MONTRÉAL – Aucun métier sur terre n’est plus facile que celui de gardien de but auxiliaire au hockey.

Regardez-le assis au bout du banc, enfoui dans un équipement qui ne lui sera d’aucune utilité. Le menton rentré dans le col de son chandail, le regard caché par la palette de sa casquette. Ses coéquipiers passeront la soirée à sacrifier leur corps au service de l’équipe. Lui? Pas de pression, pas d’obligation, pas de souci.

Et son salaire! Tout ce temps passé à ne rien faire ne lui suffirait même pas à compter tout son argent. Quel autre métier permet de s’en mettre autant dans les poches en travaillant si peu? Faire fortune dans la complaisance et la fainéantise. Quelle vie!   

« Même moi, j’avais cette perception-là quand j’étais plus jeune », confesse d’emblée Martin Biron, amusé par l’énumération des stéréotypes souvent associés à un rôle qu’il a rempli fièrement pendant la moitié de ses quinze saisons passées dans la Ligue nationale.

« Je me souviens de la fois où j’avais réalisé que Bill Ranford gagnait un million pour être l’adjoint d’Olaf Kolzig, qui à l’époque jouait pratiquement tous les matchs pour les Capitals de Washington. J’avais 18 ou 19 ans, je regardais ça et je me disais : "C’est fou, faire autant d’argent pour être assis sur le banc toute la saison". Alors je n’en veux pas au monde de penser que la job d’un backup, c’est facile, que c’est une partie de plaisir, qu’on ne fait pas grand-chose. » 

Les diverses expériences qui ont jalonné la carrière de Biron ont éventuellement eu raison de ses préjugés. Que ce soit en secondant Marc Denis au Championnat du monde junior, en se familiarisant aux rudiments du hockey professionnel derrière Dominik Hasek ou en préparant sa retraite derrière Henrik Lundqvist, l’ancien choix de première ronde des Sabres de Buffalo a développé un respect grandissant pour une position qui demeure, aux yeux du grand public, méconnue et sous-estimée.

Considérez ceci : pendant que le gardien titulaire pense déjà à sa sieste d’avant-match, son adjoint est encore à l’aréna à bûcher avec les autres laissés-pour-compte. Pendant que ses coéquipiers planifient leur bière de fin de soirée, le gardien substitut est au gymnase pour dépenser l’énergie qu’il n’a pas pu évacuer sur la glace. Dans l’ombre, il se prépare pour un match qui n’est pas encore à son agenda.

Personne ne veut voir le réserviste et, par solidarité bien plus que par oisiveté, lui-même ne veut souvent même pas jouer. Pour lui, une tape dans le dos n’est pas un signe d’encouragement, mais une indication du malheur qui vient de frapper. Et quand, après des semaines d’attente, on lui donne finalement un billet pour le show, on le jette aux fauves en s’attendant à ce qu’il en ressorte sans une égratignure.

Aucune excuse n’est valide devant l’absence de résultat. Le job est peut-être ingrat, mais ils font la file derrière pour le lui prendre. 

« C’est un peu comme un policier ou un pompier : c’est facile... jusqu’à ce qu’on doive travailler! », rigole Ron Tugnutt, qui a fait ses premiers pas dans la Ligue nationale derrière Mario Gosselin avec les Nordiques de Québec.

Le cœur de Tugnutt s’emballe encore lorsqu’il repense au 21 avril 1994. Quand il franchit le seuil de la porte pour se rendre au travail, ce matin-là, des caméras de télévision l’attendent devant sa maison. Ce n’est qu’à son arrivée au Forum qu’il comprend pourquoi : la veille, Patrick Roy a été admis à l’hôpital pour une crise d’appendicite. Jouer un match de séries contre les Bruins de Boston 24 heures plus tard est impensable. Tugnutt, qui n’avait été utilisé que pour huit matchs en deux mois depuis l’échange qui l’avait envoyé à Montréal, apprend qu’il devra sauter dans la fournaise.

« J’ai été horrible, se souvient le sympathique vétéran, aujourd’hui âgé de 50 ans. Physiquement, je n’avais jamais arrêté de m’entraîner et je me sentais prêt à jouer. Mais mentalement, je n’avais jamais pu retrouver le bon état d’esprit. Dans ma tête, ma saison était finie depuis longtemps. Quand on m’a dit que je jouais, j’ai eu le goût de vomir. Je ne veux pas sembler trop dramatique, mais j’étais complètement dépassé par les événements. » 

« C’est évident que le soir où tu n’as pas à aller dans la mêlée, le moment entre 19 h 30 à 22 h, il est facile, convient Marc Denis, qui a partagé le filet avec Tugnutt pendant deux saisons avec les Blue Jackets de Columbus au début des années 2000. Sauf que pour te garder en forme pour ton prochain départ, pour te garder prêt, c’est un processus qui est encore bien plus complexe que lorsqu’on est gardien de but numéro 1. Être capable de reproduire des éléments d’un match, de maintenir un haut niveau de forme physique et d’optimiser la récupération, c’est compliqué. »

De longues journées

Être l’auxiliaire, c’est d’abord se taper le sale boulot lors des entraînements, où le numéro 1 est traité ni plus ni moins comme une vache sacrée. Honni celui qui oserait mettre la santé de ce pilier en péril avec un tir imprécis ou un freinage un peu trop tardif. Tenus à la prudence à une extrémité de la patinoire, les joueurs se défoulent donc à l’autre bout.

« Dans les pratiques, Dominik ne se faisait jamais battre, raconte Biron, qui a appris le métier pendant un peu plus de deux ans derrière Hasek. Je me souviens, on avait Donald Audette, Doug Gilmour, Dave Andreychuk... Ils s’en venaient tous tirer sur moi, dans mon côté de glace, parce qu’ils n’étaient pas capables de scorer de l’autre bord. Et ils me le disaient! "On a besoin de confiance, on s’en va du côté du kid." C’était comme ça. C’était drôle, mais des fois on jouait des petits matchs à 3-contre-3 et disons que je riais moins. »

« Le travail n’est pas le même, c’est la vérité, approuve Jamie McLennan, qui peut appuyer son énoncé sur les 254 matchs qu’il a joués en 11 saisons dans la LNH, tous dans le rôle de substitut. Les jours de congé n’existent pas et le nombre de lancers qu’on reçoit chaque jour est incalculable. Et on prend constamment des tirs dans le masque parce que les joueurs s’appliquent à garder la rondelle basse avec le numéro un. Avec le backup, ils se gênent pas mal moins! »

« En 2000, quand j’étais au Colorado, on s’est rendus en finale de l’Ouest contre les Stars de Dallas, se remémore Denis, alors le dauphin de Patrick Roy. Au début de chaque série, il fallait que j’imite le gardien adverse à l’entraînement. Contre Phoenix, je restais plus profondément dans mon filet pour émuler Sean Burke et contre Detroit, je me penchais beaucoup comme le faisait Chris Osgood. Des fois, tu contribues d’une manière que les gens ne voient pas. Personne n’en parle à ce moment-là, mais ton rôle n’en est pas moins important. »

Après avoir fait du temps supplémentaire avec le reste des réservistes, la routine reprend son cours. La priorité est au repos, à l’alimentation et à la visualisation. Mais comment optimiser sa préparation quand on ignore la nature du travail qui nous attend? Parce qu’il est à une blessure ou à une contre-performance de se voir confier une assignation de dernière minute, l’auxiliaire doit gérer sa réserve d’énergie de manière à pouvoir répondre à une urgence, aussi improbable puisse-t-elle être.

Marc Denis, qui était aussi consciencieux derrière son masque que derrière son micro d’analyste à RDS, avait ainsi compris que le seul moment où son temps de récupération était garanti commençait après la sirène finale. À l’abri des regards, c’est dans le gymnase qu’il étirait les célébrations ou ruminait une défaite.

« Tes entraînements sont souvent à 23 h et tu dois mettre les bouchées doubles, travailler dix fois plus fort que les autres gars qui ont fait leur match. On parle d’une séance de vélo complète avec des intervalles et aussi d’une séance de musculation parce que c’est le seul moment où tu es sûr et certain que tu vas être capable de récupérer. Il faut que tu sois prêt. »

Puis il y a l’évidence : « Il faut bien jouer quand ton tour arrive, raisonne McLennan. Peu importe la durée de ton inactivité, tu n’as pas le droit d’être rouillé. Tu ne seras pas dans la meilleure forme possible, c’est impossible, mais il ne faut pas que ça paraisse. À mes yeux, un bon numéro deux permet au numéro un d’aborder ses journées de congé l’âme en paix. On ne s’attendra pas à des miracles, mais si tu foires trop souvent, commence à regarder ailleurs parce qu’on considérera toujours que tu es facile à remplacer. »

« Je ne veux pas dire que c’est un métier ingrat, parce qu’après tout, on est dans la Ligue nationale, comprend McLennan. Mais c’est un rôle exigeant. Il y a des fois où on est fatigué, où on a mal partout, mais il faut être là pour les gars. »

Rassembler pour mieux régner

On imagine le gardien réserviste solitaire et discret, soucieux de ne pas trop s’imposer dans un groupe qui, d’un point de vue extérieur, semble très bien fonctionner sans lui. Il est le mouton noir de l’équipe, celui à qui on ne s’adresse qu’en cas d’extrême nécessité.

On ne pourrait être plus loin de la vérité.

« Au contraire, tu as peut-être une relation encore plus solide avec tes coéquipiers parce que tu leur parles constamment, démystifie Marc Denis. Je me souviens, à Tampa entre autres, quand j’ai commencé à jouer moins de matchs, les gars me posaient beaucoup de questions sur les gardiens adverses ou sur les tendances de l’autre équipe. Ils revenaient au banc et me demandaient : "Penses-tu que je devrais l’essayer en bas du côté du block?" ou comment ils devraient aborder la fusillade. Alors que quand tu es numéro un, ils te laissent tranquille parce qu’ils savent que tu es une bibitte un peu spéciale! »

Denis compare son approche au cliché souvent galvaudé dans le monde du hockey, celui du joueur qui est « bon dans la chambre ». « Un auxiliaire doit effectivement être un excellent coéquipier pour faire fi, justement, du fait qu’il ne joue pas souvent », vulgarise-t-il.

« Je crois que l’une des plus grandes incompréhensions à propos du rôle de gardien réserviste, c’est que c’est facile d’en trouver un, avance McLennan. Ce n’est pas le cas. Le meilleur backup aura assez confiance en lui pour passer deuxième sans créer de friction dans le vestiaire et militer pour plus de temps de jeu. Un réserviste qui divise le groupe n’est pas un bon réserviste. »

« Plus que n’importe quel autre joueur dans l’équipe, j’ai toujours trouvé que les gardiens substituts étaient de bonne compagnie, sans doute parce qu’ils ne ressentent pas autant de pression que les autres, admet Ron Tugnutt. Ils aiment s’amuser, rire et faire des blagues. Ils ne se taisent que lorsqu’on leur fait signe que c’est leur tour d’en jouer une! »

« Il faut que tu changes un peu ton approche, que tu acceptes que tu n’en joueras pas 60 ou 65 et que tu trouves une autre avenue pour avoir un impact positif, ajoute Martin Biron. Moi, à chaque année, j’étais en charge du pool du Masters ou du March Madness. Souvent, je m’occupais de collecter les amendes dans le vestiaire. C’est ça que tu fais! Tu fais partie de l’équipe, mais tu as un rôle spécial. »

Clown à ses heures, Biron savait aussi agencer à son rôle des nuances de subtilité et de finesse. Il cite en exemple sa deuxième saison avec les Rangers au cours de laquelle, après ce qu’il décrit comme une « année exploratoire » aux côtés de Henrik Lundqvist, une occasion de rapprochement s’est présentée.

« Marc Staal était toujours assis avec Henrik dans l’avion, mais la saison commence et il se blesse. Il y avait donc une place libre à côté de Henrik et j’ai décidé de la prendre. Quand il perdait un match, Henrik bougonnait, il rejouait tous les buts et tous les jeux dans sa tête. Il n’était pas capable de décrocher. Je me suis vite donné comme mission de le sortir de sa game, d’arriver à le faire relaxer. On a commencé à écouter des émissions de télévision ensemble. C’est moi qui avait le iPad et les écouteurs, je mettais ça entre nous deux dès qu’on arrivait dans l’avion. Henrik s’assoyait et s’il n’avait pas eu une bonne soirée, il y avait un peu de boucane qui lui sortait des oreilles. Il prenait son lunch, buvait son Gatorade. La première fois, je crois que ça a pris une demi-heure avant qu’il dise "Ok, on pèse sur Play". Rendu au milieu de l’année, ça prenait cinq ou dix minutes. Moi, c’était ça ma force. Victoire ou défaite, 10-0 ou 1-1, c’était facile pour moi de mettre ça dans le passé. Henrik avait plus de misère et sans jamais se le dire, on a travaillé là-dessus ensemble. »

Biron regarde les résultats et se dit qu’il a bien fait son boulot. Cette année-là, Lundqvist a remporté le trophée Vézina remis au gardien par excellence de la saison régulière.

« Je crois que je n’ai jamais vu ça : ni lui, ni moi ne s’est fait enlever par l’entraîneur au milieu d’un match. Et John Tortorella est reconnu pour être vite sur la gâchette avec ses gardiens! Henrik a eu 62 départs, moi j’en ai eu 20, c’était le chiffre parfait, la saison parfaite. Ça a été l’une des meilleures expériences de ma carrière. »

Bien définir les rôles

Bien sûr, la relation entre collègues n’est pas toujours aussi harmonieuse. Quand un jeune perce dans la Ligue nationale derrière un gardien établi, il se gardera généralement une petite gêne avant de se plaindre de sa douzaine de parties annuelles. La même logique s’applique pour un vétéran en fin de carrière qui accepte de préparer ses beaux jours derrière un titulaire dans la fleur de l’âge.

Mais quand deux gardiens partagent les mêmes ambitions, la basse-cour peut rapidement s’avérer trop petite pour deux coqs.

« Ça peut devenir toxique », acquiesce Marc Denis qui, au début de la trentaine, s’est fait pousser vers la sortie par Johan Holmqvist et Karri Ramo chez le Lightning de Tampa Bay.

« Je vais être honnête aussi et je vais me regarder dans le miroir : je n’ai pas été bon pour faire la transition vers le rôle d’auxiliaire à la fin de ma carrière parce que je pensais que je pouvais encore être numéro un. Quand j’ai accroché mes jambières, j’aurais été prêt à l’être, mais j’étais pris avec cette étiquette du gars intense et compétiteur qui n’acceptait pas de ne pas jouer. J’aurais aimé être capable de changer cette perception parce que je suis convaincu que j’aurais été un bon mentor pour un plus jeune », regrette celui qui a terminé sa carrière de joueur dans le club-école du Canadien.

En se basant sur ses expériences personnelles, Denis est d’avis que la meilleure façon d’éviter la discorde est une relation limpide entre les gardiens et le groupe d’entraîneurs.

« Ce n’est pas l’identité de ton partenaire qui est important, mais plutôt que ton rôle soit bien défini. Moi, j’ai toujours mieux performé, j’ai toujours été dans un meilleur état d’esprit quand je savais quel était mon rôle. Quand tu ne sais pas sur quel pied danser, que ce soit dans n’importe quelle sphère de la vie, c’est hyper difficile de produire au meilleur de tes capacités. Quand je connais les attentes à mon endroit, la situation est idéale. Mais quand ça reste nébuleux, le doute s’installe. »

Dany Sabourin garde un souvenir doux-amer des dernières années de sa carrière en Amérique du Nord. Au tournant de la trentaine, il a partagé le filet avec Braden Holtby pendant deux saisons dans le club-école des Capitals de Washington. Il croyait enfin avoir la voie libre quand, à sa troisième année, Holtby a été promu avec le grand club. Mais est arrivé Philipp Grubauer et Sabourin s’est de nouveau retrouvé dans un système d’alternance.

« Ça a été comme une claque au visage », se souvient celui qui avait précédemment joué 9 matchs derrière Roberto Luongo et 43 derrière Marc-André Fleury en trois saisons dans la LNH.

Sabourin admet du bout des lèvres qu’il n’a pas toujours accepté son sort de façon exemplaire, mais il ne garde pas que des souvenirs sombres de son passage dans l’organisation des Capitals. Des moments plus durs qu’il a dû traverser, il a tiré des leçons qui lui servent aujourd’hui dans ses fonctions d’entraîneur avec les Huskies de Rouyn-Noranda.

« Steve Briere et Olaf Kolzig, qui ont été mes entraîneurs de position, investissaient autant de temps avec le backup qu’avec le numéro un. Dans ma situation, je l’appréciais énormément parce que j’avais quand même l’impression d’avancer plutôt que de me retrouver seul dans mon coin. »

« La préparation est très difficile, mais si tu es bien entouré, c’est plus facile, approuve Martin Biron. Quand j’étais avec les Rangers, Benoît Allaire était mon coach des gardiens et notre routine de préparation était vraiment bonne. Je savais tout à l’avance, il me disait : "La semaine prochaine, peut-être jeudi ou vendredi, tu vas avoir une game, on se prépare là-dessus" et il me faisait un horaire détaillé de ce qui m’attendait jusque-là. Et comme Tortorella avait pleinement confiance en lui, on respectait la cédule la majorité du temps. Je savais qu’il ne gaspillerait pas ma préparation en mettant Lundqvist à la dernière minute parce qu’il avait besoin d’une victoire. Ça, ça facilitait pas mal ma vie. »

Il n’y a pas de petite victoire

La question traverse l’imaginaire chaque fois qu’un gardien auxiliaire enjambe la bande, euphorique, pour sauter dans les bras d’une bande de gars qui célèbrent une conquête à laquelle il n’a pas contribué.

Martin Biron ne connaît pas d’autres façons de gagner un championnat. En 1997, il était l’adjoint de Marc Denis quand Équipe Canada junior a raflé l’or, puis il était derrière Christian Bronsard quand les Olympiques de Hull ont remporté la Coupe Memorial. En 2003, il était le troisième gardien de l’équipe canadienne qui a remporté l’or au Championnat du monde. Difficile de concevoir qu’il a savouré ces consécrations avec la même exaltation que ses coéquipiers.

« Pour moi, le hockey, c’est le sport d’équipe ultime. Tu embarques tellement dans l’aventure, tu embarques tellement dans la patente, ça t’a été vendu et tu prends ton rôle au sérieux, défend Denis avec véhémence. C’est clair que tu n’as pas toute la gloire du gardien qui a joué du début à la fin, mais il faut que tu acceptes le rôle que tu avais et que tu prennes la gloire qui vient avec. Ton nom est sur la coupe de la même manière que les autres. Je trouve que la perception du contraire, c’est diminuer le rôle. S’il y a une chose qui me fâche, c’est peut-être ça. »

« C’est comme dire que le gars du quatrième trio n’a pas d’affaire à célébrer une victoire parce qu’il ne joue pas à 3-contre-3 en prolongation, continue Denis. Je suis désolé, mais le backup, il y a fort probablement une victoire qu’il est allé chercher quelque part au mois de décembre, une victoire inattendue qui a permis à son équipe d’être positionnée où elle l’a été et d’affronter les équipes qu’elle a affrontées. Tu vas me dire que je suis un peu dans le destin ou dans le karma, mais il a eu son mot à dire à un moment donné. Peut-être que tu le célèbres trois ou quatre mois plus tard, mais pendant tout ce temps-là, tu accompagnes tes gars. »

Chez les professionnels, Biron n’a jamais pu vivre l’ivresse de supporter à bout de bras une équipe championne. En 1999, il a mené les Americans de Rochester à la finale des séries de la coupe Calder. En 2008, après avoir disputé 62 matchs de saison régulière, il a aidé les Flyers de Philadelphie à atteindre la finale de l’Association Est. Mais sa carrière est néanmoins parsemée de moments et d’accomplissements qui lui ont permis de partir avec le sentiment du devoir accompli.

« Quand j’ai vu Henrik Lundqvist gagner le Vézina, j’étais fier de ce qu’on avait été capable d’accomplir ensemble, dit le jeune retraité. Il y a une partie de moi qui se disait qu’il y avait un peu de moi dans ce trophée-là. J’étais content. »

« En 1999, Roman Turek et moi avons remporté le trophée Jennings [NDLR : remis au gardien ou au duo de gardiens ayant accordé le moins de buts en saison régulière], raconte Jamie McLennan. Mon nom n’a pas été gravé sur le trophée parce qu’il faut avoir joué 25 matchs pour y avoir droit et je n’en avais joué que 19, mais j’étais quand même extrêmement fier d’y avoir contribué. Roman avait connu toute une saison et de savoir que j’avais pu l’aider en lui donnant quelques soirs de congé, ça me faisait sentir important au sein de l’équipe. Je ne me sentais pas comme un simple passager. »

« Je n’ai jamais gagné la coupe Stanley et c’est vrai que si on pense aux équipes qui l’ont gagnée, on ne se rappelle pas si facilement qui était leur gardien auxiliaire, conclut Ron Tugnutt. Il faut regarder sur la coupe pour le savoir. Ceci étant dit, j’ai comme l’impression qu’il doit être assez difficile de trouver un gardien, parmi tous ceux-là, qui a un problème avec ça. »

*Deuxième partie de cette série de deux textes : Hot-dogs, moustaches et « thrash talk »