Soudainement, le Canadien se retrouve plus près des Jets et du troisième rang de la division canadienne que d’une exclusion des séries.

Comme quoi les choses changent vite dans une journée. En fait, elles peuvent même changer du tout au tout au cours d’une seule et même partie.

Trop souvent cette saison, c’est vers le négatif que le Canadien a piqué du nez au cours d’un match. Vendredi, c’est tout le contraire qui est arrivé.

Déjà qu’on ne donnait pas cher de sa peau en raison d’un calendrier difficile, en raison des blessures qui se multiplient depuis une semaine, en raison de son attaque anémique et du fait que les Jets, après cinq revers de suite encaissés en temps réglementaire, allaient bien finir par se réveiller, c’est sans Shea Weber que le Canadien s’est présenté sur la patinoire du Centre Bell pour l’échauffement.

Catastrophe!

De minces qu’elles étaient, les chances de victoire sont passées à très minces. Car on a beau dire, et un brin avec raison, que le capitaine ne joue pas à la hauteur de son talent et de sa réputation cette saison, il n’en demeure pas moins que c’est lui qui relevait encore les gros défis d’affronter les meilleurs attaquants de l’autre bord.

Weber traîne une blessure – au haut du corps – depuis le début du dernier voyage dans l’Ouest. C’est du moins ce que Dominique Ducharme a confirmé après le match. D’autres examens sont prévus, laissant croire qu’il pourrait aussi rater le match de samedi contre Ottawa.

On verra.

De très minces, les chances de victoire sont ensuite passées à très, très minces lorsque les Jets, après une très bonne première période du Canadien jusque-là, ont marqué le premier but 95 secondes avant la fin du premier tiers.

Un but qui a fait mal? Mettez-en! Avec 2 gains seulement (2-13-2-3) lors des 20 premiers matchs amorcés en concédant le 1er but, il était normal de baisser la tête. Du moins un peu.

De très, très minces, les chances de victoire sont passées à pratiquement nulles lorsque les Jets ont doublé leur avance en tout début de deuxième. Permettre à l’adversaire de marquer en fin ou en début de période, ce n’est jamais bon. Lui permettre de le faire en fin et en début de période, c’est pire encore. Et c’est exactement ce que le Canadien a fait.

Parce que leurs favoris n’avaient gagné qu’une fois (1-9-1-3) lors des 14 matchs où il s’est retrouvé avec un recul de 0-2 sur les bras, le spectre de voir les Flames chasser le Canadien des séries prenait soudainement et dangereusement de l’ampleur.

Le mince espoir semé par le 11e but de l’année de Nick Suzuki a été vite noyé par une bourde d’Eric Gustafsson qui est passé dans le vide en tentant de garder la rondelle en zone ennemie après une mise en jeu gagnée par Eric Staal.

Je ne sais pas pour vous, mais de mon côté, j’étais prêt à fermer les livres sur le match. Et je dois admettre que j’étais pour la première fois depuis des semaines, prêt à revoir mes projections selon lesquelles le Canadien était assuré d’accéder aux séries.

Finalement, mes projections restent les mêmes.

En fait non : elles prennent du galon, car à la surprise de tous ceux et celles qui avaient fermé les livres, à la surprise des Jets qui se demandent encore ce qui est arrivé en deuxième moitié de match et peut-être aussi un peu à la surprise du Canadien, le Tricolore a fait ce qu’il a fait rarement cette année : il a marqué quatre buts de suite pour transformer une défaite qui remettait tout, ou à peu près en question, en victoire qui l’assure vraiment d’une place en séries.

Quoi? Vous en doutez encore?

Après avoir vu comment les Jets ont laissé filer des avances de 2-0 et de 3-1 et à voir vu comment le Canadien, malgré tout ce qui jouait contre lui vendredi, a réalisé une rare remontée victorieuse cette année, je donne de meilleures chances au Canadien de rejoindre et dépasser les Jets, que j’en accorde aux Flames de rejoindre et dépasser le Canadien.

Voilà! C’est écrit...

Et cette projection prendra plus d’ampleur encore si le Canadien arrive à coller une deuxième victoire, samedi, alors que les Sénateurs feront leur dernière visite de la saison au Centre Bell. Bon! Comme les Sénateurs ont donné du trouble au Canadien (3-3-1-1) et que le Tricolore n’a pas gagné deux fois de suite depuis le premier avril dernier – séquence de 16 matchs – il est loin d’être acquis que le Bleu-Blanc-Rouge gagner encore samedi.

Mais s’il y arrive, il sera mieux ancré qu’il ne l’est déjà en séries...

Une défaite qui pince plus que les autres

Avant de se tourner vers les Oilers qui offriraient, du moins à mes yeux, une meilleure chance au Canadien de passer en deuxième ronde, il ne faudrait pas compter les Jets comme battus.

Du moins pas trop vite.

Après tout, ils devraient finir par se réveiller un moment donné. Quoiqu’à les voir aller vendredi, il est clair que quelque chose cloche au sein de ce vestiaire. Car si les meilleurs doivent être les meilleurs pour qu’une équipe gagne, les meilleurs des Jets sont loin d’afficher l’ardeur nécessaire pour gagner. Du moins pas vendredi soir au Centre Bell.

Je veux bien croire que Paul Stastny a marqué. Mais c’était seulement son deuxième but à ses 17 derniers matchs. Les deux enfilés aux dépens du CH. Blake Wheeler a récolté une passe, mais il n’a jamais été vraiment menaçant. Et il n’affiche qu’un but à ses 10 derniers matchs. Pierre-Luc Dubois n’a pas marqué à ses 11 dernières parties. Kyle Connor à ses six dernières rencontres. Pas plus de Mark Scheifele qui s’est fait clouer au banc récemment et qui ne l’a pas pris.

Il y a peut-être là un début de commencement d’explication aux déboires des Jets. Un début d’explication auquel on peut ajouter le fait que la défensive des Jets n’est pas meilleure qu’elle ne l’était – l’acquisition de Jordie Benn ne change pas grand-chose – et que Connor Hellebuyck, encore hier, n’a pas fait honneur au trophée Vézina qu’il a soulevé l’an dernier. Sans oublier que Nikolaj Ehlers, blessé, ne reviendra pas en saison régulière.

« Cette défaite fait plus mal que les autres », a d’ailleurs admis Paul Maurice après la rencontre.

« Il n’est pas question de céder à la panique. Il est clair que nous avons des ennuis en ce moment. On ne joue pas avec confiance. On ne saute pas sur la patinoire avec la conviction d’aller y faire quelque chose de positif. On saute sur la patinoire en donnant l’impression qu’on veut éviter de commettre une ou des erreurs. En prenant les devants comme on l’a fait ce soir (vendredi), nous étions en train de bâtir quelque chose. Alors oui, le renversement de situation et le résultat final pince eu peu plus », a poursuivi l’entraîneur-chef des Jets.

Trevor Lewis, qui est plus reconnu pour son travail de soutien que pour ses aptitudes offensives, a marqué deux fois vendredi. Il est resté impassible devant les attaques des journalistes de Winnipeg qui font un gros plat, on peut facilement les comprendre, des six revers de suite.

« L’adversité est une très bonne chose. Ça t’aide à comprendre ce qui doit être fait pour gagner. Nous sommes mieux de traverser une léthargie maintenant que dans trois semaines. Vous allez voir, on sortira meilleurs de tout ça », a assuré le vétéran qui a soulevé la coupe Stanley à deux reprises avec les Kings de Los Angeles.

Meilleur match de Caufield

Avec les absences de Brendan Gallagher, Tomas Tatar, Jonathan Drouin et Paul Byron c’est un manque à gagner de 30 buts et de 90 points que le Canadien devait tenter de combler vendredi soir.

Suzuki a fait sa part avec deux buts et une passe. Son premier match de trois points cette saison. Joel Armia a fait sa part aussi alors qu’il a décidé d’imiter Gallagher en se rendant dans l’enclave où il a encaissé des coups, mais d’où il a aussi marqué.

Et que dire du tir d’Artturi Lehkonen qui a mystifié le gardien Hellebuyck avec un tir précis dans la lucarne du côté rapproché? Le genre de but qui nous oblige à nous demander comment le bon Artturi peut marquer des buts aussi impressionnants et rater si souvent des filets déserts...

Mais au-delà les statistiques, ce sont les petits Cole Caufield et Jake Evans qui m’ont le plus impressionné.

Caufield n’a pas marqué vendredi. Mais il a bourdonné au point qu’on sentait ce premier but venir par moment. Tirs décochés, tirs déviés, passes redirigées, Caufield a encore été très actif en zone ennemie. Sa meilleure occasion est venue au terme d’une présence il a gagné une bataille le long de la bande pour maintenir la pression autour de Hellebuyck.

De nombreux partisans et collègues ont dénoncé le fait qu’il ait été « rétrogradé » en compagnie de Evans et Lehkonen. Ce trio a pourtant affiché une belle fougue et beaucoup de vitesse. Ce trio a généré de l’attaque. Bon! Caufield a aussi bien paru lors d’une présence en compagnie de Suzuki et Tyler Toffoli. Mais il s’est très bien comporté encore hier.

D’ailleurs, je crois qu’il a disputé le meilleur de ses trois matchs jusqu’ici.

Un bémol : en première période, lors d’une attaque massive, Caufield a reçu la rondelle à 20 pieds du but des Jets. Il a passé au lieu de tirer. Avec la qualité de son tir, le petit gars doit penser à tirer avant de penser à passer.

C’est l’expérience qui entre...

Il a quand même décoché sept tirs, dont trois que Hellebuyck a dû bloquer. Tout ça en 15 présences totalisant 10 min 59 s.

Quant à Evans, il prouve tous les soirs à quel point il est utile. Et travaillant comme il le fait, il pousse souvent l’adversaire à la faute. Mason Appleton s’est retrouvé au cachot à cause de lui. Evans ne doit pas être jugé simplement en fonction de sa production. Il provoque un tas de choses intéressantes quand il saute sur la patinoire...

N’est pas Weber qui veut...

En l’absence de Weber, Ben Chiarot a disputé un match solide. Peut-être son meilleur des neuf qu’il a disputés depuis son retour au jeu.

Chiarot a aussi eu à parrainer Alexander Romanov qui a hérité du mandat périlleux de remplacer le capitaine. Ou de tenter de le remplacer...

Car n’est pas Weber qui veut.

Romanov l’a d’ailleurs appris à ses dépens sur les deux premiers buts des Jets alors qu’il s’est fait prendre hors position. Pas question de tomber sur le dos du petit gars. Il est encore une recrue, et il n’y a qu’une façon d’apprendre à limiter ce genre de mauvaises décisions en zone défensive : il faut les commettre et apprendre de ses erreurs.

Le plus beau de l’histoire dans le cas de Romanov, c’est que les deux premiers buts n’ont pas semblé le déranger outre mesure. Il s’est ensuite bien acquitté de sa tâche.

Mais comme c’est souvent quand un joueur manque à l’appel qu’on réalise à quel point il est important, l’absence de Weber devrait permettre d’apprécier davantage l’importance de son rôle au sein de la brigade défensive. Même s’il a perdu de la vitesse un brin, même s’il a connu plus que sa part de matchs ordinaires, voire de mauvaises sorties cette saison.

Ce qui est vrai pour Weber, l’est peut-être aussi un peu pour Brett Kulak.

Tombé dans l’oubli depuis les acquisitions de Jon Merrill et Gustafsson, Kulak a fait parler de lui en bien même s’il n’était pas en uniforme vendredi soir. Quelques très mauvais jeux de Gustafsson et du jeu un peu mollasson de Merrill ont rappelé que Kulak, malgré ses défauts, ne jouait pas du si vilain hockey avant d’être rayé de la formation. Il est aussi plus rapide que les deux nouveaux venus.

Est-ce que Merrill, meilleur défensivement, et Gustafsson, meilleur offensivement, aideront ironiquement Kulak à réintégrer la formation puisque globalement il est peut-être meilleur que les deux?

Ça reste à voir. Mais Kulak peut certainement rivaliser d’égal à égal avec ses deux nouveaux coéquipiers.

Entre les lignes

Regroupés par Dominique Ducharme, les petits vieux ou le trio du centenaire – Eric Staal, Corey Perry et Michael Frolik totalisent 105 et 7 mois – n’ont pas mal paru. Bon ! Les choses se déroulaient un brin au ralenti lorsqu’ils étaient sur la patinoire, mais ils ont quand même généré de l’attaque. Frolik a d’ailleurs obtenu une occasion en or en fin de première alors qu’il a décoché un tir voilé de l’enclave que Hellebuyck a tout juste eu le temps de faire dévier avec son bouclier. Les trois vétérans ont terminé le match avec des différentiels de moins-2 chacun...

Armia a disputé un match solide vendredi, mais il a dû retraiter au vestiaire avant la fin de la rencontre après s’être frappé la tête contre la baie vitrée à la suite d’une mise en échec par-derrière de Derek Forbort. Le geste n’a pas été sanctionné par les arbitres. Selon les indications initiales de Ducharme, Armia ne serait pas trop amoché. Mais comme il a subi une commotion plus tôt cette saison – mise en échec de Tyler Myers à Vancouver – la prudence est de mise...

Le Canadien a été haché finement aux cercles des mises en jeu vendredi alors que les Jets ont gagné 32 des 54 duels (59 %). Il affiche toutefois 14 victoires (14-11-3-2) quand il est ainsi dominé. Une fiche supérieure à celle qu’il présente (7-6-2-2) quand il gagne plus de mise en jeu qu’il est perd...

Verra-t-on Cayden Primeau en relève à Allen samedi soir?