BUFFALO – À un peu plus d’un mois du repêchage, on a sondé des recruteurs pour déterminer si Shane Wright avait dissipé les doutes qui ont émergé à son endroit cette saison. « Souvent, il a fallu que je me force pour aller le voir jouer », a lancé un dépisteur. « Je ne peux rien garantir pour le choix du Canadien, mais c’est impossible que ce soit le genre de joueur de Martin Lapointe », a ajouté l’un de ses confrères. 

C’est inutile de tourner autour du pot. Avant d’exposer leurs différents points de vue, révélons tout de suite que, parmi les quatre dépisteurs consultés, sans connaître leur classement au moment de les contacter, il y en a un qui a déterminé que c’était Logan Cooley qui méritait le premier rang. 

L’exercice consistait donc à placer quatre recruteurs, interrogés séparément, dans les souliers des dirigeants du Canadien de Montréal. 

À les écouter réfléchir et décortiquer les possibilités, ça nous a rappelé une scène survenue lors du deuxième entracte d’un match de Wright, à la fin février. Alors qu’on piquait un brin de jasette avec un recruteur d’influence à propos du manque d’acharnement dans le jeu de Wright et s’il le choisirait au premier rang, il avait ajouté, avec le sourire en coin, « Tu vois, ce n’est pas si facile, notre travail ! »

« J'aime tout à propos des Canadiens »

Parce que oui, Wright est un fabuleux joueur de hockey. Un centre de surcroît ce qui augmente sa valeur considérant la rareté de cette ressource cruciale. 

« C’est un excellent joueur, aucun doute là-dessus. Mais chaque fois que je l’ai vu jouer, je suis sorti de l’aréna en me disant que j’aurais voulu voir plus de drive de sa part. Surtout pour un espoir de ce rang », a expliqué le premier recruteur consulté dans les derniers jours. 

Au bout de la ligne, un autre recruteur confirme ce constat.

« Le potentiel est là avec ce que Wright a accompli dans le passé. C’est le gars qui a les probabilités les plus élevées pour jouer un grand rôle dans ta formation (s’il se développe à son maximum). Mais son jeu, cette année, n’a pas été à la hauteur », a lancé cet employé d’un club de l’Est. 

Cette source ne tarde pas à nous expliquer qu’il n’aurait aucune crainte à repêcher plutôt l’ailier slovaque Juraj Slafkovsky au premier rang. À ses yeux, l’imposant gaucher ne constitue pas un risque ou un projet trop audacieux. 

Juraj Slafkovsky« Je pense que Slafkovsky peut te garantir, avec ce qu’il accomplit, qu’il sera un joueur d’impact pendant plusieurs années. Il vient de jouer contre une panoplie de joueurs de la LNH (au Championnat du monde) et il était déjà plus fort qu’eux. Une fois qu’il possède la rondelle et qu’il se sort le derrière, personne ne peut lui enlever », a-t-il cerné. 

« Oui, les joueurs sont excellents dans la LNH, mais les gars qui sont les plus forts à 18 ans, ils vont continuer à être plus forts que les autres. Mais si tu veux un joueur de centre, ce n’est pas ton gars », a convenu ce deuxième recruteur. 

Le troisième dépisteur s’emballe davantage quand il parle de Cooley, ce troisième joueur du top-3 dont on parle moins souvent. Mais il faut assurément se méfier puisque Cooley évolue au centre et il épate par ses qualités offensives et son caractère. 

« Si tu te mets à décortiquer son jeu, tu vas t’arracher les cheveux de la tête à l’occasion. Mais d’autres fois, il a le dynamisme pour que tout le monde s’arrache son gilet, les partisans vont capoter dessus », a déclaré celui qui décèle des ressemblances avec l’imagination de Trevor Zegras chez Cooley. 

« Mais Wright, c’est un très bon joueur de hockey et je pense qu’il sera beaucoup plus stable dans sa progression qui s’annonce uniforme. Selon moi, il atteindra sa maturité plus vite que les autres », a enchaîné ce troisième intervenant. 

Voilà pourquoi il souhaitait pousser la réflexion plus loin. 

« Tu vas me trouver drôle, mais si j’étais le CH, je prendrais une décision qui serait beaucoup plus approfondie que juste une décision hockey. Quand tu détiens le premier choix, il y a tous les aspects autour aussi. Ça vient avec une pression énorme. Tu dois déterminer quel genre de gars et de joueur que tu souhaites pour remplir ce rôle. Ça va un peu dicter l’ADN de ton club », a-t-il précisé. 

Au niveau hockey, il serait plus attiré par Cooley. Logan Cooley

« Cooley m’a fait beaucoup plus d’effet. Pour Wright, il a souvent fallu que je me force pour aller le voir. Pourtant, quand on fait du recrutement, on est sur la job, mais on a un côté amateur de hockey et je suis excité de voir les cinq meilleurs de la cuvée. Quand je sortais d’un match de Cooley, je faisais ‘Wow, c’est quelque chose!’ »

Pour tenter de bien répondre à notre mise en situation, le premier recruteur sondé réfléchit à l’état-major du Tricolore et il en arrive à cette hypothèse. 

« Je ne peux rien garantir (pour le choix du CH). Mais Martin Lapointe, c’est impossible que Wright soit son genre de joueur, impossible... Ça ne se peut pas que Martin Lapointe, après avoir vu Wright, sorte de l’aréna, en étant excité et qu’il dise 'Ayoye qu’il est bon ! Il joue avec de la drive et il a du caractère'. »

Par contre, certaines rumeurs laissent croire que Nick Bobrov exerce une plus grande influence que Lapointe même si les deux portent le chapeau de codirecteur du recrutement. 

Pas de mauvais choix dans ce top-3, mais rien d’exceptionnel

À travers nos discussions, on a voulu comprendre à quel point la position de centre influencera la sélection du Canadien. Même si le besoin est bien connu pour épauler Nick Suzuki, les recruteurs miseraient encore sur le meilleur joueur. 

Toutefois, le CH pourrait ressentir la pression de repêcher Wright, un athlète de l’Ontario, car il maîtrise le style nord-américain. 

« Sauf qu’il y en a eu d’autres, des Européens, qui ont obtenu du succès sans jamais avoir joué un match en Amérique du Nord. Mais c’est évident que tu ne veux pas te tromper quand tu repêches au sommet. À l’inverse, si Slafkovsky avait joué pour London cette année, il aurait peut-être compté 60 buts et tout le monde parlerait de lui. C’est toujours le comparable qui est difficile à aller chercher », a exposé le premier recruteur.

« Pour Cooley, c’est un sapristi de joueur de hockey. Il veut produire, il n’abandonne jamais et il a un instinct naturel offensif. Il mesure cinq pieds dix pouces, mais c’est un vrai joueur de hockey. Bref, ils vont avoir une bonne discussion, c’est sûr et certain », a-t-il poursuivi. 

Le deuxième recruteur ignore les détails de cette discussion au sein du CH, mais il souhaiterait surtout que les partisans retiennent ceci. 

« Il y en a peut-être un qui a plus de potentiel, mais les trois représentent un bon choix pour le Canadien. Je ne pense pas non plus qu’il y ait un joueur exceptionnel dans ce trio. Et c’est correct, ça n’arrive pas chaque année. Je ne crois pas que le Canadien va bâtir son équipe autour de ce choix », a-t-il gentiment rappelé.

« Je suis certain que plusieurs équipes ne classent pas Wright au premier rang. Les partisans se rangent surtout de ce côté parce que c’est la trame narrative, la chose logique. Le Canadien ne passerait pas sur un Connor McDavid en n’optant pas pour Wright », a imagé ce recruteur. 

Le quatrième recruteur rejoint a raisonné dans le même sens.  

« Oui, la production de Wright a été bonne cette saison, mais il n’a jamais été incroyable. Tu sais une performance que tu te dis ‘C’est vraiment un premier choix’. En même temps, il n’y a aucun autre joueur que tu peux le dire, ils ont tous des points d’interrogation. C’est vraiment une année que, peu importe qui tu repêches en premier, ce n’est pas un vrai choix numéro un », a décrit cette source.  

Advenant que le Canadien sélectionne Wright, ce dépisteur a soulevé une possibilité intrigante. 

« Est-ce que, la saison prochaine, il va allumer la switch et être un grand compétiteur? Ça se peut. Plusieurs personnes trouvent aussi que son entraîneur (avec Kingston) n’est pas extraordinaire. Si un changement survient, est-ce qu’on verra une autre version de Wright et que les questionnements de cette année vont disparaître? Disons qu’il était dirigé par Martin St-Louis la saison prochaine, le portrait pourrait être complètement différent, mais personne ne le sait », a-t-il conclu.