BOISBRIAND, Qc - Antoine Morand n’est pas du genre très bavard.

Invité à s’asseoir dans un vestiaire du Centre d’Excellence Sports Rousseau habituellement réservé aux arbitres, mais pour l’instant inoccupé, l’attaquant du Titan d’Acadie-Bathurst s’installe, fixe momentanément le sol, puis lève le regard.

Il est prêt.

L’entrevue a beau débuter, Morand connaît déjà par cœur plusieurs des réponses qu’il récitera à un moment ou un autre de cet entretien d’une dizaine de minutes avec le RDS.ca.

« J’essaie de me concentrer sur ce que j’ai à faire… »

« Je ne peux rien faire pour les classements sauf bien jouer et aider mon équipe… »

« Le repêchage, c’est dans longtemps et il y a encore bien des choses qui peuvent changer… »

« Les bonnes choses vont arriver… »

Réservé, Morand se rabat intuitivement sur ces clichés d’usage, mais reste qu’ils sont de circonstances. À 5 pieds 11 pouces et 170 livres, Morand a un talent certain de fabricant de jeu, mais ce ne sera pas suffisant.

Un constat renforcé par le premier rapport de la Centrale de recrutement de la LNH publié en octobre dernier et dans lequel le jeune joueur de centre de 17 ans s’était vu attribuer la cote « C », c’est-à-dire un candidat pour la 4e, 5e ou 6e ronde du prochain repêchage du circuit Bettman.

« Quand j’ai vu cette première liste, j’avais énormément de difficulté à comprendre », s’interroge encore l’entraîneur-chef du Titan, Mario Pouliot, avant d’émettre une hypothèse.

« Le fait qu’il n’ait pas connu un grand camp de sélection avec Équipe Canada en vue de la Coupe de monde Ivan Hlinka et qu’il ait été retranché, ça ne l’a pas aidé. Il y a beaucoup de recruteurs là-bas », rappelle Pouliot au sujet de ce tournoi ayant réuni les meilleurs joueurs de 18 ans et moins en août dernier.

« C’est une opportunité manquée de te faire voir, non seulement par des dépisteurs, mais aussi par des assistants de directeurs généraux. Ça ne lui a pas donné la petite saveur du jour », confirme un éclaireur à l’emploi d’un club de la LNH.

Près de 10 mois après avoir représenté le Canada au Défi mondial des moins de 17 ans, Morand a donc essuyé un rare rejet dont il assume toutefois l’entière responsabilité.

« Je ne jouais pas ma game. Je suis bon quand j’ai la rondelle, que je bouge mes pieds et que j’effectue les jeux, mais cette fois, j’essayais peut-être juste de fitter et d’être ordinaire, plutôt que d’être extraordinaire. Je suis un joueur qui prend charge de la game et qui fait des jeux à grande vitesse. Ce n’est pas ce que j’ai fait », assume Morand.

Un échec dont l’athlète originaire de Mercier a eu du mal à se remettre à son retour à Bathurst pour y amorcer sa deuxième campagne dans la LHJMQ.

« Quand il est arrivé au camp, on s’est assis avec lui pour lui demander comment il se sentait et on voyait qu’il ne se sentait pas bien. On lui a donc fait rencontrer notre psychologue sportif, révèle Pouliot.

« C’est bien beau de dire “concentre-toi sur le moment présent ou contrôle les choses que tu contrôles”, mais il reste que ce sont de jeunes hommes de 17 ans qui ont beaucoup de projecteurs sur eux et sur qui on dit beaucoup de choses. On ne reste pas insensible à ça », insiste l’entraîneur-chef.

Constance retrouvée

Petit à petit et au terme d’un camp d’entraînement au cours duquel il forçait un peu trop le jeu au goût de son entraîneur, Morand s’est toutefois relevé et a renoué avec le style de jeu qui lui a permis d’être le seul patineur de 16 ans à amasser au moins un point par match l’an dernier dans la LHJMQ (50 points en 48 rencontres).

« C’est sûr que j’étais déçu de ne pas y aller (au tournoi Ivan Hlinka), mais ça m’a servi de motivation. Je connais un bon début de saison », résume timidement Morand.

Avec une récolte de 13 buts et 15 passes en 31 rencontres, le deuxième choix au total du repêchage 2015 de la LHJMQ - derrière Joe Veleno (Sea Dogs) et devant Maxime Comtois (Tigres) -, flirte toujours avec une moyenne d’un point par rencontre. Un rendement qui lui a d’ailleurs valu une invitation à prendre part au premier des deux matchs du Canada face à la Russie lors de la dernière série CIBC en remplacement d’un joueur blessé.

« Je n’ai jamais été réellement inquiet, car il compétitionnait (sic) tout le temps. Il est beaucoup plus fort que l’an passé, mais offensivement il serrait son bâton et prenait les options les plus difficiles. On a donc fait beaucoup de vidéo ensemble et simplifié son jeu. Depuis le jour 1, il joue avec constance », observe Pouliot.

Une progression dont a pris note la Centrale de recrutement de la LNH dans sa dernière mise à joueur des joueurs à surveiller, publiée en novembre. Morand y est en effet dorénavant catégorisé comme un espoir « B » susceptible s’être sélectionné en deuxième ou troisième ronde.

« C’est un bon joueur de centre assez créatif avec la rondelle, surtout en avantage numérique. Il a une très belle vision et il anticipe bien les lignes de passe. Il est très, très créatif. Reste à savoir s’il a assez de vitesse pour éventuellement suivre la vitesse d’exécution de la LNH. Il n’est pas ultra rapide pour un joueur de 5 pi 11 po », souligne le dépisteur d’une équipe de la LNH.

Pouliot, lui, n’entretient pas les mêmes réserves à l’égard de son joueur étoile.

« Dans le hockey d’aujourd’hui, il faut absolument que tu sois rapide, que tu compétitionnes (sic) et que tu aies un bon sens du jeu. Il a ces trois qualités-là, alors je ne pense pas qu’il peut manquer son coup. Même si ce n’est pas un gars de 6 pi 3 po, je pense qu’il va faire son chemin. »

De là à devenir le tout premier joueur de l’histoire du Titan d’Acadie-Bathurst à être sélectionné au premier tour?

« Il a des qualités offensives intéressantes pour ce que les équipes recherchent actuellement. Je pense que sa deuxième moitié de saison va donner une meilleure idée de ce qu’il peut être, mais je serais surpris », avance le recruteur.

En plein le genre de doute raisonnable dont Morand aime se nourrir.

« Je suis souvent bon quand on m’oublie. Je n’ai pas besoin des spotlights (projecteurs) pour être bon. Ce n’est pas ça que ça me prend comme personne. Je dois juste faire mes affaires. Qu’il y ait ou non du monde qui me regarde, ça ne me dérange pas. Je joue ma game. Il y a bien quelqu’un quelque part qui va me voir. À un moment donné, les bonnes choses vont arriver. »