MONTRÉAL – Malgré toute notre objectivité journalistique, difficile de ne pas souhaiter un dénouement heureux à Samuel Morin. Parce que non, Morin n’a pas cédé à la tentation de balancer sa poche de hockey dans le fleuve Delaware qui borde Philadelphie lorsque le ligament croisé antérieur de son genou droit s’est rompu une deuxième fois en moins de deux ans. 

Cet acharnement de la malchance sur Morin le mène à un bilan de 28 petites parties professionnelles – dont 8 dans la LNH (sur son total de 9) – en trois saisons soit depuis le calendrier 2017-2018. 

Certes, Morin a pensé renoncer au hockey pour de bon quand son genou droit a flanché de nouveau en novembre 2019. Cette pensée n’a été que passagère et, près de 11 mois plus tard, on sent que la passion est encore aussi grande que sa charpente de six pieds sept pouces. 

Afin de maximiser sa remise en forme, Morin s’est prévalu de la possibilité de rester à Philadelphie jusqu’au début août alors que les Flyers ont plié les voiles vers Toronto pour s’introduire dans bulle de la LNH. 

« Je suis retourné au Québec pendant un peu plus d’un mois et je viens de revenir depuis une dizaine de jours. Je patine, je m’entraîne et toute, ça va bien, l’entraînement progresse ! Les centres d’entraînement ne sont pas encore ouverts, mais je vais à un gymnase près de chez moi et je patine avec Kjell Samuelsson (qui œuvre au développement des joueurs pour les Flyers) », a raconté Morin. 

Bien sûr, la pause imposée par la COVID-19 bouscule le calendrier habituel. Alors que la coupe Stanley vient d'être soulevée par ses nouveaux récipiendaires, Morin finit par bénéficier d’un délai supplémentaire pour retrouver ses repères. 

« C’est sûr qu’il y a encore du travail à faire, ça fait 10 mois depuis l’opération. Mais avec la COVID-19, ça m’aide un peu dans un sens parce que je serais à la limite d’être prêt. Les camps d’entraînement seraient presque terminés et je ne sais pas si j’aurais été assez rétabli. Après tout, c’est la deuxième fois pour le croisé antérieur et je veux prendre le plus de temps possible pour bien me sentir », a-t-il expliqué. 

Comme bien des athlètes qui veulent s’imposer dans leur discipline, Morin a eu besoin de temps pour comprendre que c’était essentiel d’agir avec cette prudence. 

« On essaie vraiment de se concentrer à regagner la confiance envers mon genou. Ça se passe surtout dans la tête quand tu te fais une grosse blessure comme ça. Quand tu te blesses, tu essaies souvent de protéger ta blessure. C’est un peu ce qui s’est passé la première fois, je suis sans doute revenu un peu trop vite. Je ne pense pas que j’étais 100% prêt et je trichais sur quelques affaires comme ne pas mettre tout mon poids sur mon genou », a-t-il avoué.  

« Mais je te dirais que je viens d’avoir la meilleure semaine sur la glace, je commence à bien me sentir. Je suis vraiment content », a enchaîné Morin qui n’a rien perdu de son authenticité. 

Le gaucher originaire de Lac-Beauport a donc retenu des leçons de sa première mésaventure. 

« Je me souviens que j’avais recommencé à patiner avec l’équipe et mon genou me faisait un peu mal après quelques jours. Je dois dire que je n’écoutais pas souvent mon corps. Quand j’avais mal, je m’en foutais et je continuais à pousser. J’aurais dû prendre quelques jours de congé », a-t-il raconté. 

Il n’a pas tardé à devoir mettre en application cette approche plus délicate. 

« Cette fois, quand j’ai décidé de passer de nouveau à travers cette remise en forme, je me suis dit que j’allais vraiment m’écouter. D’ailleurs, après deux ou trois semaines à patiner (cet été), mon genou me faisait un peu mal et je n’ai pas poussé plus loin. J’ai eu quelques jours de repos et tout était correct ensuite », a confié le patineur de 25 ans. 

Son corps l’a testé une fois de plus récemment. 
  
« J’ai commencé à développer un kyste dans mon genou et c’est sûr que c’était tough mentalement. Ce n’était pas une grosse affaire, mais ils devaient l’enlever et ça me rappelait de mauvais souvenirs », a admis l’ancien de l’Océanic de Rimouski. 

Prouver que les grands défenseurs ont encore leur place

Il va sans dire que Morin aurait préféré s’établir dans la LNH sans trop tarder tels plusieurs espoirs sélectionnés tout comme lui en première ronde en 2013. Ça ne l’empêche pas d’avoir retenu du positif de cette galère. 

« J’ai appris de ça et je me suis entouré de bonnes personnes qui m’ont appris de nouvelles affaires dans la remise en forme. Je te dirais que je suis un meilleur athlète qu’avant, j’en suis sûr à 100%. Je me suis beaucoup amélioré. »

Cela dit, Morin comprend depuis longtemps que ce sera à lui de le prouver sur la patinoire. Il écoulera la dernière année de son contrat à un volet de trois ans qui lui rapporte 700 000$ par année et  il sait que les défenseurs aussi imposants que lui n’ont pas autant la cote qu’avant outre des exceptions à la Victor Hedman. 

« Est-ce que je crois que je vais revenir un jour dans la LNH? Moi, je le crois vraiment. À l’entraînement, je bouge aussi bien et j’ai la même explosion qu’avant. Tout le monde dit que le hockey a changé, que c’est rendu rapide et que les grands comme moi ne sont pu vraiment... Mais, pour ma grandeur, je suis vraiment un excellent patineur et je suis convaincu de pouvoir être à la hauteur défensivement. Je dois juste le prouver et je vais le faire », a-t-il exposé. 

« Hedman est dans une classe à part, mais tu vois un gars comme (Jamie) Oleksiak avec Dallas. Ce n’est pas le meilleur patineur, mais il fait sa job. Quand j’étais jeune et au junior, je me disais que je devais faire des points. Mais, pour la LNH, ce n’est pas vraiment ça ma tâche. Ça commence par bien jouer défensivement et il y a encore de la place pour les gros défenseurs », a ajouté Morin. 

On aurait le goût de dire que son travail de persuasion passera inévitablement par une cinquantaine ou soixantaine de parties dans la Ligue américaine de hockey comme Alain Vigneault l’a déjà souhaité publiquement. Le hic, c’est que le sort de la prochaine saison de la LAH flotte dans l’incertitude.

« C’est clair que je dois jouer au hockey. Après, beaucoup de choses peuvent arriver dans un camp comme des blessés et j’en suis l’exemple. J’avais réussi à faire l’équipe l’an passé et je me suis blessé ensuite. Je suis certain que la LNH va trouver une manière pour qu’on puisse jouer, ils ne peuvent pas nous laisser comme ça. J’ai beaucoup de travail à faire avant d’être prêt à jouer dans la LNH, mais je franchis les étapes une à la fois présentement », a convenu Morin qui doit offrir un plus grand échantillonnage à Vigneault et ses adjoints. 

Son désir ne serait pas aussi intact sans le soutien à ses côtés. 

« Quand je me suis blessé, j’étais au téléphone avec mon père et mes agents (Pat Brisson et André Ruel). C’est sûr que j’étais comme ‘Crime, c’est tough quand tu te blesses de nouveau tout le temps...’ J’ai toujours pris ça à cœur, le hockey. Mon père riait de moi quand j’avais décidé à 12 ans que je voulais jouer dans la LNH. Ça fait mal parce que mon parcours allait bien et les dirigeants me voyaient dans leur soupe. C’est difficile, mais je me suis posé la question quand c’est arrivé, est-ce que j’aime ça encore? Et la réponse, c’est vraiment oui! Je suis tout seul à Philadelphie, je vais m’entraîner et j’aime ça », a mentionné Morin. 

Si ses agents ont été essentiels, rien ne surpassera le support de ses parents et de sa sœur. 

« Mes parents, ma sœur et ma famille, je suis chanceux qu’ils soient toujours là pour moi. Ils m’ont aidé dans tout ça. Ma mère est venue vivre un mois avec moi quand je ne pouvais pas conduire. Elle a conduit mon gros camion pendant un mois dans la ville de Philadelphie », s'est-il rappelé en riant. 

Morin a conclu avec une phrase très simple, mais qui veut tout dire pour lui. 

« J’ai hâte qu’ils puissent venir me voir jouer. »