MONTRÉAL – Le commentaire d’un internaute était légitime. ‘Pourquoi tous les journalistes écrivent sur Shane Wright et jamais sur les défauts de Juraj Slafkovsky.’ Alors voici un portrait plus complet du menaçant ailier slovaque via les rapports de quelques recruteurs. 

Pour aller aux sources, on a contacté un recruteur européen d’une équipe de la Ligue nationale de hockey qui a épié Slafkovsky à maintes reprises autant avec son équipe de la SM-liiga, en Finlande, que sur la scène internationale. 

La critique qui suit Slafkovsky partout concerne justement l’immense écart entre son rendement timide (5 buts et 5 aides en 31 matchs) avec le TPS Turku et celui avec la formation nationale de la Slovaquie (7 buts en 7 matchs aux Jeux olympiques et 9 points en 8 parties au Championnat du monde). 

« C’est un peu difficile à expliquer. Mais, la première chose à réaliser, c’est que ce n’est pas facile de jouer dans la ligue finlandaise. Le hockey qui se joue est très fermé avec des systèmes ayant recours à des formes de trappe. Bref, c’est tout un défi d’y produire à un haut rythme et surtout pour un jeune athlète », a d’abord relativisé cette source qui est dépisteur depuis plus de 10 ans au niveau de la LNH. 

« D’ailleurs, si tu déplaçais les meilleurs espoirs canadiens de cette cuvée du repêchage ans la Liiga, je suis convaincu que ce serait très ardu pour eux également », a-t-il ajouté. 

Outre ce questionnement raisonnable, on a beau lui chercher des défauts à gauche et à droite pour le bien de l’opération, la quête est pénible. 

Étant donné que Slafkovsky a connu une ascension fulgurante cette année, les recruteurs n’ont pas été en mesure de lui déceler plusieurs failles. 

« Sa créativité pour fabriquer des jeux est bonne, sans être excellente. Mais combien de joueurs mesurent six pieds quatre pouces, foncent au but avec autant d’aplomb et ont également une créativité exceptionnelle ? Peu de joueurs détiennent tous les atouts comme Mario Lemieux », a exposé ce dépisteur qui peine à relever du négatif. 

« Il doit s’assurer de jouer de manière constante avec l’intensité qui le caractérise et acharnement. Quand il le fait, comme avec l’équipe nationale, il efface tous les doutes », a-t-il pu ajouter. 

Car, malgré tout, Slafkovsky n’a pas convaincu l'ensemble des observateurs. Sur certaines listes, il chute à l’extérieur du top-5 du repêchage. Notre interlocuteur s’est laissé convaincre au fil de l’année. 

« J’admets que mon jugement à son endroit a connu des hauts et des bas en raison de son jeu en Liiga. J’ai ressenti quelques doutes pour cette raison. Mais, grâce sa deuxième moitié d’année et son brio international, je n’ai plus de doute », a résumé celui qui jouait comme ailier dans sa jeunesse. 

Ce fossé entre son éclat international et ses performances en Finlande aurait pu refroidir quelques clubs de la LNH. Le recruteur sondé n’adhère pas à cette hypothèse. 

« Je vois plutôt cela positivement dans le sens qu’avec ses statistiques accumulées sur la scène internationale, je n’ai aucune crainte envers son potentiel pour la LNH. Après tout, le jeu de la LNH lui convient davantage que celui de la Liiga et son style particulier. En l’ayant vu exceller aux Jeux olympiques et au Championnat du monde, je suis persuadé qu’il deviendra un bon joueur dans la LNH, un excellent joueur même », a déduit notre interlocuteur qui aimait le voir se fier à ses instincts dans l’uniforme slovaque. 

Choisir Wright quand même ? 

Tout porte donc à croire que ce recruteur sélectionnerait l’espoir européen s’il était dans les souliers des dirigeants du Canadien. Pourtant, le verdict n’est pas si simple. 

« Personnellement, même si je n’ai pas vu Wright jouer une tonne de fois, je prendrais un centre devant un ailier. C’est encore très difficile de dénicher de bons joueurs de centre. Les joueurs de position ont encore un plus grand impact que les ailiers sur les matchs », a rappelé ce recruteur.  

« Mais, bien sûr, tout dépend de ce que l’équipe recherche. Slafkovsky n’est pas un joueur de centre et il n’est pas l’attaquant extrêmement dynamique autour du filet. C’est un attaquant de puissance d’abord et avant tout », a-t-il enchaîné. 

Une conclusion qui expose le casse-tête qui a sans doute animé les réunions du personnel hockey du Canadien. 

L’autre élément à considérer demeure la personnalité confiante, voire arrogante, et détendue de Slafkovsky. 

« J’adore, ça exige de la confiance pour s’illustrer dans la LNH. Ce n’est pas facile pour les joueurs qui sont plus timides de s’imposer », a convenu le dépisteur rejoint en Europe.  

Un accès à plusieurs rapports de dépisteurs

Pour ajouter d’autres voix à cet aperçu de Slafkovksy, on s’est plongé dans le Black Book, la petite Bible de la firme réputée, Hockey Prospect. 

Le Slovaque de six pieds quatre pouces et 229 livres y apparaît au premier rang de la liste finale. Mais le plus intéressant demeure de lire les commentaires d’une panoplie de recruteurs sur le débat relié au premier choix de la cuvée 2022. 

- « Les gens de l’extérieur du milieu du hockey n’ont aucune idée de la pression qui repose sur le Canadien de repêcher Wright. Et surtout avec un directeur général recrue, je me dis que c’est impossible que Wright ne soit pas leur choix. Ensuite, les dirigeants du CH vont se faire détruire quand il ne sera pas le meilleur joueur de son repêchage » un dépisteur de la LNH au mois de mai. 

- « Je connais plusieurs recruteurs qui ont classé Wright à l’extérieur de leur top-3. Sur ma liste, j’ai placé Slafkovsky au premier rang en mars », a expliqué Mark Edwards, le dépisteur en chef de Hockey Prospect. 

- « Il a eu zéro production dans sa ligue en Finlande, mais son équipe est un vrai merdier », a statué un recruteur d’un club LNH en janvier 2022. 

- « Évidemment, il a été impressionnant aux Jeux olympiques, mais ses chiffres en Finlande font peur. Sur ma liste, Joakim Kemell le devançait jusqu’à tout récemment », a précisé un recruteur en mars 2022. 

- « Je penche normalement pour le joueur de centre devant un ailier, mais parfois l’ailier est simplement un meilleur joueur. J’ai Slafkovsky devant Wright », a jugé un autre dépisteur d’une équipe de la LNH. 

- « En général, je vais toujours préférer le centre au lieu de l’ailier. Mais les dirigeants doivent faire attention pour ne pas trop viser le centre et échapper le meilleur joueur qui est un ailier. (En 2015) j’avais classé Mitch Marner (qui était ailier) devant Dylan Strome (qui jouait centre) et c’était une décision très facile à mes yeux. Mais c’est souvent difficile de classer un ailier devant un centre », a dévoilé Edwards, de Hockey Prospect, alors que Strome avait été repêché au troisième rang derrière Connor McDavid et Jack Eichel tandis que Marner a été le quatrième choix. 

- « Je suis certain que plus de 10 équipes considèrent Slafkovsky comme le premier choix depuis le Championnat du monde », a lancé un recruteur LNH en juin. 

- « Son jeu à la fin de la saison permet à Montréal de choisir le joueur que les dirigeants préfèrent. Ils ont moins de pression pour choisir Wright puisque le public sait désormais ce que nous savons depuis des mois », a déclaré un dépisteur d’une troupe du circuit Bettman en juin.