Pierre-Alexandre Parenteau a répondu à la question sans la moindre hésitation. Parmi les trois buts les plus importants de sa carrière, où placerait-il celui qui vient de procurer à son équipe la victoire la plus cruciale de la saison?

« C'est le but le plus important de ma carrière, pas de doute», a-t-il répliqué. À 32 ans, c'était seulement le deuxième but de sa carrière en séries. Il a joué avec les Blackhawks de Chicago, les Rangers et les Islanders de New York à l'époque où ces trois équipes ne participaient pas aux séries. Son unique filet a été obtenu avec l'Avalanche du Colorado l'an dernier.

Dans sa tendre enfance, quand il jouait dans la rue à Boucherville, il s'imaginait probablement dans le peau d'un joueur du Canadien. C'était l'équipe de sa ville. Ses joueurs étaient des héros. Il était un fan sans avoir la moindre idée dans le temps qu'il ferait lui-même trembler les murs du temple par un beau samedi soir de mai.

À l'instar de la majorité des enfants qui se sont familiarisés avec le sport du hockey avant de rêver d'en faire une carrière, il s'est sans doute déjà vu en train de marquer le but gagnant dans un septième match d'une finale de la coupe Stanley. Ils y ont tous pensé dans leurs rêves les plus fous.

Hier soir, ce n'était pas un septième match, mais c'était tout aussi important parce que son but a sauvé la saison de l'équipe. On a peut-être jubilé dans le quartier qui a été témoin des tout premiers buts qu'il a marqués entre deux bancs de neige. Le petit gars de la place venait de réussir l'exploit de sa vie. Dans son histoire, c'est la toute première fois que le Canadien se rend à un sixième match après avoir perdu les trois premières parties d'une série.

N'importe quel membre de l'équipe, qu'il soit Russe, Tchèque, Danois, Suédois, Canadien ou Américain, aurait eu du mal à trouver le sommeil après avoir vécu un moment aussi euphorique. Alors, on peut facilement imaginer tout ce qu'a pu ressentir celui qui a grandi à une vingtaine de minutes du Centre Bell et qui a fait bondir de leurs fauteuils quelques millions d'amateurs de hockey à travers le Québec.

Curieusement, durant le second entracte, on jasait de Parenteau entre confrères dans le salon Jacques-Beauchamp. On se disait qu'il était en train de disputer un fort match, probablement son effort le plus intense dans les séries. On mentionnait aussi qu'il était dû pour s'illustrer parce qu'il n'en avait pas donné beaucoup au Canadien cette saison. À un salaire de 4 M$, disons que chacun de ses huit buts a coûté très cher à l'organisation.

D'un côté pratico-pratique, si jamais le Canadien devait remporter le prochain match et revenir à Montréal pour un septième affrontement, cette partie ultime sur laquelle on ne comptait plus vraiment rapporterait à son propriétaire une recette qui paierait près des trois quarts de son salaire.

Longue soirée en vue

L'exploit de Parenteau a mis un point final à un spectacle dont le ton été donné très tôt par le but de Devante Smith-Pelly obtenu à l'aide d'un plomb que Ben Bishop, dans une position accroupie, a vu passer au-dessus de son épaule droite. Ce fut l'unique tir de Smith-Pelly, qui a été utilisé durant à peine 10 minutes.

Le Canadien a mené pas mal les choses à sa manière jusqu'à ce que Steven Stamkos flanque la frousse au public en gagnant une épreuve de force contre Markov pour niveler la marque 1-1. On semblait parti pour vivre une longue soirée avec la prolongation qui s'annonçait.

Carey Price a joué un rôle tout aussi grand que les deux autres dans ce match. À quelques occasions, il a gardé ses coéquipiers dans la partie avec le genre d'arrêts qu'on attend de lui dans les grands moments. Il y a eu d'abord celui contre Brenden Morrow, qui croyait tirer dans une cage de déserte quand la rondelle s'est miraculeusement arrêtée sur la jambière droite du gardien qui traînait au bon endroit sur la glace. Puis, quelques instants avant le but égalisateur de Stamkos, Valtteri Filppula a converti une passe de son capitaine en un tir qui aurait pu toucher les cordages si Price, dans un geste désespéré, ne s'était pas lancé sur sa gauche pour réussir le jeu du défensif du match.

Le commentaire de Michel Therrien à la suite de ces deux arrêts? « Nous sommes contents de posséder le meilleur joueur de la ligue », a-t-il dit, simplement. Ça disait tout.

Même si le Canadien a imposé son rythme, le match aurait pu basculer d'un côté comme de l'autre. P.K. Subban et Parenteau ont touché le poteau lors d'un même avantage numérique et Jeff Petry en a fait autant durant une autre supériorité numérique. Trois malchances qui auraient pu changer le cours de l'histoire.

Le Canadien a été tenace et coriace du début à la fin. Quand Stamkos a ramené tout le monde à la case départ, l'équipe n'a pas été ébranlée et ce, même si elle se retrouvait à un but près d'une possible élimination. On a senti dans l'attitude des joueurs que la récolte de six buts dans le match précédent leur avait permis de retrouver un peu de la confiance perdue durant la fâcheuse séquence de trois revers consécutifs.

C'est comme si on avait acquis la conviction que Bishop, malgré sa fiche immaculée de la saison contre Montréal, pouvait être battu.

Petit détail intéressant, le Canadien a gagné ses deux matchs contre le Lightning après avoir marqué le premier but, l'une de ses faiblesses ce printemps.

Bergevin les a attendus longtemps ces deux-là. Croisé avant le match, le directeur général Marc Bergevin semblait fébrile. Il a résumé à sa façon ce qui allait se passer, selon lui.

« Je crois que nous allons gagner ce soir. Ensuite, le sixième match nous en dira beaucoup sur le déroulement final de cette série », a-t-il dit.

Si je lui avais demandé de prédire le scénario de ce cinquième match, il ne m'aurait sans doute jamais parlé des deux seuls marqueurs de la soirée. Après avoir échangé Daniel Brière en retour de Parenteau et après avoir obtenu Smith-Pelly parce qu'il est supposément bâti pour briller en séries, il attendait depuis longtemps le jour où ses deux acquisitions aideraient l'équipe d'une façon aussi significative. Le Canadien a été sauvé par des héros imprévus. Deux héros qu'on n'attendait pas.

Qui se lèvera pour faire une différence dans un autre match sans lendemain, mardi? Bergevin donnerait cher pour le savoir. Chose certaine, il y a dans son vestiaire un groupe d'athlètes qui croit de plus en plus en ses moyens.

Dans le camp adverse, on imagine maintenant plusieurs jeunes joueurs inexpérimentés hantés par le doute. Leur entraîneur, qui n'est jamais passé par là lui non plus au niveau de la Ligue nationale, a du travail à faire pour les amener à afficher leur confiance inébranlable de la saison, principalement contre le Canadien.

Soudainement, on dirait que Ben Bishop ne mesure plus six pieds et sept pouces. L'homme a ses faiblesses. Ça laisse place à toutes les hypothèses.