MONTRÉAL – À Montréal, le 1er décembre est la date qu’on associe au début de la déroute du Canadien, qui affiche depuis un rendement abyssal de 14-26-3. À l’autre bout du continent, à Everett, certains jugent que c’est à peu près au même moment qu’on a recommencé à voir le vrai visage de Noah Juulsen.

D’un point de vue extérieur, quelques indices laissent croire que le plus récent choix de première ronde du Canadien ne connaît pas la progression espérée à sa troisième saison complète dans la Ligue junior de l’Ouest (WHL).

Offensivement, Juulsen ne produit pas au rythme qu’il avait soutenu lors de son année de repêchage. Avec une fiche de six buts et 27 points en 57 matchs, le grand défenseur droitier aurait besoin de 25 points dans les six derniers matchs de la saison pour afficher les mêmes chiffres que l’an dernier – on comprend que ça n’arrivera pas. Son différentiel est également passé de +22 à +5.

ContentId(3.1176505):Les problèmes de repêchage du Canadien
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« Ses statistiques sont bien le dernier de mes soucis, défendait toutefois l’entraîneur des Silvertips, Kevin Constantine, dans un récent entretien avec RDS. D’abord, il faut comprendre que notre équipe a complètement changé depuis un an. L’an dernier, nous avons fracassé le record de concession pour le nombre de buts marqués tandis que cette année, notre attaque est l’une des trois pires de la Ligue. Nous n’avons pas vraiment de joueur doté d’un talent naturel pour compter des buts et ça nous complique considérablement la vie en zone offensive. Les chiffres de Noah sont simplement le reflet de cette réalité. »  

Oublions le contexte particulier évoqué par Constantine et comparons, pour le plaisir, les données compilées par Juulsen depuis le mois de septembre avec celles de 14 autres défenseurs de la WHL repêchés en 2015.

Le meilleur défenseur offensif du circuit Robison est présentement Andrew Nielsen, un choix de troisième ronde des Maple Leafs de Toronto. Il est suivi de près par Ivan Provorov, le joyau que les Flyers de Philadelphie ont obtenu avec le septième choix au total de l’encan. Le top-10 est également occupé par Ethan Bear (5e ronde, 124e) et Parker Wotherspoon (4e ronde, 112e).

Juulsen, que le Canadien a sélectionné avec le 26e choix de la première ronde, est le 43e meilleur marqueur parmi les défenseurs de la WHL, à égalité avec un certain Chaz Reddekopp, un choix de septième ronde des Kings de Los Angeles.

Mais l’observation est trop simpliste pour Constantine, qui souligne plutôt les nombreux impondérables qui devraient être considérés dans le calcul de la valeur de son protégé.

« Je ne pense pas que quiconque voit en Noah un éventuel défenseur numéro un ou deux dans la Ligue nationale, met au clair l’ancien pilote des Sharks de San Jose, des Penguins de Pittsburgh et des Devils du New Jersey. Je crois que son style convient mieux à l’image qu’on se fait d’un joueur évoluant sur la deuxième ou troisième paire, c’est-à-dire un arrière polyvalent, intelligent offensivement, capable de défendre en désavantage numérique et d’apporter une touche de robustesse. Ça ne veut pas dire que son développement ne l’amènera pas ailleurs, mais je crois qu’il doit présentement se concentrer à polir les facettes de son jeu pour lesquelles il sera attendu chez les pros. Les statistiques ne devraient pas être sa priorité. »

Et elles ne le sont pas, garantit Juulsen.

« Je suis vraiment heureux de mon jeu cette saison. Évidemment, les points ne sont pas au rendez-vous, mais ça n’a rien à voir. Je ne m’en fais pas du tout avec ça », rassure le jeune de 18 ans, pas plus bavard que lorsqu’il avait quitté le camp d’entraînement du Canadien l’automne dernier.

« Il y a une chose qu’on ne peut jamais remettre en doute au sujet de Noah et c’est son esprit de guerrier, vante son entraîneur. Il est toujours prêt à se mettre en danger pour frapper, se faire frapper et payer le prix si c’est ce qu’il doit faire pour accomplir son travail. C’est la même chose pour son dévouement à l’extérieur de la patinoire. Quand il arrive à l’aréna pour une rencontre, une session vidéo ou un entraînement, on sait qu’il s’y investira à 100 %. Pour toutes ces raisons, il n’a cessé de s’améliorer. »

S’il y a un aspect de son jeu sur lequel Juulsen doit travailler, concède Constantine, c’est sa prise de décision avec la rondelle. Mais ce n’est rien d’anormal, précise-t-il, pour un jeune homme aussi sollicité.

Après Montréal, un départ « un peu moyen »

Il y a aussi eu cette déception vécue au mois de décembre quand Juulsen a été victime des dernières coupes lors de l’élection d’Équipe Canada en vue du Championnat mondial junior. À mots couverts, des observateurs qui avaient étudié sa candidature à partir du camp estival tenu à Calgary suggèrent que le Britanno-Colombien n’a pas su maintenir la qualité de son jeu à un niveau satisfaisant au cours de l’automne.

« Dans les premiers mois de la saison, j’ai trouvé qu’il était un peu moyen pour les standards auxquels il nous avait habitués, concède le directeur général des Silvertips, Garry Davidson. Je ne sais pas s’il avait la gueule de bois, au sens figuré, après avoir connu l’euphorie d’être repêché chez les pros. Mais lorsqu’il est revenu du camp d’Équipe Canada, il a repris des couleurs. On pourrait croire que c’est le genre de déception qui aurait pu le faire reculer, mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, je crois qu’il l’a utilisée comme source de motivation. Depuis, il est très solide. »

« Être repêché, participer à son premier camp pro et aux essais de l’équipe nationale, tout ça dans le même été, ça fait beaucoup d’expériences enrichissantes, mais aussi mentalement épuisantes, dans un très court laps de temps, note Constantine. Malgré tout, je n’ai jamais senti Noah dépassé par les événements. Il a dû digérer beaucoup d’information, mais il a été capable de le faire sans délaisser les grandes responsabilités que nous lui confions. »

Et les responsabilités de Juulsen n’ont cessé d’augmenter au fil de la saison. En pleine lutte avec les Thunderbirds de Seattle pour le premier rang de la division américaine de la WHL, les Silvertips ont dû disputer une demi-douzaine de matchs avec moins de joueurs que la limite permise dans leur formation en raison du taux d’occupation de leur infirmerie.

Juulsen soigne lui-même quelques petits bobos. Constantine l’a laissé de côté lors d’un récent match contre Kamloops, le premier d’une série de trois en autant de jours, mais il a depuis pris part aux cinq parties de son équipe.

« J’aimerais bien gérer son utilisation de façon à m’assurer qu’on ait un jeune homme en pleine forme pour le début des séries, mais nous avons seulement six défenseurs à notre disposition et tout le monde ici souhaite décrocher une autre bannière de champion de division, justifie le coach. Noah est l’un de nos meilleurs défenseurs, sinon le meilleur, et c’est bien difficile de ne pas le vouloir sur la glace quand la rondelle y est déposée. »