DALLAS – Au repêchage de la LNH, la coutume veut que les équipes invitent un jeune garçon ou une jeune fille pour leur donner un coup de main dans diverses petites tâches. Chez les Maple Leafs de Toronto, c’était le fils du directeur général adjoint qui avait obtenu ce mandat. Tard en septième ronde, il a osé suggérer à son père de repêcher l’espoir qu’il voyait encore patienter dans les gradins avec sa famille.
 
Sans le savoir, cet athlète figurait justement dans les plans des Leafs! Ils avaient même pris le soin de préparer son nom pour l’ajouter au chandail qu’ils allaient lui remettre s’ils parvenaient à le repêcher.
 
C’est ainsi que le gardien québécois Zachary Bouthillier a été invité à la table des Leafs en étant repêché au 209e rang. Seulement huit joueurs ont été choisis après lui.
 
Il faut croire que les Leafs n’ont rien manqué de la transformation qui s’est opérée chez cet espoir en 2017-2018 et ce mot est tout sauf une exagération.
 
D’abord, Bouthillier a obtenu un nouveau départ au sein des Saguenéens de Chicoutimi à la suite d’une saison recrue avec les Cataractes de Shawinigan. Alex Carrier, l’entraîneur des gardiens des Sags, était vendu à l’idée de travailler avec ce « beau projet ».

« Je le connais depuis longtemps, c’est le dernier gardien que j’avais retranché avec Équipe Québec. J’avais toujours dit à mes proches : "Mautadine, j’espère que je vais pouvoir travailler avec lui un jour." Je l’aime, c’est un fighter. C’est juste qu’il manquait de millage. Quand Yanick Jean (directeur général et entraîneur-chef) m’a dit qu’on avait besoin d’un gardien et qu’il était parmi ceux qui étaient disponibles, j’ai dit "Tabarouette, va le chercher!" », a-t-il raconté au RDS.ca.

Carrier s’est rapidement attelé à la tâche parce qu’un polissage était nécessaire à plusieurs niveaux. En plus de travailler des éléments techniques de son répertoire, Bouthillier a dû modifier sa préparation pour les matchs qui était surchargée et il a eu à apprendre à mieux gérer ses émotions quand il se fait déjouer.
 
« C’est sûr qu’il y a une petite période d’ajustement chaque fois que tu changes d’entraîneur de gardien. Mais la faute est plus de mon côté. En étant un peu plus ouvert d’esprit, c’est vraiment là que j’ai commencé à progresser beaucoup », a admis le gardien originaire de Chambly.

« Ça en faisait beaucoup. Oui, ce fut difficile pour lui en novembre et en décembre parce qu’il était rendu brûlé, mais après, ce fut payant. C’est un petit gars qui a bien travaillé et qui voulait progresser », a décrit Carrier.

Mais Bouthillier est bien plus que ça. Ses qualités athlétiques sont indéniables et il jouit d’une flexibilité supérieure à la moyenne. Au-delà du volet physique, vous avez à faire avec une bolle à l’école! Un jeune articulé qui s’implique dans son parcours académique et sportif.

Voilà pourquoi il n’a pas craint de foncer pour obtenir de l’aide. Déjà entouré d’un conseiller de préparation mentale, Bouthillier a accepté la proposition des Sags d’ajouter un psychologue à son arsenal.

« J’ai été assez honnête pour avouer que j’avais besoin d’aide à un certain moment. J’ai pris les outils qui étaient à ma disposition et ça m’a beaucoup aidé. Ç’a été un petit recul qui m’a propulsé beaucoup plus loin vers l’avant », a exposé l’athlète de six pieds deux pouces et 186 livres.

C’est le cas de le dire. Absent de la liste précédente, Bouthillier s’est hissé jusqu’au sixième rang du dernier classement de la Centrale de recrutement de la LNH pour les gardiens en Amérique du Nord. Aucun homologue ne s’est approché d’un tel saut.

Cette deuxième moitié de saison totalement différente s’est conclue de la plus belle manière qu’il aurait pu souhaiter. En effet, en séries, les Sags sont ceux qui ont donné le plus de fil à retordre au Titan d’Acadie-Bathurst qui a soulevé la coupe Memorial.

D’ailleurs, Bouthillier s’est classé deuxième, en éliminatoires, pour l’efficacité chez les gardiens qui ont participé à au moins deux matchs. En six sorties, il a conservé une efficacité de ,931 prouvant ainsi son potentiel.

Au passage, il a blanchi le Titan avec 43 arrêts dans la deuxième rencontre. Lors du cinquième match de cette confrontation – qui s’est conclue en six – Bouthillier n’a cédé que deux fois après deux périodes sur un barrage de 43 lancers!

« Il carbure à ça, les gros défis, les gros matchs que tout le monde pense que c’est impossible d’aller voler. Je me rappelle d’une victoire contre Rimouski en prolongation, il avait stoppé six méchantes chances de marquer en supplémentaire. Des chances épouvantables tellement que le monde criait son nom dans les gradins », a raconté Carrier.

Rien à envier aux Rodrigue, Mandolese et Gravel?

Malgré cela, Bouthillier a raté de peu le privilège d’être invité au Combine de la LNH. Puisqu’il excelle académiquement (une cote R autour de 33 ou 34) et qu’il accomplit le grand écart sur la patinoire tout en allant déposer sa tête sur la patinoire, on peut parier qu’il aurait gagné des points autant dans les entrevues que les tests physiques.
 
Son agence RSG Hockey a toutefois pu lui négocier une dérogation pour qu’il s’y présente pour la partie des entrevues. Ainsi, il a été convoqué à dix rencontres et il a été invité à participer au Combine respectif des Sabres et des Maple Leafs par la suite.
 
« Les entrevues ont donné la chance à certaines équipes de me connaître beaucoup plus comme personne et d’apprendre le cheminement que j’ai pris pour remonter la pente après des mois difficiles avant les Fêtes. Ils ont pu voir qu’il y a quelqu’un d’assez allumé derrière le masque, un jeune qui a beaucoup gagné en maturité autant comme personne que comme joueur », a-t-il témoigné.  

Lundi, Bouthillier a participé, à Toronto, à la première journée du camp de développement des Leafs en compagnie de trois autres gardiens. À Dallas, il a été le 27e gardien repêché sur 29. Il semble constituer une carte cachée intéressante.

« Je sais que j’ai un excellent bon potentiel, je suis un bon athlète. Je me vois comme un bon espoir à long terme. J’ai montré j’étais qui en deuxième moitié de saison. Je n’aime pas jouer au jeu des comparaisons, mais si je regarde les autres gardiens québécois qui sont plus connus (Olivier Rodrigue, Kevin Mandolese et Alexis Gravel), je sais que je n’ai rien à envier à eux surtout que le sommet de notre carrière arrive plus loin », a conclu Bouthillier avec une confiance qui fera plaisir aux Leafs.