Liste des meilleurs espoirs en prévision du repêchage :

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MONTRÉAL – Exaspérés de regarder des matchs sur un écran, tourmentés de ne pas évaluer les espoirs avec précision, tannés de tourner en rond à la maison... Les recruteurs ne veulent pas se lamenter, mais ils admettent que la dernière année a été éprouvante. 

Pendant plusieurs mois, les restrictions sanitaires ont contraint les dépisteurs à épier les espoirs de la cuvée 2021 en mode virtuel. Pour des passionnées qui scrutent chaque détail à la loupe et qui doivent procéder à des projections complexes, c’était un défi déstabilisant. 

« À l’automne, c’était vraiment tough mentalement. À un point que je me suis organisé pour aller aider un ami à son travail sur l’heure du lunch. Je n’étais pu capable d’être à la maison », a admis un des trois recruteurs qu’on a convaincus d’en parler car ils se soucient d’abord du bien-être de la relève sportive. 
  
« Disons, un mardi après-midi en novembre, tu dois regarder Acadie-Bathurst contre Charlottetown, mais tabarnouche, tu n’es pas dans l’action, tu manques des affaires, l’image n’est pas assez bonne, tu vois mal le jeu. Tu as beau te donner une structure de travail à la maison, ça reste que de regarder un match en vidéo, un autre en vidéo et un autre en vidéo, ça ne marche pas un moment donné. Ton mental n’est pas à son meilleur », a décrit avec franchise l’un des nombreux perfectionnistes de cette profession. 

Le prochain dépisteur a abondé dans le même sens. 

« Ç’a été difficile du côté psychologique. On est habitués d’être sur la route tout le temps, de voir des gens et d’interagir avec du monde puis là, on était embarrés dans notre maison pour des mois. Disons que ce n’était pas évident sur le moral », a reconnu celui-ci. 

Quand on expose ces récits à un autre recruteur, il ne peut s’empêcher d’éclater de rire parce que ça lui rappelle des souvenirs. Lui aussi, il a senti que l’élastique avait été étiré au maximum. 

« C’est sûr, il fallait que je sorte. Ce n'est pour rien que j'ai levé ma main assez vite pour aller voir des matchs dans l’Ouest canadien quand l’occasion s’est présentée », a noté ce recruteur en étant conscient qu’il a été chanceux.

De fausses impressions sur les vidéos 

Les recruteurs auraient mieux encaissé ce travail à la maison si l’évaluation en vidéo était suffisamment fiable. Soucieux de rendre des rapports justes, ça devenait frustrant pour eux de rater des éléments importants du jeu. 

« T’as moins de réponses sur les vidéos surtout pour les défenseurs défensifs ou le gars passif qui a de bonnes mains et qu’on voit moins souvent. Mais celui qui impose la pression et qui n’a pas un grand talent, il est toujours dans le cr... d’écran même s’il ne jouera jamais LNH », a exposé, sans filtre, un recruteur. 

« Tout le monde s'est équipé avec des compagnies qui nous fournissent toutes les vidéos de toutes les équipes qu'on veut voir au monde. On pouvait voir du hockey en masse et même trop, parce que c'est trompeur la vidéo. Une chance que j’ai pu décoller sur la route pendant deux mois vers la fin », a raconté une source d’une équipe de l’association Est de la LNH. 

Ce tour d’horizon, en présentiel, lui a permis de modifier ses évaluations. 

« Il y a des gars que j’aimais passablement sur vidéo, sauf que je les aimais beaucoup moins en personne et l’inverse s’est aussi produit. J’en suis venu à me demander ‘Est-ce que mon opinion aurait été différente si je ne l’avais pas vu dans un aréna? Et là, tu penses aux joueurs que tu n’as pas eu la chance de voir sur place, parce que c’est arrivé cette année avec le contexte des bulles », a témoigné cet intervenant. 

Par conséquent, un recruteur nous a confirmé qu’il s’est torturé en se demandant s’il avait réussi son travail aussi bien que dans le passé. 

« Oui, à l'automne, j’ai eu ce questionnement. Je me rappelle, je trouvais un gardien bon, mais je demandais si c’était lié à la perception sur vidéo. Même les jeunes dans leur patinage, tu avais parfois l'impression qu’ils avançaient plus vite ou moins vite. Bref, tu te demandes si tu vas identifier les bons éléments sur le joueur, c’est sûr que tu te questionnes. »

On arrive donc au débat qui intrigue déjà plusieurs partisans et sans doute de nombreuses équipes : allons-nous être renversés par les choix effectués en 2021 quand on analysera le tout dans cinq, sept ou dix ans ?

« C’est sûr que tu te croises les doigts et tu espères que t'auras raison. On va le savoir à ce moment-là », a convenu un dépisteur. 

Quand on considère que plusieurs recruteurs ont vu à peine 30 à 40% de leur total habituel de matchs en personne, ça provoque des craintes. 

« Je pense que les gars ont peur, et c’est normal, mais ça dépend des organisations. J’ai l’impression que ça ira mieux pour les équipes qui ont des recruteurs qui travaillent ensemble depuis longtemps. C’est plus facile de se fier à tes collègues et ça mène à moins de confrontations pour bâtir la liste cette année », a réagi un confrère qui s’est rendu aux États-Unis quelques semaines en respectant une quarantaine à son retour. 

« C'est sûr qu’il va y avoir des surprises. Je pense surtout aux joueurs de l’Ontario qui n’ont pas joué. Un jeune va se faire repêcher, il va marquer 50 buts l’an prochain et on va tous dire, quel pick! C'est certain qu'on va dire qu’on a manqué tel et tel gars, mais c’est relié aux circonstances. Tout le monde est dans le même bateau », a ajouté un autre. 

D’ailleurs, deux des trois recruteurs ont pensé à l’exemple de Jack Quinn pour illustrer le tout. L’année qui a précédé celle de son repêchage, il n’avait compté que 12 buts. Si sa saison de repêchage avait été annulée par une pandémie, il n’aurait possiblement pas été repêché ou très tardivement. 

Quinn a explosé avec 52 buts à sa saison de repêchage qui, heureusement pour lui, avait lieu l’an passé. 

Des aspects positifs ? 

Malgré tout, il doit bien exister du positif dans cette année rocambolesque? Il faut que ce soit le cas. 

« Tout le monde a travaillé extrêmement fort. Ce n’est pas facile de toujours voyager, mais ç’a été plus difficile de faire notre travail cette année. [...] Ç’a été long et on a hâte que ça finisse. J'ai juste hâte que ça finisse pour qu’on puisse recommencer le prochain repêchage de façon un peu plus normale », a commenté un recruteur. 

« Pour vrai, le seul positif, ç’a été vers mars 2020 et début avril, de prendre deux ou trois semaines pour se replacer. On fonce tout le temps à pleine vitesse et voit moins souvent la famille. De petits jeudi ou vendredi soirs en famille, ça n’existait pas vraiment. On a pu avoir de petits moments précieux en famille et on l’a pris du bon côté », a cerné un dépisteur. 

« Mais si on parle seulement du côté hockey, zéro positif dans ça, rien! L’année nous a confirmé qu’il va toujours falloir se pointer dans l'aréna pour faire du recrutement. Même s’il y a eu une petite tendance à dire que ça pouvait se faire par vidéo et via les statistiques avancées. On l’a vécu, on oublie ce plan, ça ne marche pas. Pas pantoute! », a-t-il conclu.