L'histoire de Guy Lafleur commence à Thurso, en Outaouais, avec sa naissance le 20 septembre 1951. Dans les années 50, les perspectives d'avenir sont peu nombreuses pour les jeunes là-bas. Il y a l'usine de papier, l'Église catholique et l'aréna.

En choisissant la dernière option, le jeune Lafleur, qui est né le 20 septembre 1951 va sans le savoir, écrire l'un des chapitres les plus fabuleux de l'histoire sportive du Québec.

Dès l'âge de 10 ans, sa réputation dépasse déjà les frontières de son patelin. Alors que le Carnaval de Québec bat son plein, Lafleur est le point de mire du tournoi pee-wee. Les amateurs se rendent en grand nombre au Colisée pour le voir à l'oeuvre. Huit ans plus tard, le destin fait en sorte qu'il se retrouve encore au Colisée pour donner ses premiers coups de patin dans les rangs juniors. Grâce à Lafleur, les Remparts attirent les foules.

En seulement deux saisons régulières, celui qui porte le numéro 4 en l'honneur de son idole, Jean Béliveau, inscrit 233 buts. Au printemps de 1971, il couronne son passage chez les juniors en remportant la Coupe Memorial. Quelques mois avant de célébrer son 20e anniversaire de naissance, le flamboyant attaquant est prêt à faire le saut dans la Ligue nationale, mais Québec n'oubliera jamais Lafleur.

En juin 1971, les 13 équipes de la LNH participent au repêchage annuel dans un hôtel de Montréal. Même si le Canadien vient de remporter la Coupe Stanley, il profite du tout premier choix en raison d'une transaction complétée avec les Seals d'Oakland deux ans plus tôt. Le directeur général Sam Pollock ne surprend personne lorsqu'il se tourne vers Lafleur.

Son arrivée avec le Bleu-Blanc-Rouge coïncide avec le départ de Béliveau qui annonce sa retraite quelques jours plus tôt. Lafleur n'a pas encore 20 ans, mais déjà, la pression est grande. On le voit comme l'héritier de la tradition établie par les Morenz, Richard et Béliveau.

Mais ses trois premières saisons à Montréal ne se déroulent pas comme prévu. Il marque en moyenne 26 buts, mais les amateurs en veulent plus. Scotty Bowman laisse Lafleur de plus en plus souvent sur le banc et la foule se permet même de le huer cruellement lors d'un match en décembre. Le jeune joueur touche alors le fond du baril.

Marié depuis un an à Lise Barré, Guy Lafleur sort de sa coquille, comme par magie, lors du deuxième jour du camp d'entraînement de 1974. Il oublie alors son casque protecteur au vestiaire et connaît une journée du tonnerre. Il ne le remettra plus jamais par la suite.

Entre 1975 et 1980, Lafleur est l'athlète le plus dominant et le plus spectaculaire de la LNH. Le Démon blond est né. Il devient le premier joueur à connaître six saisons consécutives de 50 buts et 100 points et permet à son équipe de mériter la Coupe Stanley pendant quatre saisons de suite. C'est à cette époque que Jacques Lemaire devient le joueur de centre régulier sur le trio de Lafleur. Pendant 3 ans, les deux hommes sont au diapason.

La fin de la décennie 70 marque un grand changement dans la riche histoire du Canadien. Scotty Bowman délaisse son poste d'entraîneur-chef.  Des vétérans comme Lemaire et Dryden prennent leur retraite, et les performances de Lafleur deviennent moins éblouissantes. En 1981, Lafleur vit des moments plus difficiles à l’extérieur de la patinoire. Il frôlera d’ailleurs la mort à la fin du mois de mars lorsqu’il prend le volant après avoir consommé de l'alcool et il est victime d'un accident de la route.

Trois ans plus tard, Lemaire accepte de remplacer Bob Berry derrière le banc du Canadien. Il tente alors d'implanter un système défensif dans lequel tous les joueurs sont mis à contribution, mais Guy Lafleur n'accepte pas le rôle qu'on veut lui confier. Lors de la saison 1984-1985, Flower n'a marqué que deux buts en 19 matchs. Le coeur n'y est plus, il prend alors tout le monde par surprise.

« Ce matin, je me suis rendu au Forum et j'ai annoncé la décision à M. Corey et à Serge Savard que j'étais pour prendre ma retraite », a-t-il annoncé.

Trois mois plus tard, Lafleur fait l'objet d'une grande fête. On retire le chandail numéro 10 qu'il a porté durant 14 saisons. Le Démon blond fait un dernier tour de piste dans un Forum à la fois bruyant et ému. À 33 ans, il occupe dorénavant un poste aux relations publiques chez le Canadien, mais ses fonctions ne sont pas très bien définies. Lafleur est malheureux et le fait savoir à qui veut l'entendre. Le président Ronald Corey, qui veille à ce que l'image de son organisation ne soit jamais ternie, demande à son plus illustre employé de s'en aller. Pendant trois ans, Lafleur se fera discret.

En juin 1988, Guy Lafleur est intronisé au Temple de la renommée du hockey, mais quelques semaines plus tard, coup de théâtre! On apprend qu'il s'entraîne en secret dans le but d'effectuer un retour au jeu. Il a alors 37 ans. Son programme de remise en forme, qu'on réserve habituellement aux boxeurs, lui permet de prendre part au camp des Rangers de New York qui a lieu cette année-là à Trois-Rivières.

Lafleur réussit alors un véritable tour de force en réussissant à se tailler une place dans la formation. Cependant, une blessure à une cheville le force à rater son premier rendez-vous contre son ancienne équipe. Présenté à la foule du Forum, Lafleur fait alors un joli pied de nez aux dirigeants du Canadien qui ne croyaient plus en lui quatre ans plus tôt. Il enfile son chandail des Rangers sous un tonnerre d'applaudissements.

En février 1989, Lafleur le dispute enfin ce match tant attendu à Montréal. Ce soir-là, les spectateurs sont divisés. On souhaite une victoire du Tricolore, mais on veut assister à une bonne performance de Flower. Dans un scénario que les meilleurs auteurs d'Hollywood n'auraient pu écrire, le Canadien l'emporte 7-5 et Lafleur marque deux buts.

L'association entre Lafleur et les Rangers ne durent qu'une saison. À l'été 1989, tout est à recommencer. Il doit se trouver une nouvelle équipe et c'est Michel Bergeron, son ancien entraîneur à New York, qui lui donne un coup de main.Donc, 19 ans après avoir effectué ses derniers coups de patin dans l'uniforme des Remparts, Guy Lafleur effectue un retour à Québec. Cette fois, il endossera l'uniforme des Nordiques, les ennemis jurés du Canadien.

Lafleur dispute deux saisons avec une équipe qui en arrache, mais encore une fois, il démontre qu'il peut être l'homme des grandes occasions. Son avant-dernier match dans la ligue nationale a lieu à Montréal.

Lafleur est applaudi à tout rompre durant six minutes lorsqu'il apparaît sur la patinoire. Après avoir reçu quelques cadeaux de la part d'anciennes gloires de l'équipe, il se rend derrière le banc du Canadien pour serrer la main du président Ronald Corey. La hache de guerre est maintenant enterrée à tout jamais et c'est le moment pour Lafleur de gâter ses milliers de partisans.

Lafleur inscrit le dernier but de sa carrière, son 560e. Le lendemain, le Canadien et les Nordiques s'affrontent de nouveau, cette fois au Colisée. C'est le dernier match de Lafleur et les gens de Québec font les choses en grand. On lui réserve une ovation de 11 minutes.

Lafleur ne marque pas, mais les Nordiques l'emportent. À la fin du match, le numéro 10 reçoit une autre ovation monstre lorsqu'il se présente sur la patinoire. Une fois dans le vestiaire, il enlève son chandail avec la satisfaction du devoir accompli. L'âme en paix, Guy Lafleur met un terme définitif à sa glorieuse carrière.