Regardez les deux premiers épisodes du 25 ans d'émotions - La rivalité Canadiens-Bruins les 25 et 26 novembre à 19 h sur RDS et RDS.ca.

 

MONTRÉAL - Dans le sport comme dans la vie, l’indifférence éteint toute forme de passion. Impossible d’aimer ou de détester un joueur, une équipe ou quiconque nous laisse de marbre.

 

Derrière la haine qui caractérise depuis toujours la grande rivalité opposant les joueurs du Canadien de Montréal, ceux des Bruins de Boston sans oublier les hordes de partisans des deux équipes se cache donc de l’amour.

 

Ou à tout le moins, un peu d’amour!

 

Claude Julien le sait mieux que quiconque alors qu’il a vécu cette relation amour-haine dans les deux camps. Outre le regretté Pat Burns, Julien est le seul entraîneur-chef de l’histoire qui ait goûté aux deux saveurs de cette grande rivalité.

 

Une rivalité qui, avec tout ce qu’elle a de beau et de moins beau à offrir, est au centre du grand documentaire « 25 ans d'émotions - La rivalite Canadiens-Bruins » présenté ce soir et demain – vendredi 25 et samedi 26 novembre – sur les ondes de RDS.

 

Comme plusieurs jeunes de son époque qui sont nés et ont grandi dans un des bastions francophones de l’Est ontarien, Claude Julien a toujours été un partisan du Canadien.
 

Son affection pour le Tricolore, pour les « Flying Frenchmen » comme on les appelait encore quand il était jeune, s’est transformée en histoire d’amour en janvier 2003 lorsque le directeur général de l’époque, André Savard, l’a embauché pour prendre la barre de l’équipe.

 

« J’ai compris l’importance de la rivalité Canadien-Bruins dès mon arrivée à Montréal. Une visite à Boston ou un match contre les Bruins devant nos partisans c’était vraiment spécial. C’était toujours spécial. Il y avait toujours une tension différente, une tension plus forte que pour les autres matchs », que Julien a convenu, mardi soir dernier, avant le duel Canadien-Sabres.

 

Un match qui marquait d’ailleurs son retour au Centre Bell qu’il n’avait pas visité depuis son congédiement le 24 février 2021.

 

Épaulé par les fantômes

 

Au cours des deux saisons qu’a duré son premier séjour à la barre du Tricolore, Julien a croisé les Bruins à dix reprises en saison régulière. Ses joueurs ont gagné cinq de ces dix matchs, ils en ont perdu quatre et on fait match nul à une reprise.

 

Si ces dix matchs ont apporté leur lot de pression et de passion, l’affrontement en séries éliminatoires, au printemps 2004, a transformé la rivalité en haine. Une haine que les Bruins ont attisée en remportant les deux premiers matchs disputés à Boston. Une haine que le Canadien s’est assuré de mousser plus encore en remportant les trois dernières rencontres, dont la dernière dans le cadre d’un jeu blanc (2-0) signé par José Théodore, à Boston, lors de la septième partie.

 

Les fantômes du Forum avaient pris d’assaut le Garden, pouvait-on entendre sur la galerie de presse. Et à voir les partisans maudire le ciel en quittant l’amphithéâtre, il était clair qu’ils cherchaient ces damnés fantômes qui prolongeaient les déboires historiques des Bruins aux dépens du Canadien.

 

L’année suivante, Julien n’a goûté que deux fois à la rivalité Montréal-Boston. Avant d’être congédié par Bob Gainey le samedi 14 janvier, à quelques heures du match opposant le Canadien aux Sharks de San Jose, au Centre Bell, il avait eu la satisfaction de battre les Bruins à deux reprises.

 

Tourner le dos à son premier amour

 

Deux ans plus tard, Claude Julien débarque derrière le banc des Bruins qui l’ont embauché après une saison fructueuse au New Jersey où il a été congédié quelques jours seulement avant le début des séries.

 

D’un coup, il se retrouve dans une position délicate.

 

Comment le jeune qui a grandi en aimant le Canadien et qui a détesté les Bruins une fois entraîneur-chef du Tricolore allait-il composer avec des rôles inversés?

 

« Ça s’est fait tout seul! Une fois membre de l’organisation des Bruins, les liens avec le Canadien ne comptaient plus du tout. En fait, c’est comme s’ils n’existaient plus. L’équipe que je dirigeais deux ans plus tôt était maintenant l’ennemi. Je n’aimais plus l’équipe que j’avais tant aimée. Et je t’assure que ce n’a pas été long », reconnaît Claude Julien en riant.

 

En 10 ans à Boston, les Bruins de Claude Julien et le Canadien se sont fait la vie dure :

 

En saison régulière, les Oursons ont maintenu une fiche de 31 victoires – dont sept acquises en prolongation ou tirs de barrage, 30 revers en temps réglementaire, 2 autres en prolongation, et six en tirs de barrage.

 

En séries, le Canadien a gagné deux marathons de sept matchs, mais les Bruins ont balayé le Tricolore une fois en plus de gagner la première ronde des séries de 2011 en sept matchs. Une victoire qui les a propulsés jusqu’à la coupe Stanley.

 

Au fil des 94 matchs Boston-Montréal disputés alors que Claude Julien était entraîneur-chef des Bruins, les deux équipes ont marqué 255 et 254 buts. Le but qui a fait la différence, ce sont les Bruins qui l’ont marqué!

 

D’un congédiement attendu à la coupe Stanley

 

Cette série, au printemps 2011, représente l’apothéose de la rivalité Bruins-Canadien telle que l’a vécue Claude Julien.

 

Largement favoris pour l’emporter, les Bruins ont perdu les deux premiers matchs disputés à Boston.

 

Toujours loquace avec les journalistes, Claude Julien est soudainement devenu bourru. Impatient même. Le coach que j’avais connu dans les rangs juniors avec les Olympiques de Hull, le coach avec qui j’avais renoué à son arrivée à Montréal, le coach avec qui j’avais toujours entretenu d’excellentes relations professionnelles, répondait sèchement et brièvement aux questions qui ne faisaient pas son affaire. Aussi bien écrire à toutes les questions, car aucune d’elles ne faisait vraiment son affaire!

 

Claude Julien se rappelle de ce printemps qui commençait bien mal. Un printemps qui aurait sans l’ombre d’un doute été son dernier à la barre des Bruins s’ils n’avaient pas été en mesure de renverser la vapeur.

 

Julien le reconnaît du bout des lèvres. Mais c’était le secret le moins bien gardé au Garden que Cam Neeley, alors président des Bruins, voulait sa tête. Il la voulait et il aurait obligé l’ancien directeur général Peter Chiarelli de la lui remettre sur un plateau d’argent suivant une éventuelle quatrième victoire du Canadien.

 

Cette victoire n’est jamais venue.

 

Vous connaissez la suite : quelques semaines plus tard, Zdeno Chara a soulevé la coupe Stanley après que les Bruins eurent battu Roberto Luongo et les Canucks, à Vancouver, dans le cadre de la septième et dernière partie de la grande finale.

 

Le Canadien s’est bien repris en battant les Bruins en sept matchs deux ans plus tard. « Mais les défaites encaissées contre Montréal en saison comme en séries ne pourront jamais effacer le plaisir d’être sorti du bon bord de la rivalité Boston-Montréal en 2011 et de nous être rendus jusqu’à la coupe », se rappelle Claude Julien.

 

Des injures aux coups de poing!

 

Si la rivalité Boston-Montréal se transformait souvent en guerre sur la patinoire, elle se transformait aussi en guerre dans les gradins. Parfois même près des vestiaires.

 

Les partisans des Bruins sont fiers. Ils sont aussi belliqueux. Très belliqueux même. Tellement qu’il y a souvent eu plus de bagarres dans les gradins lors des affrontements Canadien-Bruins que sur la patinoire.

 

Je me souviens d’avoir déjà fortement déconseillé à des amis qui avaient fait le voyage à Boston pour vivre la frénésie de cette rivalité en séries de festoyer dans les gradins. Ou pire, de narguer les partisans rivaux en frottant avec affection le logo du CH qu’ils portaient fièrement sur leurs poitrines.

 

Et ce n’était pas seulement pour éviter de prendre des douches de bière ou d’être noyés dans un torrent d’insultes.

 

Que non!

 

C’était pour simplement éviter les représailles physiques des plus intempestifs partisans des Bruins. Des fans qui se transformaient trop souvent en bêtes dans la victoire, comme dans la défaite.

 

Ce n’est pas mêlant, les partisans les plus belliqueux des Bruins n’ont jamais hésité à se battre entre eux – et je ne parle pas ici de simple « poussaillage » – lorsqu’ils n’arrivaient pas à trouver de partisans « ennemis » sur qui passer leurs frustrations. Des frustrations noyées dans les trop nombreuses « Sam Adams » enfilées au cours du match justifiaient les guerres fratricides.

 

Ça vous donne une idée!

 

Et quand ça brassait dans le Garden entre partisans des Bruins, c’était l’avertissement ultime de rester bien sage et même de se transformer en courant d’air une fois rendu sur la rue Causeway devant l’amphithéâtre. Il fallait être plus discret encore si on osait prendre la chance d’entrer dans l’un des nombreux pubs aux murs tapissés de noir et de jaune ceinturant le Garden.

 

Quant à ceux qui faisaient fi de ces recommandations pour se permettre de chercher le trouble, ils étaient sûrs de le trouver... Avec les conséquences qui venaient avec.

 

J’écris cette phrase au passé, car ma dernière visite au Garden remonte avant la pandémie. Mais je suis convaincu que cette pandémie n’a pas adouci les plus belliqueux des partisans des Bruins.

 

Au contraire!

 

Sur la galerie de presse, je n’ai jamais été témoin de brasse-camarade alors qu’il y en a déjà eu au plus fort de la guerre Québec-Montréal, ou Canadien-Nordiques. Mais disons que, par moment, les niveaux de partisanerie affichés dépassaient parfois les limites du professionnalisme.

 

Mettons!

 

Cela dit, un ancien responsable des relations avec les médias des Bruins a essuyé une volée de bois verts et a été apostrophé par la LNH après avoir refusé qu’un joueur des Bruins – le défenseur Aaron Ward – de répondre en français aux questions des journalistes venus du Québec.

 

Une bien vilaine idée quand on veut apaiser la tension médiatique à la veille d’un match Canadien-Bruins.

 

Pression médiatique

 

Parlant des médias et des partisans, Claude Julien dresse des parallèles assez étroits entre le niveau d’intolérance des journalistes et des fans de Boston et de Montréal à l’endroit de leurs favoris.

 

« Les Bruins et le Canadien sont très suivis. Ce qui aide la cause des Bruins, du moins un peu, c’est qu’ils partagent l’attention médiatique et celle des partisans avec les Celtics dont les saisons se déroulent en même temps. Les Patriots et les Red Sox sont au centre de l’attention douze mois par année. Les Bruins peuvent donc parfois profiter d’un répit parce que les autres clubs attirent plus l’attention. L’envers de la médaille, c’est que quand les Patriots, les Red Sox et les Celtics gagnent, et ils ont tous gagné des championnats pendant mes 10 ans à Boston, les Bruins sont alors pointés du doigt et on leur reproche de ne pas être à la hauteur des trois autres clubs. La coupe de 2011 a permis de changer ça un peu », se souvient Claude Julien.

 

Contrairement à Pat Burns qui n’est jamais revenu derrière le banc du Canadien après ses passages au Forum et au Garden, Claude Julien a renoué avec la rivalité Bruins-Canadien une deuxième fois. En février 2017, il est revenu derrière le banc du Tricolore. Et pour une deuxième fois, c’était en relève à Michel Therrien.

 

Et vous savez quoi? Les Bruins sont rapidement redevenus des ennemis. Et ça n’a rien eu à voir avec le congédiement que Cam Neeley avait finalement obtenu.

 

« Là encore, ça se fait tout seul, assure Claude Julien avant de conclure : ça explique peut-être pourquoi cette rivalité est si forte! »