Nous savons tous pas mal pourquoi ils sont nombreux à espérer que les Predators de Nashville gagnent leur première coupe Stanley. Parce qu’ils souhaitent du bien à P.K. Subban et parce qu’ils aimeraient bien le voir se présenter à Montréal avec ce trophée. Combien d’amateurs se rangeraient actuellement derrière les Penguins de Pittsburgh si la transaction Weber-Subban n’avait jamais eu lieu? La très grande majorité, probablement.

Plusieurs s’imaginent que Subban paraderait en ville avec la coupe s’il la gagnait. Intelligent, il ne pousserait pas l’ironie jusque-là. Il agirait sans doute en politicien en essayant de plaire à ses plus grands fans au Québec tout en évitant d’irriter ceux qui ont très bien accepté son départ. Cependant, il ne cache pas qu’il irait semer de la joie dans le coeur des enfants hospitalisés en leur permettant de toucher à un gros trophée qu’ils n’ont vu qu’à la télé ou en photos. En somme, il nous permettrait, ici au Québec, de revoir de près une coupe qu’on ne reluque qu’à la télévision, nous aussi, depuis 24 ans.

On nous l’a passée sous le nez très souvent depuis que l’équipe, bâtie par Serge Savard et dirigée par Jacques Demers, a gagné la 24e coupe de son histoire. En fait, la seule coupe qu’on aperçoit chaque année au Québec est celle que des athlètes de chez nous viennent joyeusement nous montrer après l’avoir gagnée ailleurs.

Ce genre de célébrations, qui n’est plus pour les Montréalais depuis trop longtemps, va se poursuivre encore cet été. Si les Penguins retiennent leur titre de champions, Marc-André Fleury sera l’objet d’une autre fête dans la région de Sorel tandis que Kristopher Letang sera dans les parages, à Montréal et à Sainte-Julie. Si Nashville entre dans l’histoire avec un premier championnat, Pierre-Alexandre Parenteau se présentera à Boucherville avec la coupe et l’étonnant Frédérick Gaudreau fera de même à Bromont.

Ils sont 36 joueurs québécois à avoir gagné la coupe hors-Québec depuis 1993, dont trois l’ont fait à trois occasions: Martin Brodeur au New Jersey, Mathieu Dandenault à Detroit et Claude Lemieux au New Jersey (2) et au Colorado. Sept autres joueurs l’ont gagné deux fois, dont Letang et Fleury.

Au fil des années, la direction du Canadien a laissé filer la possibilité d’acquérir de très bons joueurs qui auraient pu faire une grande différence. Il est inutile de faire du cas par cas, mais certaines années, des erreurs impardonnables ont été commises.

L’une des plus grandes a sûrement été celle concernant Patrice Bergeron. Avant lui, au repêchage, le Canadien a réclamé Andreï Kostitsyn et Corey Urquhart. Ce dernier n’a jamais été vu sur une patinoire de la Ligue nationale tandis que Bergeron, détenteur de deux médailles d’or olympiques, a aussi mérité trois trophées Frank Selke.

Une autre bévue, survenue quatre ans après l’exploit de 1993, a été celle de préférer Eric Chouinard à Simon Gagné. Le premier choix du Canadien a produit un but et quatre points en 13 parties seulement dans le chandail tricolore. C’est 597 points de moins que Gagné qui a remporté la coupe à Los Angeles.

Dans le cas de Martin St-Louis, qui n’aurait rien coûté puisque personne n’en voulait, toutes les organisations de la ligue, y compris celle de Montréal ont passé leur tour avant que Tampa Bay, qui venait de rater les séries pour une quatrième année de suite, a consenti à lui accorder sa chance. Il a remercié le Lightning avec deux championnats des marqueurs, un trophée Hart, un Ted Lindsay, trois Lady Bing et une coupe Stanley.

On a sensiblement vécu le même phénomène avec Luc Robitaille dont le coup de patin déficient inquiétait les recruteurs. Ce 171e choix au repêchage, qui a sa niche au Panthéon du hockey, a marqué 668 buts.

En 2008, Pascal Dupuis s’est retrouvé libre comme l’air à Atlanta. Cet athlète combatif et courageux, assez talentueux pour compléter le trio de Sidney Crosby, n’a jamais reçu le coup de fil du Canadien qui en aurait eu bien besoin.

Le Canadien a aussi repêché et perdu bêtement le défenseur François Beauchemin après avoir commis une erreur technique au ballottage, ce qui lui qui a permis d’aller jouer 13 saisons dans la Ligue nationale avec quatre équipes différentes.

Avec Robitaille, St-Louis et Dupuis, on parle d’athlètes qui ont grandi à quelques kilomètres du Centre Bell. Toutes les organisations commettent des erreurs d’évaluation, mais quand ça fait des siècles qu’on nous rabâche les oreilles avec la promesse qu’à talent égal, on repêchera toujours le joueur québécois, il y avait plus de pression pour le Canadien à enrégimenter ces francophones que pour toutes les formations de la ligue. Une pression qu’il n’a pas su relever pour diverses raisons.

Dans certains cas, ça explique pourquoi, à défaut de voir l’équipe locale gagner la coupe Stanley, on en est réduit à applaudir les Québécois qui viennent nous la montrer. Il y a même une chance qu’un Québécois d’adoption, porteur d’un chandail jaune numéro 76, puisse le faire dans un proche avenir.

Mine de rien...

À la suite de la récente élimination des Sénateurs d’Ottawa, la longue séquence de Jacques Demers, qui est toujours le dernier entraîneur au Canada à avoir gagné la coupe, se prolonge. Le coach, dont il s’agit du dernier exploit de sa carrière, n’en est pas peu fier.

Si Marc-André Fleury...

Marc-André Fleury, à qui les Penguins de Pittsburgh doivent leur présence en finale en vertu de ses exploits répétés durant les deux premières séries contre Columbus et Washington, a connu une défaillance dans le troisième match contre Ottawa et il en paye chèrement le prix.

S’il avait été à la hauteur durant ce match et durant ceux qui ont suivi, on parlerait de lui actuellement comme d’un candidat logique au trophée Conn Smythe. Une simple bavure et tout s’est effacé pour lui.

L’entraîneur Mike Sullivan a agi comme s’il n’attendait qu’une occasion de faire appel à Matt Murray, ce qui n’est pas tellement étonnant puisque les entraîneurs oublient rarement un gardien qui leur a permis de gagner un championnat.