MONTRÉAL – Les Tigres de Victoriaville ont terminé la dernière saison en faisant ravaler leurs paroles aux sceptiques. Ils préparent celle qui vient dans le même état d’esprit.

Le directeur général Kevin Cloutier a entendu ceux qui voyaient son équipe s’incliner dignement devant des Foreurs de Val-d’Or supposément trop forts pour la ligue en finale des plus récentes séries éliminatoires. Il s’attend à ce que ces mêmes voix lui prédisent maintenant une chute brutale. Après tout, cinq des vétérans qui ont aidé les Tigres à soulever la Coupe du Président en juin ont gradué chez les professionnels ou dans les rangs universitaires. Trois autres ont été échangés durant la saison morte.

Sur papier, ça ne regarde vraiment pas si bien. Il y a beaucoup à rebâtir. Mais l’architecte de ce premier championnat depuis 2002 dans la région des Bois-Francs envisage une transition relativement rapide. Rien d’irréaliste, comprend-on, mais il est clair qu’il n’a pas l’intention de s’enliser dans une longue reconstruction.

« Je n’aime pas me comparer avec d’autres, mais il y a certaines équipes qui ont gagné et pour qui ça a été vraiment, vraiment long avant de repartir la roue. Nous autres, on ne veut pas ça à Victoriaville. On veut être compétitifs, du mieux qu’on peut », met au clair Cloutier.

Pour que le souhait du DG devienne réalité, des mains encore immaculées devront prendre le flambeau. Les Tigres amorceront la saison avec un faramineux total de onze recrues. Huit d’entre elles n’ont pas joué un seul match de hockey l’an dernier en raison de l’annulation du calendrier de la Ligue Midget AAA. Voilà le genre de prémisse qui incite généralement à la patience.

Justin Gendron, qui fêtera son 16e anniversaire le soir même où les Tigres soulèveront la bannière commémorant leur championnat, sera l’un des nouveaux visages à surveiller. Cloutier observe son plus récent choix de premier ronde et revoit un jeune Alex Beaucage, qui a connu des saisons de 39 et 40 buts à Rouyn-Noranda avant de venir finir sa carrière junior en beauté à Victo.

Justin Larose, un choix de deuxième ronde surprise en juin dernier, a jusqu’ici validé ce que les recruteurs ont vu en lui et Joey Vetrano, un centre de 17 ans qui avait impressionné au camp d’entraînement il y a un an, est maintenant prêt pour un rôle important sur un trio offensif, croit l’entraîneur-chef Carl Mallette.

« Je suis conscient qu’avec onze recrues, c’est sûr et certain que dans une saison de 68 matchs, on va avoir des down au cours de l’année, reconnaît Mallette. Ça va être aux vétérans et à nous, les entraîneurs, de bien les gérer et leur faire comprendre que c’est tout à fait normal. Quand t’as une équipe jeune, tu ne peux pas être à 100% sans interruption dans une saison. »

Des vétérans sur la sellette

Kevin Cloutier est habitué aux lendemains de veille. Il était directeur des opérations hockey de l’Océanic de Rimouski lorsque l’équipe du Bas-St-Laurent est allée jusqu’au bout en 2015. C’est aussi lui qui a bâti l’édition des Tigres qui a atteint la demi-finale en 2018. À chaque occasion, l’année suivante s’annonçait pénible, mais a pu être récupérée par des joueurs qui ont causé d’agréables surprises.

À Rimouski, l’acquisition et l’éclosion inattendues des vétérans Antoine Dufort-Plante et Dylan Montcalm avaient compensé pour les départs d’Alexis Loiseau, Anthony DeLuca et Christopher Clapperton. À Victo, la contribution d’Egor Serdyuk et Mikhail Abramov avait rendu moins douloureux les départs de Maxime Comtois, Ivan Kosorenkov et Vitaly Abramov.

Cette année, Cloutier espère que les recrues russes Nikita Prishchepov et Yegor Goryunov pourront s’établir comme ces jokers qui faciliteront la transition des champions en titre.

« Est-ce qu’ils vont avoir le même impact qu’Abramov et Serdyuk à leur première année? Je ne sais pas, c’est dur à dire, raisonne-t-il, lucide. Normalement, je me dirige toujours vers [le Défi mondial des] moins de 17 ans pour les voir jouer. Là je n’ai pas pu le faire, [le recrutement] s’est fait beaucoup par vidéo. [...] Souvent, quand [les Russes] viennent en paire, ça facilite leur adaptation. On va espérer qu’ils auront un impact positif avec nous. »

L’allure de la prochaine saison ne repose toutefois pas que sur des incertitudes. Au milieu des ouvertures évidentes laissées par le départ des piliers de la dernière conquête, les Tigres comptent encore sur une brigade défensive expérimentée et sur un gardien de premier plan. On s’attend de ces vétérans qu’ils transmettent les bonnes manières à cet imposant arrivage de sang neuf.

« Les jeunes n’auront pas nécessairement toute la charge sur leurs épaules. Ça va les aider à s’acclimater plus facilement », anticipe Kevin Cloutier.

« Dès le premier jour du camp, on l’a vu, il y avait beaucoup d’intensité. C’est la première année que je vois des vétérans se présenter en aussi grande forme après [un long parcours en séries]. Ils sont arrivés avec le désir de surprendre. C’est certain que les journalistes ne nous mettront pas dans les favoris, mais ils sont arrivés ici dans l’idée de montrer qu’on va encore avoir une bonne équipe. »

« Mon premier mot clé dans la chambre, c’est l’attitude, ajoute Carl Mallette. Cette attitude qui nous avait permis de tout gagner l’année dernière ne devait pas changer. C’est ce qu’on leur demande et présentement, ils le font. Ils montrent le chemin, ils montrent pourquoi ils sont champions et les jeunes embarquent là-dedans. »

La question sera de savoir qui, parmi ces survivants de la conquête, sera encore là à la fermeture de la fenêtre de transactions des Fêtes. La construction d’une équipe championne a hypothéqué la banque de choix pour les futurs repêchages. Le gardien Nikolas Hurtubise, les défenseurs Vincent Sévigny et Jérémy Michaud et l’attaquant Conor Frenette, pour ne nommer que ceux-là, risquent d’être courtisés et de servir d’appâts afin de renflouer les coffres.

« Je pense que [nos vétérans] vont avoir un gros mot à dire, au moins pour la demi-saison qui s’en vient avant Noël. Après, on verra ce qui arrivera avec les transactions et tout ça. Mais jusqu’à Noël, je pense qu’on va avoir un club compétitif », prévoit Cloutier.