MONTRÉAL – En l’espace d’un an, le gardien Antoine Bibeau s’est catapulté du 42e rang de la Ligue américaine de hockey pour l’efficacité à .894 jusqu’au 3e échelon avec .928. (NDLR: Une défaite de 5-4 dimanche l'a toutefois fait descendre en 9e place).

 

En plus de changer d’organisation, l’entrée en scène de Matthew Caldaroni a provoqué l’étincelle recherchée. N’allez pas chercher sa fiche sur le site hockeydb, vous ne la trouverez pas. Caldaroni est plutôt un ancien gardien de... soccer qui s’est recyclé dans l’approche mentale du sport pour pousser les athlètes à leur niveau optimal.

 

« Lorsque je jouais, le principal enjeu auquel je faisais face était d’ordre mental. J’avais parfois de la misère à devenir un compétiteur féroce (mean) dans le feu de l’action. J’ai réalisé qu’il y avait un petit quelque chose de plus à aller chercher chez les joueurs », a-t-il dévoilé à RDS.ca.

 

Caldaroni explique son approche en citant l’exemple de Kobe Bryant, un athlète dominant et qui possède « l’instinct du tueur » sur le terrain de basketball. Au hockey, inutile de chercher bien loin, Sidney Crosby est inébranlable sur la patinoire. Quand l’action se déclenche, il tombe dans ce mode et il le conserve.

 

« J’ai remarqué que plusieurs athlètes manquaient de cette dimension dans leur approche. Ce n’est pas qu’ils sont incapables de se concentrer, mais ils perdent une partie de cet acharnement », a exposé l’Ontarien.

 

« Ils doivent réfléchir sur eux et comprendre ce qu’ils sont vraiment. C’est étonnant à quel point plusieurs personnes ne le savent pas. Ils finissent par essayer plusieurs choses et ils en viennent à oublier les trois ou quatre aspects qui ont mené à leur succès », a ciblé Caldaroni. 

 

Une fois que les Leafs lui ont indiqué la porte de sortie, Bibeau a encaissé la surprise et il a choisi l’offre d’une saison des Sharks de San Jose, l’organisation qui le désirait le plus et qui lui offrait les possibilités les plus intéressantes.

 

Caldaroni s’est alors immiscé dans le parcours de Bibeau avant le lancement de la saison. Au diable les statistiques, il s’est attelé à bloquer les distractions et à créer le contexte souhaité pour qu’il brille sur la glace.

 

« Je dois m’assurer avec les athlètes qu’ils puissent décrocher. Certains le font trop longtemps alors que d’autres ne le font pas assez. Avec Antoine, il fallait trouver son équilibre. Le hockey demeure un travail, si tu en fais trop, ça ne va pas t’aider non plus. Par exemple, si tu as une activité avec ta copine, assure-toi de décrocher, je ne veux pas entendre parler de toi. Il faut en quelque sorte se développer une autre personne. Tu dois être capable de savoir qui tu es en dehors du sport et pendant le sport », a évoqué l’intervenant qui collabore notamment avec douze athlètes de niveau midget à professionnel de la firme RSG Hockey dont Bibeau et Gabriel Gagné.

 

Ce n’est donc pas étonnant que certains athlètes se transposent dans le costume d’un superhéros ou dans la peau d’un animal au moment de jouer.

 

Un changement d'air favorable avec les Sharks

 

Abandonné par les Leafs, qui l’ont repêché en sixième ronde en 2013, Bibeau devait prouver qu’il pouvait afficher de la constance devant son filet. Il a surpassé cet objectif étant d’ailleurs invité au Match des étoiles de la Ligue américaine.

 

« Ça ne s’était pas très bien terminé à la fin de la dernière saison. Je voulais connaître un gros départ. Je ne pensais à rien, je m’assurais de travailler fort tous les jours tout en ayant du plaisir à jouer. Cette année, mon but était de démontrer plus de constance et d’être l’un des bons gardiens de la LAH. C’est la chose qui me rend le plus fier », a soulevé Bibeau qui porte les couleurs du Barracuda de San Jose.

 

Ce revirement de situation drastique a permis à Bibeau de convaincre les dirigeants des Sharks de miser sur lui à plus long terme. En plus d’échanger le gardien Troy Grosenick, il a paraphé une prolongation de contrat de deux saisons cette semaine.

 

« Son approche a changé dès le départ et j’ai senti un déclic après trois semaines. Mais le vrai test pour lui était de tenir le coup pendant toute une saison et cette invitation au Match des étoiles était un peu comme la cerise sur le sundae. J’ai remarqué que les gardiens québécois ont vraiment une très bonne éthique de travail », a spécifié Caldaroni.

 

Il faut dire que Bibeau s’est retrouvé dans un contexte favorable pour remettre ses lames de patin sur sa courbe de progression qui avait été projetée. Le Barracuda évolue dans le même aréna que les Sharks et il peut profiter des conseils d’Evgeni Nabokov comme entraîneur des gardiens.

 

« On s’entend très bien ensemble, il m’a vraiment aidé. Quand je suis arrivé, il ne voulait pas trop toucher au côté technique. Il y a eu un peu d’ajustements, mais rien de majeur. C’était plus au point de vue mental. Il aime travailler fort, mais c’est super important pour lui de s’amuser. On a du plaisir autant sur la glace qu’à l’extérieur », a confié Bibeau.

 

La saison prochaine, le gardien originaire de Victoriaville tentera de mériter une nouvelle audition dans la LNH. En 2016-2017, il s’était très bien débrouillé à ses deux premiers départs avec les Maple Leafs sans pouvoir poursuivre sur cette lancée dans la Ligue américaine par la suite.

 

« C’est sûr, mais une des choses qui a fait mon succès cette année, c’est que je ne pensais pas trop loin. On verra ce qui se présentera et je vais pousser pour un poste dans la LNH », a noté celui qui se situe derrière Martin Jones et Aaron Dell dans l’organigramme des Sharks.

 

Il pourra compter sur l’appui de Caldaroni qui assure un suivi régulier avec son protégé de 23 ans. Information intéressante, Caldaroni n’est âgé que de 24 ans. Ce n’est sans doute pas étranger à sa facilité d’établir un contact privilégié avec de jeunes athlètes.

 

« Je pense que je suis capable de faire du bon travail avec les milléniaux. Je ne dis pas que ça ne fonctionne pas avec ceux un peu plus vieux. Mais les milléniaux, on ne peut pas les pousser autant et j’en parle souvent avec les entraîneurs. C’est soit qu’ils veulent le faire ou qu’ils ne veulent pas. Je n’ai pas peur d’exposer ma vulnérabilité avec eux si bien qu’ils font la même chose et ça aide à progresser », a conclu celui qui porte, en anglais, le titre de High Performance Resiliency Coach.