une tertiaire grandement hypothéquée pendant quelques matchs.

Russell Wilson est un athlète qui vient de connaître son pire match de l’année, une performance de 169 verges par la passe au cours de laquelle il a été victime de cinq sacs.

Il s’agira de voir si son talent, sa force de caractère et son leadership seront suffisants pour neutraliser tous les facteurs qui ne semblent pas favoriser les Seahawks, à moins de deux jours du botté d’envoi. Il rend les joueurs autour de lui meilleurs, mais pourra-t-il y arriver sans plusieurs éléments importants? Je suis de ceux qui sont sceptiques, mais il sera passionnant de regarder cette confrontation 49ers-Seahawks sur les ondes de RDS2.

* propos recueillis par Maxime Desroches