Il semble que Marc Bergevin ait pris bonne note du message que le propriétaire Geoff Molson lui a refilé durant le bilan final de la dernière saison.

Bergevin a souvent convaincu le grand patron de lui faire confiance. Tout ce qu’il a exigé de sa part, comme moyens physiques et financiers pour pouvoir rencontrer ses objectifs, il l’a obtenu. L’an dernier, quand tout allait mal et qu’on avait l’impression que l’équipe s’enfonçait dans un gouffre sans fond, il a réussi à le convaincre qu’il avait un plan. Molson a semblé approuver son projet un peu flou en véhiculant le même message dans le public et les médias. Son DG avait un plan, répétait-il, sans toutefois apporter le moindre éclaircissement là-dessus.

Ce qui ne l’a pas empêché d’interrompre son homme de hockey dans le dernier point de presse d’une saison à oublier en lançant quelques remarques dénotant une frustration évidente. Quand Molson a déclaré sur un ton ferme et sans appel que le statu quo serait inacceptable cette saison, le message a semblé menaçant. Si l’ingénieur du train ne parvenait pas à le remettre rapidement sur les rails, il allait trouver quelqu’un d’autre pour le faire. C’est la conclusion qu’il était possible d’en tirer.

Des efforts ont été déployés depuis. Plusieurs décisions ont été prises. Le Canadien a modestement changé de visage. Pour le moment, Bergevin semble en avoir fait juste assez pour rassurer son propriétaire, pour générer de l’espoir dans le public et, disons-le, pour sécuriser son poste à court terme.

Quand il a remercié les entraîneurs subalternes Sylvain Lefebvre, Jean-Jacques Daigneault et Daniel Lacroix, on a cru à tort que Bergevin tentait de se dégager de ses propres responsabilités et de celles de Claude Julien en faisant porter injustement une partie du blâme sur ces trois-là. La suite des choses a démontré qu’il y avait un plan, bien oui, derrière cela. Au Centre Bell, il fallait faire de la place pour un jeune entraîneur aux idées modernes, Dominique Ducharme, et plus tard, pour un adjoint d’expérience en Luke Richardson, un guerrier de 21 saisons dans la Ligue nationale.

À Laval, il fallait une nouvelle voix pour être mieux entendu par les espoirs de l’organisation. Une personnalité forte, différente. Les joueurs de la filiale n’auraient probablement pas démontré le même enthousiasme en se laissant guider par un homme dont le parcours indiquait une seule série éliminatoire en six ans. Rien de très enthousiasmant. Sylvain Lefebvre est un homme doux, compréhensif et qui a de la classe. Joël Bouchard n’est pas de cette trempe. Disons qu’il est préférable de porter attention à ce qu’il dit. Il parle fort et généralement, il n’apprécie pas répéter deux fois le même message.

Bergevin lui a confié une mission de développement, un élément qui a tellement manqué à l’organisation au cours des dernières années. Bouchard n’a fait que cela, développer le talent des jeunes, au cours des trois dernières saisons dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Après le message très clair de Geoff Molson, pour Bergevin, il fallait bien commencer quelque part. Ainsi, avant de procéder à l’ajout de quelques joueurs, il a choisi d’abord de solidifier la base de son personnel de direction.

Les nouveaux venus Max Domi, Joel Armia, Mathhew Peca, Tomas Tatar et Xavier Ouellet ne conduiront pas le Canadien dans les séries. Pas plus d’ailleurs que la jeune sensation Jesperi Kotkaniemi, mais à Montréal comme à Laval, on a au moins passé le porte-poussière dans le vestiaire. Pour toutes ces raisons, on constate qu’un vent de renouveau souffle sur l’organisation depuis quelques semaines. Une ambiance différente a été créée.

Kotkaniemi soulage Bergevin d’un poids

Dans un sens, l’émergence totalement imprévue de Kotkaniemi tire une épine du pied du directeur général. Si le jeune Finlandais n’était pas dans le décor, on serait encore en train de reprocher à Bergevin d’avoir passé un autre été sans avoir déniché un joueur de centre établi. Ne serait-ce que pour cette raison, on accordera probablement toutes les chances à Kotkaniemi de rester à Montréal pour l’entièreté de la saison.

Dans les circonstances, on aimerait croire que les choses vont changer pour la peine et que l’équipe frappera à la porte des séries. Ça ne se passera pas comme ça. Pas cette saison. Il y a trop d’incertitude encore, trop de besoins à combler. Le Canadien ne possède pas une ligne du centre pouvant lui permettre de se battre d’égal à égal avec les puissances de la ligue. S’il n’avait pas fait un fou de lui à son premier match, Domi semblait destiné à un premier rôle au centre, lui qui compte peu d’expérience à cette position. En outre, on ne peut pas imaginer le Canadien faisant trembler la concurrence avec Tomas Plekanec et Jacob De La Rose comme troisième et quatrième joueurs de centre.

Plus intrigant et plus inquiétant encore, c’est la contribution qu’on est en droit d’attendre de Carey Price. Le plus haut salarié de l’équipe s’est présenté, dit-on, au camp dans une forme resplendissante et avec la meilleure volonté du monde, mais on ne peut pas dire qu’on y a vu une différence marquée.

Les observateurs, qui suivent quotidiennement l’équipe à la trace, évaluent sa tenue « correcte » en matchs préparatoires. Or, l’athlète sur lequel l’organisation mise toutes ses billes et qu’on se plaît encore à classer parmi l’élite de son sport ne peut pas se permettre d’offrir un rendement juste correct. Il doit faire LA différence, même si l’équipe devant lui n’a rien de très rassurant, disons-le.

S’il fallait que Price déçoive encore cette saison, les sept dernières années de son contrat mirobolant risquent d’être longues et difficiles à supporter pour l’entreprise et pour tous ceux qui aiment encore cette équipe.