MONTRÉAL – En 1986, à l’âge de 22 ans, Pat Cortina donnait un coup de main à une jeune délégation italienne venue s’entraîner à Montréal. Le gérant de cette formation a rapidement eu une illumination : ‘Un jour, tu seras un entraîneur en Italie’. Il n'aurait pas voir plus juste. Établi en Europe depuis 32 ans, Cortina songe, pour la première fois, à appuyer sur le frein. 

Même s’il est passionné jusqu’au bout des doigts, Cortina n’a pas échappé à la remise en question provoquée par la COVID-19. Il faut dire que le moment était sans doute propice puisque sa feuille de route serait suffisante pour satisfaire bon nombre d’entraîneurs. 

Son ascension lui a permis de s’établir successivement comme l’entraîneur-chef de l’équipe nationale de l’Italie, de la Hongrie et de l’Allemagne. Un exploit peu banal pour cet érudit du hockey. 

Mais le temps a fait son œuvre et Cortina s’interroge sur son avenir. Entraîneur des Grizzlys de Wolfsburg, il a grimpé dans le niveau de la Ligue allemande (DEL) depuis 2010. Un défi qui l’a comblé sauf que... 

« Absolument, c’est très professionnel, c’est du bon hockey. Mais c’est peut-être trop », a laissé tomber Cortina en nous incitant à demander si c’était encore son souhait pour les prochaines années.

« C’est une très bonne question et je ne sais pas si je veux te donner la réponse, a-t-il lancé en souriant. Je réfléchis à d’autres options. »

Ce n’est pas tous les jours qu’on entend un entraîneur de 56 ans entrouvrir cette porte. Mais Cortina n’est pas le cas classique. Son éventail d’intérêt apparaît plus vaste et il le confirme avec la suite de sa réponse. 

« Quand tu m’as demandé ce que j’ai fait pendant la pandémie, c’est exactement ça. En fin de compte, le hockey, c’est la seule chose que j’ai faite dans ma vie. Je ne me plains pas, je me sens gâté au contraire. J’ai vécu d’excellentes expériences, j’ai découvert plusieurs pays, des parties du monde dont je ne connaissais même pas l’existence. Mais je n’ai fait que du hockey. C’est peut-être le temps de goûter à autre chose. C’est facile à dire quand la saison n’est pas commencée. Quand la compétition démarre, ça repart », a témoigné Cortina au RDS.ca. 

Justement, le premier jalon de cette relance a été planté le 11 novembre avec le début de la MagentaSport Cup, un tournoi incluant 8 des 14 équipes de la DEL qui servira de test en vue d’une saison qui décollerait en décembre. Il pourra d’ailleurs épier l’espoir du Canadien, Josh Brook, qui participera à cette compétition avec le club de Krefeld. Pour l'instant, les Grizzlys ont obtenu un gain en trois parties. 

La COVID-19 modifie son approche d’entraîneur

Conséquent dans ses pensées, Cortina n’abordera pas l’année avec la même approche. Il a retenu trop de leçons de la pandémie pour ne pas les appliquer au hockey. D’abord, comme il le révélait, au printemps, au confrère Stéphane Cadorette, l’oncle de sa femme a été emporté par le coronavirus. Déjà qu’un entraîneur réfléchit constamment au sort de sa formation, ce décès et le prolongement de la pandémie n’ont fait que pousser le tout à un autre niveau.  

« Tu réfléchis beaucoup sur ta façon de travailler et sur la vie en général. Tu te rends peut-être compte que ce n’est pas gagner ou perdre un match qui est le plus important. On donne plus d’importance à ce qu’on appelait de petites choses comme la famille, les amis, le temps avec les enfants. (Une telle pause) Ça donne aussi la chance de lire, d’écouter des films et d’oublier un peu le hockey tout en travaillant quand même sur ton métier d’entraîneur. Je parle du côté humain pour enrichir nos connaissances de ce côté », a révélé Cortina. 

Ainsi, il promet d’être nettement plus patient dans son approche et de toujours mettre les choses en perspective. Il s’attelle donc à développer, chez ses joueurs, une mentalité axée sur l’idée de s’investir à fond dans le moment présent. 

Parmi les côtés positifs de cette crise, il admet que les joueurs sont réceptifs à ses enseignements. D’autant plus que son équipe appartient à Volkswagen ce qui assure une solidité financière contrairement à plusieurs rivaux. 

« J’essayais de le faire comprendre aux joueurs. On est gâtés surtout que les joueurs savaient que les autres équipes ne pouvaient pas s’entraîner comme nous depuis septembre, l’incertitude était plus grande dans les autres clubs », a indiqué l’entraîneur qui a effectué ses premières armes à Saint-Léonard.

L’incertitude, Cortina et sa famille l’ont plutôt vécu au plan personnel. Leur habitude de revenir au Québec durant la saison estivale a été sabrée par la COVID. 

« Voilà, ce qui frappe fort et c’est encore difficile pour moi. Je pense à mes parents, mon frère, ma sœur, mes amis, le Québec et Montréal; ça me manque », a convenu Cortina dont la femme est Italienne. 

Heureusement, il ne manque guère de vie autour de lui étant père de trois filles de 20, 10 et 8 ans. Il blague que ça explique sa couleur blanchissante de cheveux.  

Cortina a foncé sans regarder derrière

Ça fait si longtemps que Cortina est arrivé en Europe qu’il a l’impression de revenir dans une autre vie quand on le questionne sur son départ du Québec. 

« Wow, tu me fais retourner dans le temps pas mal! J’étais étudiant à Concordia et je coachais du hockey mineur à Saint-Léonard. Ça m’intéressait d’y aller, mais j’ai dit au gérant de la délégation italienne que je finissais mes études dans deux ans. Et bien, mon téléphone a sonné deux ans plus tard et je me sentais prêt pour essayer une ou deux saisons. J’avais des amis qui jouaient en Italie comme Santino Pellegrino et Franco Iammatteo, un ancien des Chevaliers de Longueuil », a raconté Cortina. 

Malgré ses racines italiennes, il a découvert un contexte qui ne ressemblait en rien à ce qu’il avait imaginé. 

« Absolument pas ! », a rigolé Cortina qui a d’abord atterri en troisième division en 1988. 

« J’avais 23 ans et la moitié des joueurs étaient plus âgés que moi. Mais, quand on est jeune, on se rend moins compte du peu qu’on connaît. J’étais convaincu de mes moyens, même s’ils étaient très limités à ce moment », a poursuivi celui qui a gravi les échelons en se perfectionnant notamment avec des cours au Canada durant l’été. 

L’arrêt suivant a été Hongrie où il a été attiré par une nouvelle aventure. Il trace un tunnel avec ses mains pour décrire la mentalement plutôt fermée de ce pays de l’Est à l’époque. 

« La chose frappante, c’est que leur approche était grandement liée sur les habiletés techniques d’un joueur. Le plus talentueux que tu es, le plus important que tu es dans l’équipe », a exposé Cortina qui a inculqué l’idée de valoriser les joueurs moins doués techniquement qui se défonçaient pour la cause. 

Au final, il a entamé une petite « révolution » en contribuant au développement du hockey dans ce pays. Il a raison d’afficher sa fierté quand on l’invite à en parler. 

« En restant humble, j’ai peut-être aidé à entamer le switch. Désormais, le niveau est très professionnel, il y a beaucoup d’équipes, de très beaux arénas et plusieurs jeunes participent. »  

Il atteindra un niveau supérieur en Allemagne et il compte à son palmarès des championnats à Munich et en Hongrie. Bref, il n’a pas à se creuser la tête pour raconter de beaux souvenirs à ses filles ou à des amis. 

« Le fait d’avoir eu la chance – je ne veux pas dire travailler - de partager des expériences avec trois équipes nationales en plus de l’équipe féminine de Hongrie. Les Jeux olympiques de 1992 (à Albertville) avec l’équipe d’Italie. Je pense aussi à l’année à Milan avec Jari Kurri (1990-1991) entre son passage d’Edmonton à Los Angeles. Mais surtout, le hockey a été un moyen de vivre des expériences, de connaître des gens et des parties du monde », a détaillé Cortina qui conserve plusieurs liens dans la confrérie des entraîneurs notamment avec Clément Jodoin, Geoff Ward et Ralph Krueger. 

Ne pas se douter de ce qu’on manque

Au cours de la dernière décennie, il a pu revenir au Canada durant la saison de hockey. Il était si plongé dans cette aventure européenne qu’il ne se doutait pas de l’effet que ça provoquerait en lui. 

« Je me rendais compte à quoi ressemble vraiment un pays de hockey, à quel point c’est fascinant. Je suis parti en 1988, je ne réalisais pas tant ce que je manquais. Après y avoir goûté, je peux dire que ça me manque », a-t-il avoué. 

Pourtant, son parcours en rendrait plusieurs jaloux. Il aura visité une multitude de pays, dont le Japon, grâce au hockey. Il parle italien, anglais, français et il se débrouille très bien en allemand en plus de comprendre le hongrois. Ça ne l’empêche pas de lancer ce bout de phrase bien senti. 

« Le Québec me manque beaucoup », a admis Cortina qui n’a donc pas compté son temps pour cet entretien. 

« Ça me fait plaisir, ça me donne la chance de parler en français et dire Bonjour à Montréal. J’ai voulu en profiter », a conclu celui qui a conservé un excellent français uniquement en parlant avec ses joueurs francophones comme le Québécois Jordan Boucher et le Français Anthony Rech. 

« Anthony ne nous comprend pas beaucoup », conclut-il avec humour.