MONTRÉAL – Plusieurs critiques ont été épinglées à Trevor Timmins durant son passage avec le Canadien. On a évoqué son piètre rendement en première ronde, son manque d’intérêt envers les espoirs québécois, le travail effacé des dépisteurs québécois de l’organisation et la réputation de country club parfois accolée à l’état-major du CH. Deux recruteurs d’équipes de la LNH ont accepté de donner leur avis sur ces flèches. 

Il va sans dire que Timmins n’est pas sans reproche à travers son parcours de près de 20 ans avec le club montréalais. Toutefois, même en procédant à des entrevues de manière anonyme, les deux recruteurs sondés ne se dépêchent pas à lui jeter la pierre. 

« Objectivement, je trouve qu’il faisait quand même du bon boulot sur son repêchage surtout depuis quelques années », a d’emblée réagi un recruteur d’une équipe de l’Ouest. 

« Je me dis que Timmins aurait peut-être mérité ce sort il y a six ans. Oui, il y a eu un gros trou en première ronde pendant quelques années. Mais après, il y a eu (Mikhail) Sergachev, (Alexander) Romanov, (Cole) Caufield, (Kaiden) Guhle... Personnellement, je trouve que ce sont de bons choix », a ajouté ce recruteur qui comprend que Timmins était intimement lié à Bergevin au point de vue hockey.

Le deuxième recruteur, qui travaille pour un club de l’Est, a tenu à rappeler que les sélections deviennent de plus en plus difficiles à partir du 15e rang. 

« On a été très critique envers ses choix de première ronde, mais si les gens regardent attentivement, il y a plusieurs joueurs repêchés autour des sélections du Canadien qui n’ont pas connu une grande carrière. Je trouve qu’on s’acharne beaucoup sur lui quand toutes les équipes vivent ça à un certain degré », a exposé cette source.

« Parfois, le gars d’impact est choisi en deuxième ronde. Ça veut dire qu’une trentaine d’équipes l’ont laissé passer », a-t-il enchaîné. 

Tout de même, pour faire une analogie avec le baseball, les statistiques démontrent que Timmins a trop souvent frappé des simples au lieu de circuits. La période de 2009 à 2014 (Louis Leblanc, Jarred Tinordi, Nathan Beaulieu, Alex Galchenyuk, Michael McCarron et Nikita Scherbak) a été particulièrement laborieuse au bâton. 

« Je trouve que c’est une image très juste. Ils ont tendance à jouer safe, ils ne veulent pas se mettre dans le trouble et ils font attention à leurs politiques », a constaté le premier dépisteur en sachant que la sélection de Logan Mailloux constitue une exception. 

Des failles en territoire québécois ?  

Là où le premier recruteur constate le plus de failles dans le boulot du Canadien, c’est en territoire québécois. 

« Je pense qu'un changement s'impose »

« Je comprends que tu ne veux pas te ramasser avec un joueur local si tu penses qu’il n’est pas assez bon. Ils ont sûrement des craintes par rapport au développement en raison de la pression du marché. Mais s’ils repêchaient quelques joueurs québécois, ça répartirait un petit peu le poids », a-t-il noté. 

« Le Canadien a deux recruteurs au Québec (Serge Boisvert et Donald Audette) et il y en a un qui travaille pas mal plus fort que l’autre », a jugé cet informateur. 

Cette évaluation a été soumise au deuxième recruteur. 

« Ce métier-là est trop dur pour le faire à la légère. Je n’ai jamais remarqué que les dépisteurs du CH ne travaillaient pas assez fort. Je les vois aux mêmes tournois et aux mêmes matchs que moi. Mais bon, je ne m’attarde pas à regarder l’effort des autres équipes », a rétorqué celui-ci. 

La critique du premier dépisteur nous a rappelé une discussion, il y a quelques années, avec un recruteur québécois le jour d’un repêchage. À ses yeux, les dirigeants hockey du Canadien donnaient parfois l’impression d’un country club. Il utlisait ce qualificatif dans le sens que c’était une gang de chums qui ne se démenait pas toujours aussi fort que des équipes misant sur moins de recruteurs. 

« De mon côté, je trouve que Timmins travaillait très fort. Je me promène un peu partout et je le voyais souvent. C’est peut-être plus individuellement que le Canadien mise sur un ou deux dépisteurs qui s’investissent moins et ça peut laisser cette impression. Mais je ne suis pas prêt à tous les mettre dans le même bateau », a commenté le premier recruteur. 

Un gros manque du côté du développement

Si Timmins a essuyé une panoplie de critiques, le développement accompli par le Canadien n’a pas été épargné. Timmins ne peut guère être blâmé pour le développement, mais le premier recruteur consulté évoque des carences de ce côté. 

Geoff Molson veut tourner la page

« Je trouve qu’il y a un gros manque à ce niveau-là dans plusieurs organisations et le Canadien fait partie du lot à mon avis. »

À ses yeux, ce n’est pas justifié que le développement soit surtout confié à d’anciens joueurs professionnels qui ont une indépendance financière. Il prétend que certains entraîneurs, par exemple de la LHJMQ, pourraient investir encore plus de temps dans un tel rôle. Chose certaine, il voudrait que le recrutement et le développement cessent de travailler en vase clos. 

À travers tout ça, il y a également le message envoyé par le directeur général qui peut affecter le résultat. 

« Ça arrive que l’information ne parte pas de la bonne manière au haut de la pyramide. Un matin, le DG peut déterminer qu’on a absolument besoin d'un défenseur ou d’un centre. On l’a vu à Montréal (avec Jesperi Kotkaniemi). Il n’aurait pas été prêt à jouer avec l’équipe avant quelques années, mais ça force le développement du joueur, ça le place dans une situation hâtive et tu viens de nuire à son cheminement. Tu le brusques et il finit par partir jouer pour la Caroline », a conclu cet intervenant. 

À ce sujet, le deuxième recruteur rappelle que la décision de garder Kotkaniemi à Montréal, à 18 ans, a assurément été prise en groupe. Puisque la position de centre est si exigeante dans la LNH, il n’est pas prêt à jeter l’éponge avec le Finlandais.