L’entraîneur-chef Dominique Ducharme et ses joueurs du Canadien ont beau répéter qu’ils sont un brin insatisfaits, deux brins frustrés et trois brins tannés de perdre, il serait temps que ça paraisse sur la patinoire et non seulement devant les journalistes à qui ils répètent déjà les mêmes rengaines.

 

Car de la façon dont ils jouent, il est normal qu’ils aient perdu encore dimanche, à Anaheim, où ils ont regardé des Ducks - pourtant loin d’être plus forts qu’eux - marquer deux fois en troisième période pour s’envoler vers une victoire de 4-2.

 

Il est normal qu’ils aient perdu huit fois à leurs dix premiers matchs d’une saison qui s’annonce déjà très longue.

 

En passant : cette fiche de huit défaites après les dix premiers matchs est la pire que le Canadien ait maintenue depuis le début de la saison 1941-1942 alors qu’il n’avait gagné qu’une fois et ajouté un verdict nul lors des dix premières rencontres.

 

Après 13 matchs, le Canadien de l’époque n’affichait toujours qu’une petite victoire (1-10-2).

 

Quelle sera la fiche du Canadien d’aujourd’hui après 13 matchs ?

 

On le saura bien assez vite, mais si les joueurs continuent d’être forts en paroles, mais ô combien faibles en actions, elle ne sera pas beaucoup meilleure qu’il y a 80 ans.

 

Et contrairement à ce qui est arrivé au printemps 1942 alors que le Canadien s’est fait sortir en première ronde des séries par les Red Wings de Detroit, il n’aura pas la moindre chance d’accéder aux séries en 2022. De fait, il pourrait être largué de la course avant la fin du mois de novembre.

 

C’est juste ça le Canadien? C’est juste ça qui reste de l’équipe qui s’est rendue en finale de la coupe Stanley il n’y a pas si tant longtemps?

 

C’est juste ça l’équipe que Geoff Molson offre aux amateurs en leur demandant de payer le gros prix pour revenir garnir les gradins du Centre Bell qui, à l’image des gradins autres amphithéâtres de la LNH, sont dégarnis en ce début de saison post Covid.

 

Molson doit donner le ton

 

Parlant de Geoff Molson, il serait temps que le propriétaire sorte de l’ombre.

 

Il serait temps qu’il règle une fois pour toutes la question de son directeur général afin que ce dernier puisse prendre les décisions qui s’imposent pour tenter de sauver la saison. Ou que le prochain DG vienne s’installer pour amorcer le virage qu’il entend orchestrer.

 

Mais il faut que ça bouge.

 

Il faut que l’exemple vienne d’en haut. Il faut que le propriétaire donne le ton. Parce que tant qu’il se campe au neutre où il s’est immobilisé en envoyant le message par personne interposée qu’il n’avait pas l’intention de régler le dossier de son directeur général avant la fin de la saison, il est normal que le reste de l’organisation soit elle aussi au neutre.

 

Avec les résultats qui viennent avec. Sur la glace ou ailleurs.

 

Je veux bien que le propriétaire paye déjà 5 millions $ à un coach dont la seule préoccupation des derniers jours était de préparer l’Halloween avec ses enfants au lieu de tenter de trouver une manière de déguiser le Canadien en bonne équipe de hockey.

 

Je comprends qu’il ne veuille pas en plus payer un directeur général à ne rien faire, tout en payant le prochain qui viendra s’installer. Surtout que ce nouveau DG pourrait lui demander de changer de coach à son tour avant la fin du contrat de trois ans dont Dominique Ducharme écoule en ce moment la première année seulement.

 

Mais en refusant d’assumer les responsabilités qui viennent avec son titre de propriétaire, Geoff Molson n’aide en rien son équipe.

 

Et j’espère que ce n’est pas simplement pour sauver quelques millions $ qu’il a décidé de repousser à plus tard des décisions qui s’imposent déjà. Car cette volonté de sauver des dollars au lieu de sauver la saison du Canadien ternirait l’image de son équipe et de l’organisation.

 

Les absences n’excusent pas tout

 

Loin de moi l’intention de céder à la panique. Surtout que j’avais déjà écarté le Canadien du portrait des séries avant même qu’il n’encaisse son premier revers de la saison à Toronto.

 

Comme tout le monde, je suis bien au fait des blessures qui privent le Canadien de joueurs importants. De joueurs essentiels.

 

Je suis bien conscient du fait que Brendan Gallagher et Mathieu Perreault sont tombés à leur tour au combat dimanche.

 

Que la pénalité qui a chassé Cédric Paquette a compliqué les choses pour les 11 attaquants qui ont dû prendre les bouchées doubles dans un contexte de deux matchs en deux jours.

 

Je suis bien conscient que Nick Suzuki est encore jeune. Que son manque d’expérience et surtout de l’absence d’un vrai premier centre derrière lequel on pourrait le cacher au moins lorsqu’il évolue sur la route, font de lui une proie facile pour les adversaires appelés à l’éteindre.

 

Je suis bien conscient que Cole Caufield est plus jeune encore et qu’en dépit ses succès en séries l’été dernier il réalise qu’il y a une très grosse marge entre le hockey collégial américain, aussi bon soit-il, et celui de la LNH... aussi mauvais soit-il!

 

Je suis bien conscient de la fragilité de la ligne de centre du Tricolore, du fait que beaucoup trop de joueurs sont obligés de remplir des rôles démesurément imposants pour leurs qualités respectives.

 

Mais ça n’excuse pas le fait qu’une fois sur la patinoire, le Canadien joue mal. Qu’il joue sans conviction. Qu’il mine ses chances déjà bien minces de victoire en multipliant des pénalités écopées par manque de discipline ou par manque de vitesse pour contenir ses adversaires ou plus simplement par des vilaines lectures qui les sortent carrément du jeu et les rendent vulnérables. Qu’il semble prêt à perdre. Pis encore qu’il semble résigné à accumuler les défaites.

 

L’étincelle recherchée n’est pas venue

 

Au lendemain d’une réunion d’équipe qui a suivi une autre très amère défaite encaissée aux mains des Kings à Los Angeles, on se serait attendu à ce que les joueurs du Tricolore amorcent le match en force. Qu’ils patinent. Qu’ils appliquent un échec avant soutenu. Qu’ils forcent l’adversaire à l’erreur. Qu’il l’oblige à écoper des pénalités afin de se donner la chance de sortir de sa torpeur en attaque massive.

 

Eh bien non !

 

Le Canadien est sorti au neutre. Il a même ouvert la porte aux Ducks en écopant une fois encore une mauvaise punition. Et comme elles sont souvent coûteuses cette année, les Ducks ont dit merci…

 

Oui les blessures font mal. Mais que font ceux qui sont en uniforme?

 

Jeff Petry n’est pas l’ombre du solide défenseur qu’il devrait être. Il joue du bout du bâton. Ses passes sont molles et imprécises. Ses poussées sont loin d’être incisives.

 

En l’absence de Shea Weber pour lui rappeler qu’il ne devrait pas se prendre pour Bobby Orr, Ben Chiarot semble avoir décidé de se moquer du système et de s’improviser en quart arrière qui réglera tous les ennuis de l’équipe. Avec comme résultat qu’il en crée davantage.

 

Où étaient Josh Anderson, Christian Dvorak, Jonathan Drouin et Tyler Toffoli encore hier? On ne les a pas plus vus que Suzuki et Caufield qui ont l’excuse de la jeunesse.

 

Au moins Mike Hoffman a marqué. Il ne sera jamais un joueur complet, mais au moins il donne au Canadien ce pour quoi le Canadien lui a consenti un contrat de trois ans et les 13,5 millions $ qui viennent avec.

 

Je vous repose la même question : c’est juste ça le Canadien?

 

Ça n’a pas de sens ! Ce n’est pas normal qu’au fil du match de dimanche, un match crucial qui aurait pu permettre au Canadien de rentrer à la maison avec trois gains à ses cinq dernières rencontres, ces «gros» joueurs aient été éclipsés par Jake Evans, Artturi Lehkonen et Joel Armia qui ont été les seuls à donner ne serait-ce qu’un peu de fil à retordre aux Ducks et à leur gardien John Gibson.

 

Dans le cadre de ce match crucial, le Canadien s’est contenté de 18 tirs. Rien que ça? Oui rien que ça!

 

Et ce n’est pas comme s’il avait canardé la cage de Gibson tout en manquant de précision, car en tout et partout le Canadien a décoché 37 tirs. Oui rien que ça!

 

Cela dit, sur les huit tirs qui ont raté la cible et 11 qui ont été bloqués en défensive, le Canadien a bousillé quelques occasions qui auraient pu lui permettre de se donner une chance de sauver la face.

 

Mais il ne l’a pas fait.

 

Je plains Dominique Ducharme qui doit venir expliquer les déboires de son équipe après toutes ces défaites. Qui doit s’accrocher à quelques aspects positifs. Qui n’a pas le droit de donner l’impression qu’il a abandonné.

 

Mais ses joueurs eux semblent avoir abandonné.

 

Et ça, c’est inquiétant.

 

Car au lieu de retrouver le chemin de la victoire dans le cadre d’un voyage dans l’Ouest américain que tous les joueurs amorçaient avec confiance – du moins en paroles – le Canadien s’est davantage perdu qu’il ne l’était avant de partir.

 

Et comme il était déjà pas mal perdu, il ne faut pas vraiment se surprendre qu’ils aient déjà encaissé huit revers à ses dix premiers matchs. Il ne faut pas se surprendre non plus qu’il n’ait pas trouvé le moyen de ramasser au sol quelques points offerts aux perdants qui ont trouvé le moyen de se rendre en prolongation ou en tirs de barrage.

 

Parce qu’au fond : c’est peut-être vraiment juste ça le Canadien sans Carey Price et Shea Weber.