Comme dans bien des sports, le hockey est un jeu d’erreurs. Il faut savoir leurrer son adversaire pour noircir la feuille de pointage. Cette réalité est d’autant plus exacerbée lors de la danse printanière, alors que se livre une guerre de tranchées sur la patinoire. Les joueurs rivalisent d’arrache-pied pour remporter chaque bataille à un contre un, rondelle libre et centimètre. Le jeu est tellement resserré que la moindre bourde peut faire la différence entre la victoire et la défaite, changeant la dynamique d’une série.

Nous avons été à même de le constater lors du premier duel opposant les Rangers de New York au Canadien de Montréal. En 60 minutes de jeu, un seul tir a réussi à mystifier l’un des deux cerbères. Résultat, les New Yorkais peuvent déjà chanter mission accomplie, s’étant assurés de quitter la métropole avec un gain en poche.

À la conclusion de cette partie, aucune des deux équipes n’aurait volé la victoire. Chacune de ces deux formations a connu ses moments forts et ses périodes creuses. Le Canadien est sorti en lion, galvanisé par un amphithéâtre électrique, et après que la tempête se fut estompée, ce fut au tour des Blueshirts de sonner la charge.

Henrik Lundqvist a été très bon, faisant mal paraître tous ses dénigreurs énumérant ses statistiques peu reluisantes cumulées cette saison et déblatérant au sujet de son fâcheux historique au Centre Bell.  Carey Price a été également très solide dans ce duel de gardiens se soldant par la marque de 2 à 0.

Ce qui a  réellement fait la différence : un minime faux pas. Bien que Tomas Plekanec a remporté une mise en jeu en zone défensive, ses coéquipiers ont été incapables de récupérer cette rondelle libre. Tanner Glass a alors profité de cette bavure pour diriger un tir au filet qui a surpris la vigilance Price.

Mon intention n’est pas de tourner le fer dans la plaie. Mon point est plutôt d’illustrer dans quelle mesure une erreur microscopique peut tout faire basculer en séries éliminatoires, surtout lorsque les deux équipes sur la patinoire sont au coude à coude, comme ce fut le cas lors de cette première valse. Parallèlement, il faut savoir capitaliser sur les quelques erreurs commises par l’adversaire pour optimiser ses chances de victoire. La marge de manœuvre est extrêmement fine dans les deux sens, à savoir qu’il faut autant limiter ses propres maladresses que convertir de ses rares chances de marquer.

Même en accomplissant avec succès sa mission première, soit gagner son duel au cercle des mises en jeu, ce ne fut pas suffisant pour le Canadien. Remporter une mise en jeu, sans rafler la possession du disque est une action complètement futile. C’est la raison même voulant que les équipes de la LNH nous demandent de tenir, chez Sportlogiq, un registre des mises en jeu en attribuant la victoire au joueur de centre de l’équipe prenant initialement possession de la rondelle, plutôt que de se concentrer uniquement sur l’action d’un seul hockeyeur. Il faut plutôt analyser la séquence dans sa globalité et non se focaliser seulement sur le geste initial.

Cette petite anicroche, qui serait pourtant banale 99% du temps en saison régulière, a changé l’histoire de cette partie, alors que les Rangers et le Canadien sont arrivés nez à nez quant au nombre de tirs et à la qualité de ces lancers.

Dans ce premier duel, le Canadien a cadré plus fréquemment ses tirs en direction de Lundqvist depuis l’enclave que ne l’ont fait les Rangers sur Price, mais ces derniers ont généré davantage de chances de marquer. Au final, ces données sont si similaires, qu’elles s’équivalent.

Cette parité que nous avons constatée entre le Tricolore et les Blueshirts ne devrait pas être surprenante, comme un seul petit point sépare ces deux clubs au classement général. C’est précisément parce que l’équité entre ces deux formations est criante que nous avons assisté à un bon spectacle lors de cette première rencontre. Est-ce que toutes les autres parties seront âprement disputées? Probablement pas, au grand dam des spectateurs, bien que cette première prestation annonce une série aussi longue qu’enlevante.

Il est assuré que ces deux formations se livreront une lutte à finir de tous les instants jusqu’au sifflet final. L’intensité régnant sur la patinoire lors de ce premier duel était indéniable, ce qui rend si captivant le hockey des séries. Tous les joueurs étaient prêts à se sacrifier pour le bien de la quête collective.

À mes yeux, l’exemple le plus frappant à ce sujet est le nombre de tirs bloqués, alors que celui-ci a grimpé en flèche pour ces deux équipes comparativement à leur moyenne cumulée tout au long du calendrier régulier.

Bloquer un lancer est une tâche ingrate qui laisse souvent plus que de simples ecchymoses. Erik Karlsson, des Sénateurs  d’Ottawa, peut en témoigner, lui qui jouerait en dépit d’une fracture à un pied selon plusieurs experts, après qu’une rondelle ait heurté l’un de ses patins.

Comment expliquer que l’intensité monte d’un cran si important en séries? Comme mentionné préalablement, chaque détail peut faire la différence en rondes éliminatoires. Les hockeyeurs n’ont pas d’autre choix que de bloquer ce lancer, sinon ledit tir risque de trouver le fond du filet. Les joueurs doivent être complètement dédiés à la cause, car leurs adversaires le sont. Propulsés par le support d’une ville et leur rêve d’enfance de soulever la mythique coupe Stanley, ils repoussent sans hésitation leurs limites.

Dans ces circonstances, le Canadien, comme toutes les autres formations de la LNH participant à cette grande danse, n’a pas le droit à l’erreur s’il aspire aux grands honneurs. Autrement, tous ses efforts déployés seront vains, car chaque bévue risque de se retourner contre lui, comme ce fut le cas lors de cette première rencontre. C’est dire le niveau d’excellence requis pour arriver au bout de cette quête.