OTTAWA – « Ce n’est pas une bonne année pour avoir le premier choix au repêchage. » Voilà, c’est dit et ça vient d’un recruteur qui comprend que le Canadien de Montréal devra se creuser la tête s’il en hérite puisque le rendement de Shane Wright laisse planer des doutes. 

Le nom de Wright était pourtant associé, sans trop d’inquiétudes, au premier rang de cette cuvée depuis longtemps. Mais le centre droitier n’a pas été en mesure de conserver, hors de tout doute raisonnable, ce statut au fil des derniers mois. 

Immédiatement, il faut songer à co

nsidérer le bémol de l’éprouvant contexte de la COVID-19 qui a notamment privé Wright d’une précieuse saison de développement en 2020-2021. Autre mise en garde importante, Wright s’avère un fabuleux joueur de hockey et aucun recruteur ne veut lui enlever cela. Ils ont seulement dressé, avec transparence, le portrait de sa saison. Car il n’en demeure pas moins que les équipes, qui détiennent les probabilités les plus élevées en vue de la loterie, doivent se brancher. 

« C’est une situation difficile. Qu’est-ce que tu fais si tu obtiens le premier choix? Je n’en suis pas encore venu à ma réponse parce que je continue à évaluer et évaluer encore; c’est embêtant », a admis l’une des sources consultées par le RDS.ca. 

Wright est loin d’être un méchant joueur, il a déjà amassé 57 points (20 buts et 37 aides) en 41 parties, cette saison, avec les Frontenacs de Kingston. Mais il avait semé un potentiel encore plus éclatant avec une production de 39 buts et 27 aides (66 points) en 58 matchs il y a deux ans. (NDLR : Wright a terminé la présente saison avec 94 points, dont 32 buts en 63 matchs.)

« Il deviendra un bon joueur de centre du top-6, un gars qui va produire sa part de points. Mais les attentes ne doivent pas être nécessairement trop élevées. Il sera avant tout capable d’alimenter des ailiers, de bons marqueurs », a noté un autre recruteur sondé. 

Ce commentaire vient rappeler que les prévisions ne sont pas extraordinaires pour le repêchage de 2022. 

« Je ne sais pas où il serait sorti dans le repêchage de 2021, mais il n’aurait assurément pas été le premier choix (Owen Power) et peut-être même qu’il n’aurait pas été choisi dans le top-5 », a comparé l’un des dépisteurs.

Les équipes doivent désormais déterminer s’il constitue encore la meilleure option à long terme.

« C’est à débattre. Il a ouvert la porte pour laisser quelqu’un d’autre se faufiler, mais je ne sais pas s’il existe un joueur qui peut le faire, c’est une année comme ça », a décrit un intervenant alors que le centre américain Logan Cooley, l'ailier finlandais Joakim Kemell, l'ailier slovaque Juraj Slafkovsky et le centre albertain Matthew Savoie sont ceux qui le menacent le plus. 

« Contrairement à ce qu’on pensait en septembre, on regarde un petit peu plus le potentiel des autres joueurs qui pourraient être sélectionnés au premier rang », a ajouté l’un de ses collègues qui entrevoit de longues heures de réunion pour les clubs pouvant annoncer la première sélection à Montréal cet été. 

« Je ne m’en occupe pas (le classement qui se resserre) et ça ne me dérange pas. Si je joue comme j’en suis capable, je crois sincèrement que je serai repêché au premier rang », a indiqué Wright en entrevue avec le RDS.ca. 

Bien différent de Bergeron et ne pas répéter le cas Kotkaniemi 

Lorsqu’un joueur récolte des étoiles à son cahier grâce un style complet et soucieux de la défense, le réflexe trop facile est de l’associer à Patrice Bergeron. Cette comparaison a souvent refait surface pour Wright, mais elle ne rejoint pas du tout les recruteurs consultés. 

« Le comparable, je ne le vois pas du tout. Dans le sens que Wright a beaucoup plus d’habiletés offensives que Bergeron au même âge. À l’inverse, son jeu défensif n’est vraiment pas aussi précis que celui de Bergeron. Je ne pense pas qu’il sera aussi fiable que lui, mais il devrait réussir plus de jeux dignes des faits saillants », a répondu un recruteur. 

« C’est bien beau dire qu’il travaille dans les deux sens, mais Patrice se replie plus fort que lui. Tu vas voir que ça lui arrive de se traîner les patins sur le repli », a ajouté son confrère.  

On arrive à la dimension inévitable pour un joueur de centre, une position difficile à renflouer. Est-ce que le Canadien pourrait lui accorder une plus grande valeur pour cette raison? 

« Surtout pour un choix de première ronde, on ne regarde jamais notre bassin de joueurs. On l’a vu dans le passé, des équipes ont tenté de contourner cette approche et ça te revient parfois en pleine face. Le meilleur exemple, on le sait, c’est (Jesperi) Kotkaniemi. Le Canadien s’est trompé royalement », a répondu cet intervenant. 

Wright aurait pu compenser avec plus d'acharnement 

Le métier de recruteur affiche une grande complexité. Déjà que c’est périlleux de prédire la progression de jeunes athlètes, ils doivent considérer l’impact de la pression de l’année du repêchage sur les hockeyeurs. 

« C’est définitivement difficile par moments, ça vient avec beaucoup de pression extérieure, mais je dois simplement faire de mon mieux pour me concentrer sur mon jeu, mes objectifs et être un bon coéquipier. Le repêchage se chargera de lui-même », a confié Wright qui avoue que le tout a affecté sa production. 

« Un peu au début, j’étais plus nerveux. C’est quand même une saison cruciale dans notre parcours. Mais mon jeu s’est placé dans les dernières semaines et je suis content de mon travail », a jugé Wright qui se sentirait privilégié de jouer pour une organisation comme le Canadien.   

Ainsi, les recruteurs acceptent que la production n’atteigne pas toujours leurs prévisions pour un joueur, mais ils deviennent plus méfiants lorsque l’athlète en question ne démontre pas assez de conviction pour compenser. 

« Il y a aussi les aspects du caractère et du niveau de compétition qui s’ajoutent à l’équation. Est-ce qu’il va rencontrer les attentes de ce côté? Je pense que, comme tout le monde, on se pose des questions en tant que recruteurs », a admis celui qui travaille pour une équipe de l’Association ouest. 

Interviewé séparément, son confrère d’un club de l’Est en arrive au même argument. 

« Ce qui m’a déçu, c’est son intensité et le rythme avec lequel il joue. Souvent, il ne patine pas assez, il n’est pas en train de pourchasser la rondelle. Je trouve qu’il aurait pu en donner beaucoup plus de ce côté », a-t-il affirmé. 

« Commencer la saison en tant qu’espoir numéro un, ce n’est pas toujours facile et je ne trouve pas qu’il a très bien géré cette situation. Au pire, si tu es nerveux, travaille plus fort que les autres et ça va s’arranger. Il n’a pas joué avec beaucoup d’acharnement cette année », a poursuivi ce recruteur. 

Mercredi soir, dans une partie décevante de sa troupe, on a pu valider toutes les observations des recruteurs. Wright devrait s'impliquer davantage dans l'action, ça l'aiderait à s'imposer davantage. Il ne reste à espérer que le match des meilleurs espoirs et les séries vont déclencher plus de passion dans ses actions.

Le tir de Wright ouvre un autre volet incitant les recruteurs à s’interroger. S’il se débrouille bien pour le patin, sa vision et son jeu complet, son tir demeure son outil qui se classe parmi l’élite. Il avait utilisé cet atout pour inscrire 39 buts à un très jeune âge (en 2019-2020) avec une efficacité de 19,70% sur ses lancers, mais ce taux a chuté à 12,90% (20 buts sur 155 tirs) cette saison. 

« Un sniper qui pense trop, c’est certain que son rendement sera affecté. Il ne déshabille pas les défenseurs avec ses mains et il n’est pas le plus créatif offensivement. Outre son tir, ce qui lui reste parmi ses grandes forces, c’est qu’il est un bon joueur de centre dans les deux sens », a précisé un recruteur. 

Dave Cameron n’est pas recruteur, mais il dirige des athlètes depuis 35 ans et il a été l’entraîneur de Wright au Championnat mondial junior (qui sera repris cet été) et il l’a affronté neuf fois cette saison dans la Ligue junior de l’Ontario. 

Cameron aime dire que les athlètes exceptionnels n’ont guère le choix que d’apprendre à vivre avec la pression. Il croit surtout que l’annulation de la saison précédente a provoqué un désir d’en faire trop chez certains joueurs. 

« J’ai constaté ça dans mon équipe (les 67’s d’Ottawa). Les joueurs qui traversent leur année de repêchage veulent parfois tout accomplir le même soir. Ils voudraient que chaque partie soit extraordinaire. Quand tu tombes dans cet état d’esprit, tu t’éloignes de la bonne manière et tu t’exposes à de la frustration et à drainer de l’énergie inutilement. Les meilleurs joueurs parviennent à équilibrer le tout et je trouve que Shane l’a assez bien fait », a conclu Cameron qui rappelle la fabuleuse attention aux détails dans le jeu de Wright.