Le Canadien disputera son 50e match de la saison mardi à St.Louis. Si quelques très rares partisans s’accrochent toujours aux minces espoirs d’accéder aux séries, l’état-major doit être plus lucide. Du moins je l’espère.

Avec un recul de 10 points sur les Flyers de Philadelphie, les chances d’accéder aux séries sont théoriques tout au plus. Remarquez qu’elles le sont depuis un bon moment déjà. Au rythme actuel – les Flyers revendiquent 56 points en 49 matchs – le deuxième club repêché dans l’Est affichera une récolte de 94 points une fois la saison terminée. Pour récolter 94 points, le Canadien aurait besoin d’amasser 48 points en 33 matchs.

Ça représente quoi 48 points en 33 matchs? Ça représente un dossier de 21 victoires, six revers et six autres défaites en prolongation ou tirs de barrage.

Pour récolter 48 points en 33 matchs, un club doit jouer pour une efficacité de .727. Histoire de vous donner une idée de l’improbabilité d’un tel revirement par le Canadien, le Lightning de Tampa Bay, premier au classement général après 49 matchs, affiche une efficacité de ,724 depuis le début de la saison.

Aussi bien dire à l’an prochain!

Congédier Bergevin, embaucher Brisebois

Aux yeux de plusieurs partisans désabusés, avec raison, par les insuccès de leur équipe, la première décision à prendre serait de congédier tout le monde : Du directeur Marc Bergevin, à Trevor Timmins qui supervise le repêchage amateur, en passant par Claude Julien et ses adjoints, sans oublier les dépisteurs professionnels et les coachs du club-école à Laval.

Congédier tout le monde, c’est facile à dire. C’est tout aussi facile à écrire. Mais c’est aussi utopique que les chances du Canadien d’accéder aux séries cette année.

Comprenez-moi bien : les mauvais coups et mauvaises décisions que Marc Bergevin traîne à ses chevilles comme des boulets pourraient lui valoir d’être congédié. Les ratés relevés au fil des dernières années au repêchage amateur, les transactions décevantes et les embauches tout aussi décevantes de joueurs autonomes qui n’ont rien entraîné de positif, ou si peu, pourraient justifier le renvoi de Marc Bergevin, de ses nombreux adjoints et conseillers et aussi des dépisteurs.

Surtout qu’en Julien Brisebois, l’actuel bras droit de Steve Yzerman avec le Lightning de Tampa Bay, Geoff Molson aurait un candidat de premier plan pour succéder à Bergevin et prendre les opérations hockey en mains du jour au lendemain.

Ancien directeur général adjoint du Canadien sous Bob Gainey et Pierre Gauthier, Julien Brisebois est bien plus qu’un « simple candidat francophone » comme le dénoncent plusieurs observateurs et amateurs anglophones du Tricolore qui voudraient voir les meilleurs candidats être embauchés, peu importe qu’ils soient capables de parler en français aux partisans du Canadien de Montréal.

Identifier Julien Brisebois comme un simple candidat francophone est non seulement une insulte à l’endroit du principal intéressé, mais surtout une indication claire d’un manque de connaissance quand on prend en considération la liste des coups d’éclat à son actif autant au sein de l’organisation du Canadien que celle du Lightning. En plus d’être le bras droit de Steve Yzerman avec le grand club, Julien Brisebois dirige le club-école. Les championnats à Norfolk, l’embauche de Jon Cooper dans la Ligue américaine, celle de Tyler Johnson qui avait été boudée au repêchage par tous les clubs de la LNH, les succès à Syracuse, tout ça est signée Julien Brisebois.

Il est clair à mes yeux que Julien Brisebois serait un excellent candidat pour réorienter le Canadien. Pour identifier les solutions et prendre les décisions nécessaires pour les atteindre.

Mais cette embauche, c’est Geoff Molson qui la fera et non-moi. Et avant de procéder à une telle embauche, il faudra que le propriétaire du Canadien et ses associés – Geoff Molson ne peut prendre seul cette décision – congédient Marc Bergevin. Ce qui n’est pas fait encore. Ce qui ne se fera peut-être même pas d’ici la fin de la saison ou avant le début de la prochaine.

Car si Geoff Molson fait encore confiance à son boss des opérations hockey et au plan qu’il a concocté pour faire du Canadien un club qui pourra un jour se battre pour la coupe Stanley, le propriétaire ne le congédiera pas.

Geoff Molson doit prendre ses distances

Peu importe que Geoff Molson décide de congédier Marc Bergevin ou de le maintenir en poste, le propriétaire du Canadien devra prendre une décision qui s’impose : celle d’embaucher un président des opérations hockey.

Geoff Molson remplit ce rôle actuellement. Et c’est une erreur. M. Molson a certainement hérité d’un bagage de connaissances pour diriger l’entreprise familiale. Il compte sans l’ombre d’un doute sur des outils pour diriger les opérations «business» du Canadien. Des opérations qui auront d’ailleurs grand besoin du propriétaire d’ici la fin de la saison pour éviter que la catastrophe sur la patinoire entraîne aussi une catastrophe aux guichets…

Mais Geoff Molson, peu importe l’amour qu’il porte au Canadien à titre de propriétaire et de partisan, n’a pas les compétences nécessaires pour superviser Marc Bergevin ou n’importe quel directeur général qui aurait entre les mains la destinée de son équipe.

Le plan de Marc Bergevin est peut-être bon. Ou pas. S’il est bon, il est peut-être bien mal mené. S’il est mauvais, il doit être analysé et modifié au besoin. Et ça, Geoff Molson ne peut le faire.

À titre de propriétaire, Geoff Molson devrait être beaucoup plus détaché des opérations quotidiennes de son équipe. Il devrait imposer une ligne directrice ça oui. Déterminer les balises financières, l’identité du club, ce qu’elle doit représenter aux yeux des fans et présenter sur la patinoire.

Une fois ces directives données, il devrait s’effacer et demeurer le plus loin possible du quotidien.

À moins bien sûr que Geoff Molson désire imiter Jerry Jones qui loin de se contenter d’être propriétaire des Cowboys de Dallas est aussi le DG, le coach et certains dimanches le quart-arrière et le centre défensif du club… avec les résultats qu’on connaît! Pour rester dans les analogies de la NFL, je conseillerais Geoff Molson d’imiter davantage Robert Kraft que Jerry Jones. Les succès des Patriots en comparaison aux ennuis des Cowboys militent d’ailleurs en faveur d’un tel scénario.

Un président des opérations hockey pourrait « challenger » Marc Bergevin sur une base quotidienne. Il ne faut pas voir dans une telle décision un bras de fer quotidien entre deux hommes de hockey, mais bien plus une collaboration susceptible de donner des résultats.

Marc Bergevin travaille de pair avec ses entraîneurs-chefs. Il est très présent. Plus que plusieurs de ses homologues aux quatre coins de la LNH. Certains coachs le trouveraient même trop présent.

Marc Bergevin est entouré d’amis proches au sein de son état-major. De soldats valeureux et fiables qui vont au front quotidiennement pour lui.

Tout ça est bien beau. Mais un président des opérations hockey pourrait s’assurer que les hommes de hockey qui gravitent autour du directeur général ne sont pas uniquement des amis proches et de valeureux soldats, mais qu’ils sont également compétents, clairvoyants, en mesure d’apporter des améliorations à l’équipe.

Jarmo Kekäläinen est le directeur général des Blue Jackets de Columbus. Un dépisteur de grand talent, il a fait ses classes et même retourné dans sa Finlande natale pour mieux en revenir et accéder à un poste de DG dans la LNH.

Il travaille de pair avec John Davidson qui s’assure que les Blue Jackets maintiennent le cap. J.D. s’occupe des relations avec les médias et avec les partisans. C’est lui qui est la façade de l’état-major pendant que Jarmo Kekäläinen s’occupe du travail de tranchée. Avec succès.

À Toronto, Brendan Shanahan assume la présidence; Lou Lamoriello est directeur général. Les deux travaillent de pair.

À Calgary, Brian Burke est le président. Grand émotif, il peut piquer des crises de colère et vouloir échanger tout le monde ou congédier ses coachs, mais son directeur général Brad Treleving peut tempérer les humeurs de son patron et s’assurer que les meilleures décisions soient prises pour le présent et l’avenir des Flames.

Le Canadien a besoin d’un John Davidson, d’un Brendan Shanahan, d’un Brian Burke.

Et ça presse!

Ça presse tellement, que c’est la première décision que Geoff Molson devrait prendre avant même de décider du sort de Marc Bergevin. Car cette décision est trop importante, trop lourde de conséquences, pour qu’elle ne relève que de lui.

Et je le réécris encore : ce n’est pas un désaveu à l’endroit de Geoff Molson. Loin de là. Ce n’est qu’un appel au gros bon sens.

Qui pourrait assumer ce rôle?

Plus grand directeur général du Canadien depuis Sam Pollock, Serge Savard serait un candidat de choix. Il a d’ailleurs rempli des mandats importants à titre de conseiller de Geoff Molson dans le passé.

Mais le président des opérations hockey devrait être plus jeune. Plus disponible. Tout en ayant de compétence de premier plan au niveau du hockey et de la business du hockey.

Le nom de Vincent Damphousse s’impose de lui-même. Ancien capitaine du Canadien, gagnant de la coupe Stanley, ancien président de l’Association des joueurs de la LNH, homme d’affaires sensé, raisonnable, connu et reconnu non seulement à Montréal et au Québec, mais aux quatre coins de la LNH, Damphousse est le prototype parfait de ce que le président des opérations hockey du Canadien de Montréal devrait être.

Mais peu importe qu’il s’appelle Damphousse, Stéphane Quintal, Savard ou Chris Chelios, le Canadien a besoin d’un président des opérations hockey.

C’est important. Non c’est crucial. Et c’est urgent.