Carey Price n’a pas toujours fait l’unanimité. Beaucoup de Montréalais lui ont déjà préféré Jaroslav Halak. Le départ du Slovaque a frustré plus d’un partisan. L’histoire donnera raison à Pierre Gauthier, qui malgré ses insuccès, a vu juste dans le cas du gardien natif de Anahim Lake en Colombie-Britannique..

Halak n’a pas été le seul à devoir laisser sa place à Price. En février 2008, Cristobal Huet a été le premier à changer d’adresse au profit du futur médaillé d’or de Sotchi. Le Français n’a pas gardé de rancune. En fait, il n’est pas surpris de voir le cerbère du Tricolore dans l’élite mondiale.

« Avec les gardiens, on ne sait jamais comment les choses peuvent tourner. C’est d’autant pire lorsqu’on joue à Montréal, car ce n’est pas un marché facile. Malgré tout, c’était prévisible. Il est psychologiquement très fort et il a toujours eu un potentiel extraordinaire. Le club a bien compris que Carey serait de l’élite de la Ligue nationale et ses dirigeants en ont fait le gardien d’avenir de leur formation. C’est une de leur meilleure décision dans les dix dernières années. »

Huet a quitté Montréal pour Washington en février 2008. Le Canadien a alors obtenu en échange un choix de deuxième ronde qu’il a ensuite refilé aux Thrashers d’Atlanta pour Mathieu Schneider. Les services du gardien français n'ont pas coûté cher aux Capitals, mais le gardien de l’Hexagone n’en était pas à son premier séjour sur le marché des aubaines. En 2004, Bob Gainey l’avait acquis comme bonus à Radek Bonk en échange de Mathieu Garon et d’un choix de troisième ronde. Inconnu du public et blessé à son arrivée à Montréal, Huet est par la suite devenu une belle surprise pour les partisans.

« Puisque je suis arrivé blessé, j’ai pu m’imprégner de l’âme de cette ville avant d’aller sur la glace. Dès le départ, j’ai eu un capital de sympathique des gens au Québec. Ça m’a aidé à bien jouer. Notre équipe se battait chaque année pour participer aux séries éliminatoires. J’ai eu beaucoup de plaisir à Montréal, en fait, je crois que c’est les trois plus belles années dans ma carrière. »

Sébastien BeaulieuLe symbole du hockey français

À l’époque, le parcours atypique de Huet a pris tout le monde par surprise. Repêché par les Kings de Los Angeles au septième tour en 2001, Huet n’avait que 54 joutes dans la LNH à sa fiche lorsque le lockout de 2004 est survenu. L’entraineur des gardiens de l’équipe de France, Sébastien Beaulieu, explique que ce curriculum vitae donne beaucoup d’espoir aux gardiens français.

« C’était totalement inattendu. Il n’y avait pas de réelle prédisposition. À l’époque, être Français, c’était un handicap aux yeux des clubs de la LNH. Cela compliquait tous les processus de sélection. C’est ce pour quoi les choses ont débloqué pour lui lorsqu’il avait déjà passé la vingtaine. Son parcours est la preuve qu’on peut réussir dans les pires conditions lorsqu’on travaille fort. Il est un symbole pour les jeunes hockeyeurs en France. »

L’entraineur natif de Beauport n’exagère pas. Florian Hardy joue à München, en Allemagne, mais aussi pour l’équipe de France. Le gardien natif de Nantes utilise des termes encore plus forts que ceux de Beaulieu.

« En France, pour les gardiens, Cristobal est une légende vivante. C’est incroyable ce qu’il a fait dans la LNH et ce qu’il fait aujourd’hui pour l’équipe de France. Il est le fer de lance du développement des gardiens dans notre pays et nous voulons tous marcher dans ses pas. »

Le gardien de but Ronan Quemener, lui aussi membre de l’équipe de France, est tout aussi élogieux. Huet est plus qu’un coéquipier pour le natif de Paris.

« Cristobal Huet, c’est l’étoile du hockey français. Certes, il y a aujourd’hui Antoine Rousselle et Pierre-Edouard Bellemare, mais pour nous les gardiens, Cristobal demeure la référence. À mes yeux, il est en ce moment le meilleur gardien du tournoi. Je suis son coéquipier, mais je suis aussi un admirateur, je dois l’avouer. »

À l’été 2008, Huet a signé un contrat de quatre ans avec les Blackhawks de Chicago. Il s'est ensuite fait ravir le poste de numéro 1 par Antti Niemi, mais cela ne l’a pas empêché de devenir le premier Français à remporter la coupe Stanley en 2010. Huet se souvient d'ailleurs du passage du précieux trophée dans l’Hexagone.

« Nous avons fait quelque chose de bien pour les amateurs de hockey de Grenoble et nous avons aussi monté la coupe dans la tour Eiffel durant la nuit. À Paris, nous voulions que les gens de la région et les médias fassent connaissance avec elle. Aujourd’hui, il y a encore des gens qui m’en parlent. C’était très plaisant. »

Un deuil

Malheureusement, le Français ne faisait ensuite plus partie des plans de l’équipe à Chicago. Les Blackhawks l'ont ainsi prêté au HC Fribourg-Gottéron pour libérer de l’espace sous le plafond salarial. Huet avoue qu’il ne l’a pas trouvé facile, mais il se plait tout de même en Suisse.

« J’ai dû faire mon deuil. Ce n’était pas facile. Je gardais l’espoir de revenir dans la LNH, mais ce n’est malheureusement pas arrivé. En Europe, on joue dans des conditions bien différentes. Le personnel et les installations, c’est un autre monde. Ça m’a pris quelques mois à m’habituer, mais je suis heureux de jouer en Suisse. Je connais bien cette ligue. J’ai joué durant quatre ans dans ce pays avant d’aller dans la Ligue nationale. Ma femme est une Suissesse. C’est donc plaisant de pouvoir jouer dans un championnat de qualité et être proche de notre famille. »

Huet a depuis transféré à Lausanne où il a joué sa troisième saison cette année. À 39 ans, il est loin de vouloir accrocher ses patins.

« J’ai encore une année de contrat avec le club et il y a les Championnats mondiaux à Paris en 2017. Je veux au moins me rendre jusque-là. On verra par la suite ce que je ferai. »

Sébastien Beaulieu tient lui aussi à voir Huet au sein des Bleus à Paris en 2017. Il ne doute aucunement des capacités de son vétéran. Le Québécois, qui travaille aussi avec Huet à Lausanne, voit toujours le Français comme un des meilleurs gardiens du monde.

« J’espère qu’il sera avec nous à Paris. Il y a certes l’importance symbolique de sa présence, mais l’équipe de France a toujours besoin de ses services. Nos jeunes gardiens arrivent à peine à maturité. Cristobal domine en Suisse. Il est le meilleur gardien la ligue depuis deux ans. Il a changé son style. Avant, il était mobile et il glissait dans toutes les directions. Il multipliait les enchainements. Aujourd’hui, il travaille plus dans le fond de son but. Un peu comme Henrik Lundqvist à New York. En fait, on s’est rendu compte qu’il a une extraordinaire vision du jeu. Au lieu d’être agressif sur la rondelle et de risquer de donner des cages vides, il attend les rondelles et il les voit comme si c’était des ballons de plage. À mes yeux, il est un meilleur gardien de but qu’il y a cinq ans. »