MONTRÉAL – Pour certains, la cuvée 2018 laisse en bouche un goût d’exception. Pour d’autres, elle rappelle plutôt les saveurs réconfortantes d’un classique d’antan. Pour le dernier groupe, elle se dresse comme le point de départ d’un retour en force des gardiens québécois.            

 

Les plus jeunes ne s’en souviendront pas, mais ils ont sans doute eu vent que le Québec était le terreau le plus fertile pour la production de gardiens de but. Ce phénomène s’est dissipé au fil des ans avec la concurrence internationale et le territoire québécois n’a pas été en mesure de maintenir la cadence.

 

L’année 2013 n’aura pas été mauvaise avec quatre gardiens de la LHJMQ qui ont trouvé preneurs (Zachary Fucale en 2e ronde par le Canadien, Philippe Desrosiers en 2e par les Stars, Alex Bibeau par les Maple Leafs en 6e ronde et Alexandre Bélanger en 7e ronde par le Wild).

 

La récolte du repêchage du 22 et 23 juin à Dallas pourrait produire un résultat encore plus intéressant. Après tout, la Centrale de recrutement de la LNH a classé quatre gardiens de la LHJMQ parmi les six premiers espoirs en Amérique du Nord.

 

Olivier Rodrigue (Voltigeurs) domine ce classement devant Kevin Mandolese (Screaming Eagles) et Alexis Gravel (Mooseheads) alors que Zachary Bouthillier (Saguenéens) s’est hissé jusqu’au sixième rang grâce à sa progression.

 

« Tout le monde savait, depuis quelques années, que c’était une cuvée avec du talent et des athlètes dotés d’un gabarit intéressant donc ce n’était pas une surprise », a convenu Sylvain Rodrigue, le père d’Olivier, qui agit comme entraîneur du développement des gardiens pour les Oilers d’Edmonton.

 

Alex Carrier, l’entraîneur des gardiens des Sags, voudrait bien déceler un filon solide pour l’avenir, mais il demeure prudent.

« Pour être franc, je pense juste que ça adonne comme ça. Je le vois dans le Midget AAA, je ne suis pas certain que des gardiens du Québec vont sortir haut l’année prochaine et l’autre d’après. Je ne veux pas être négatif, je sais que Hockey Québec travaille beaucoup là-dessus pour aider nos gardiens à se faire voir et valoir. N’empêche que si un buzz se crée sur les gardiens d’ici tôt dans le repêchage, ça pourrait aider d’autres gardiens du Québec à se faire sélectionner », a-t-il commenté.

Carrier n’a sans doute pas tort, mais Rodrigue tient à diriger l’accent vers une initiative pertinente de la LHJMQ. Le circuit québécois l’a contacté pour élaborer un mouvement qui raviverait le tout. Rodrigue (photo) a donc organisé un camp de développement au mois d’août qui a regroupé un imposant bassin de gardiens et d’entraîneurs des gardiens de la LHJMQ.

« Ce camp a permis à tout le monde de se rencontrer et de se connaître d’abord. Une fois que les gens ont été plus à l’aise, on a établi une base pour le développement des gardiens. On voulait travailler sur trois choses qui n’étaient pas négociables pour que tous les gardiens aient une solide fondation là-dessus. Je parle des habiletés de patinage, du ‘tracking’ de la rondelle et des bonnes habitudes de travail », a indiqué Rodrigue qui a joué pendant quatre ans dans la LHJMQ en plus d’être entraîneur des gardiens durant six saisons dans ce circuit.

Le projet ne s’est pas limité à cette expérience. Rodrigue était devenu une ressource pour ceux qui suivent le même chemin que lui.

« L’idée était un peu d’accompagner les entraîneurs des gardiens, être consultant quand ils pouvaient avoir besoin d’aide. Parfois, après un match, je recevais un texto, un courriel ou un appel et ça s’est poursuivi pendant l’année. On souhaitait créer un réseau des entraîneurs de gardiens.

Sans surprise, la LHJMQ a décidé de répéter l’expérience cet été et chaque équipe de la LHJMQ pourra y déléguer un entraîneur et deux gardiens. De plus, le Midget AAA se joindra au projet.

Cette intervention consiste aussi à recentrer les enseignements. En effet, le succès obtenu par Patrick Roy et son maître François Allaire (avec Jean-Sébastien Giguère sur la photo) a non seulement fait exploser la relève devant le filet, mais également le nombre d’entraîneurs des gardiens. Cette réalité a pu provoquer quelques déraillements.

« Il faut un peu uniformiser les méthodes, c’est carrément la différence. En Europe, pour l’avoir vécu pendant huit ans là-bas, il y a un entraîneur et un assistant qui s’occupent de toute la structure. En Suède, par exemple, c’est Thomas Magnusson qui établit le cadre et ça descend vers le bas. Au Québec, il y a 56 000 entraîneurs de gardiens et tout le monde veut faire un peu différent. Il faut uniformiser le vocabulaire et l’enseignement pour former la relève. Sinon, les jeunes se promènent d’une année à l’autre et ils peuvent devenir mêlés », a jugé Rodrigue.

« Ici, ça vient de François Allaire, on avait un coach des gardiens dans le temps et pas 50 000 personnes qui se disaient le king du monde et pas 50 000 façons de créer différents styles. On avait une personne ressource et c’était lui. C’était plus simple. Aujourd’hui, ça s’éparpille un peu et je ne suis pas toujours convaincu que ça fait aide toujours quand le jeune se fait ‘barouetter’ d’un bord ou de l’autre. C’est une chose sur laquelle il faudra être plus solide dans notre développement », a poursuivi Rodrigue.

La patience sera de mise pour dresser un véritable constat sur cette inspiration, mais les résultats à court terme se manifestent déjà.

« Déjà, après une saison, on a tout amélioré comme le pourcentage d’arrêts », a noté l’intervenant passionné par la question.

Son métier lui fait aussi constater que les équipes de la LNH devraient moins regarder de haut les gardiens avec un gabarit plus petit. Il évoque notamment Samuel Harvey (photo), qui mesure six pieds un pouce, mais il va encore plus loin avec les belles histoires écrites par Émile Samson, Tristan Bérubé et Matthew Welsh.

« Sans dire qu’une tendance s’en ira vers les petits parce que c’est encore un monde de géants, tu dois avoir le package pour jouer en haut, je crois que les équipes iront davantage vers les gardiens athlétiques et capables de se déplacer. Ça commence à changer », a indiqué Rodrigue qui cite l’Europe comme débouché pour ceux qui ne seront pas retenus.

Parlant de petits, les plus jeunes ne doivent pas être négligés. Il a d’ailleurs participé à un camp avec des gardiens de 12 et 13 ans à Montréal.

« Steve Mongrain (Cataractes), Stéphane Proulx (Olympiques), Frédéric Chabot (Wild),  Jean-Ian Filiatrault (Avalanche), Marco Marciano (Rocket) et Stéphane Waite (Canadien), on était tous là. On essaie de redonner aux jeunes, de promouvoir le travail de gardiens, de leur donner l’envie de jouer à cette position. C’est comme ça qu’on va en développer, c’est sur le volume qu’on va en repérer », a mentionné Rodrigue.

« Il y a encore beaucoup de choses à faire, mais j’aime ce qui se passe par rapport aux gardiens au Québec. C’est peut-être une bonne chose pour l’avenir, je l’espère. C’est le fun de voir la vibe qui se passe au Québec », a-t-il conclu.

*La dernière grande année de repêchage pour les gardiens du Québec est 2003 avec Marc-André Fleury sélectionné au tout premier rang et Corey Crawford en 2e ronde par Chicago. Avant cela, l’année 1995 avait permis à Jean-Sébastien Giguère (13e par Hartford), Martin Biron (16e par Buffalo) et Marc Denis (25e par Colorado) d’être tous repêchés en première ronde.