Luc Robitaille a toujours été un de mes joueurs préférés à interviewer. Sympathique, naturel, drôle, il ne fait jamais dans le cliché et livre le fond de sa pensée sans retenue. Président des Kings depuis 2017, celui qui est encore à ce jour, l’ailier gauche le plus prolifique de l’histoire de la LNH avec 1394 points en 1431 matches, n’a pas changé et répond franchement aux questions.

Malgré la pandémie, Robitaille est très occupé dans ses rôles de Président, Responsable des opérations hockey et Gouverneur de l’équipe. Il participe activement ces temps-ci, aux réunions téléphoniques convoquées par Gary Bettman. Il admet que pour le moment, le plan ne change pas, on veut présenter du hockey dans les prochains mois.  

« À travers la ligue, nous sommes tous d’accord, on veut recommencer à jouer mais il y a beaucoup d’incertitudes. Gary Bettman tente de faire arriver les choses le plus vite possible mais il ne faut pas faire d’erreur non plus. Tu ne peux pas repartir la saison pour finalement te retrouver avec 20 ou 30 joueurs malades. Il y a beaucoup d’éléments à prendre en considération. Le problème, c’est qu’on dirait que ça change aux 2-3 jours. On pensait finir la saison puis amorcer les séries mais là, on entend dire que ça va être juste des séries éliminatoires, parfois il y a plus d’équipes en séries, d’autres fois moins d’équipes.  En ce moment, on attend encore car personne ne sait vraiment ce qui va arriver. Tu regardes la télévision et tu écoutes le gouvernement parler et eux non plus ne le savent pas » de dire Robitaille.

Malgré ces conditions, il croit toujours à un retour au jeu. Même sans partisans dans les gradins. « Je pense que ça serait vraiment bon pour le monde du hockey même s’il n’y aurait probablement pas de fans. C’est sûr que ça serait bizarre au mois de juillet mais c’est mieux que de ne rien avoir » de préciser le Québécois.

La reconstruction passe par les jeunes

Si on lui laissait le choix, Robitaille aimerait terminer la saison régulière afin de permettre à ses jeunes joueurs d’acquérir plus d’expérience dans la LNH. Les Kings sont en mode reconstruction depuis un an et demi et elle passe par les jeunes.

« Nous étions bien conscients en 2017 que trois ans plus tard, nous aurions 10 contrats qui viendraient à terme.  Nos vétérans ont été rémunéré, ils l’ont mérité, ils ont gagné la coupe Stanley (2012 et 2014) mais nous savions qu’en 2020 nous aurions plusieurs jeunes qui commenceraient la saison 20-21. Donc depuis 2017 nous n’avons échangé aucun jeune. Nous les avons tous gardé et essayé de signer le plus de joueurs autonomes collégiaux possible et nous leur avons fait de la place au sein de l’équipe. On a aussi été chanceux. Les Alex Iafallo, Blake Lizotte, le gardien Carl Peterson et Shawn Walker ne nous ont rien coûté » précise Robitaille tout en admettant que le rendement décevant des vétérans de l’équipe a précipité un peu les choses.

« En 2018-19, nos vétérans n’ont pas tenu le fort. C’est là qu’on s’est dit, ok, on va devancer notre plan. La saison avait tellement mal commencé, nous étions loin derrière les autres équipes. Nous n’avions pas le choix, nous avions des longs contrats alors on a commencé à échanger des gars et devancé notre plan d’un an » dit-il.

Les Kings ont en effet été actifs depuis la saison 2018-19 en échangeant les vétérans Jake Muzzin, Kyle Clifford, Tyler Toffoli et Alec Martinez.

Un plan quinquennal? Pas vraiment…

A Montréal on a souvent parlé du plan quinquennal de Marc Bergevin qui ne s’est toujours pas encore concrétisé après 8 ans de règne mais à Los Angeles, la mentalité est différente.

« L’idée c’est d’avoir une équipe compétitive pour gagner la Coupe Stanley. Cette saison, nous savions que nous aurions des difficultés car nous étions en année de transition. L’année prochaine nous aurons beaucoup plus de jeunes et on s’attend malgré tout, à être plus compétitif, un peu comme les Rangers. Bien sûr, on ne pense pas gagner la coupe Stanley l’an prochain mais à la troisième année du plan, si les jeunes se sont bien développés, nous pourrions alors apporter des petits ajustements avec une ou deux transactions. Les Rangers l’ont fait quand ils sont allés chercher Panarin.  Ça prend de la chance aussi mais plus tu as des jeunes qui sont compétitifs dans ton équipe, le plus ça va t’aider » ajoute Robitaille.

Une banque impressionnante de jeunes espoirs

Selon plusieurs experts, les Kings sont considérés comme l’équipe qui a la meilleure banque de jeunes espoirs dans la LNH. Cinq sont classés parmi les 50 meilleurs selon nos collègues de The Athletic et de TSN. Neuf ont participé au dernier championnat mondial junior. Robitaille donne crédit à son équipe de recrutement.

« On a des bons dépisteurs. Notre recruteur-chef Mark Yannetti fait vraiment un bon travail et nous avons aussi un bon système de développement. On passe beaucoup de temps avec nos jeunes. Dans les statistiques de la Ligue, j’ai vu que de 2008 à 2017, nous étions premiers dans la Ligue Nationale pour amener des jeunes dans la LNH. Ils n’ont pas tous joué avec nous mais nos dépisteurs ont fait du bon boulot. Ils ont bien repêché et bien fait le développement. Nous sommes bien heureux avec les jeunes joueurs qu’on a. »

Un de ces joueurs est leur premier choix au dernier repêchage Alex Turcotte qui jouait dans la NCAA avec les Badgers de l’université du Wisconsin. Turcotte a signé un contrat avec les Kings en février dernier et contrairement à son compagnon de trio Cole Caufield, il ne retournera donc pas dans le circuit universitaire l’an prochain. Il jouera soit dans la LNH, soit dans la ligue américaine.

Robitaille précise que le fils de Alfie Turcotte n’aura pas de pression mais qu’il devra travailler fort pour se tailler un poste avec son équipe. Rien ne sera acquis.

  « Je dis à chaque jeune qui vient ici, si tu veux faire la LNH, tu dois travailler plus fort que les autres et voler un poste.  On veut gagner alors on va toujours faire jouer les meilleurs joueurs. Quand un gars ne joue pas et ne participe pas l’avantage numérique c’est parce que l’entraîneur-chef pense qu’il ne l’aidera pas à gagner.  Il n’y a pas d’instructeur qui veut perdre. Que tu sois un 1er choix, un 6e ou 7e, il n’y en a pas de secret. Tu dois travailler fort et te faire une place. »

5 pieds et deux…plumes!

Blake Lizotte est l’exemple concret de ce qu’avance Robitaille. « Nous avions un petit joueur avec nous en début de saison, Blake Lizotte, il fait 5 pieds et 2… plumes » dit-il en riant 

« Il est arrivé au camp, n’avait jamais été repêché. On l’avait signé du collégial comme joueur autonome.  C’était sûr dans notre tête qu’il s’en allait directement dans la ligue américaine.  Mais au camp, c’était le meilleur joueur à chaque match. Alors nous n’avions pas le choix, le coach nous a dit qu’il voulait le garder, qu’il l’aimait car il travaillait fort à tous les matches. Et maintenant, c’est un de nos joueurs réguliers, il joue dans la LNH. » Selon la fiche officielle de la LNH, Lizotte mesure 5 pieds et 7 pouces. Il a inscrit 23 points (6 buts et 17 passes) en 65 matchs cette saison.

Caufield plus qu’un marqueur…

Cole Caufield a un membre de plus dans son fanclub. « Je suis un grand fan! Je l’ai vu jouer souvent car nous allions voir Alex Turcotte avec les Badgers et les deux jouaient ensemble » précise le grand patron des Kings au sujet du premier choix du Canadien au dernier repêchage qui a décidé de demeurer encore une année de plus dans la NCAA.  Robitaille considère que Caufield a fait le bon choix.

« Je pense que les fans de hockey au Québec vont l’aimer. Ce n’est pas juste un marqueur, c’est un très bon joueur, il a de bonnes mains, il patine bien, il aime jouer au hockey, c’est le fun de le voir à l’œuvre. Le p’tit gars va trouver un moyen de compter dans la Ligue nationale c’est certain. Et sais-tu pourquoi c’est une bonne décision pour lui de rester une autre année dans la NCAA?  Je vais te le dire ce qui serait arrivé s’il n’avait pas fait ce choix. Il jouerait à Laval et il marquerait à chaque match et là, tout le monde crierait au Québec qu’il faut qu’il monte à Montréal alors ils sont bien mieux de le laisser là-bas » explique-t-il en éclatant de rire.

Kovalchuk « on ne s’est trompé qu’à moitié! »...

L’ancien ailier gauche est heureux des succès d’Ilya Kovalchuk depuis qu’il a quitté Los Angeles, surtout que le rendement du talentueux attaquant a en quelque sorte donné raison aux Kings de lui avoir donné une 2e chance dans la LNH. Robitaille ne cache pas cependant que les succès de Kovy l’ont surpris un peu.

« Je te mentirais si je te disais que je ne suis pas un peu surpris.  C’est un bon joueur, mais je ne sais pas trop pourquoi, ça ne fonctionnait pas avec notre équipe. Il faut dire qu’au cours des deux dernières années, nos vétérans essayaient encore de jouer le style de jeu avec lequel on a gagné la coupe en 2012 et 2014 et ça ne fonctionnait pas avec Ilya. C’est un joueur talentueux qui est encore capable de marquer des buts et de faire des jeux.  Ce qui me rend heureux c’est qu’on ne s’était pas trompé sur le joueur tel quel, c’est juste qu’on s’est trompé sur le fait que son style n’était pas compatible avec celui de notre équipe. Je regarde souvent les Canadiens jouer, ils ont beaucoup de jeunes, comme Max Domi, qui sont capable de garder la rondelle et ils arrêtent en entrant à la ligne bleue et font des jeux.  »

« Si tu regardes notre façon de jouer, nous, on tire la rondelle dans le coin, on va la chercher et on retourne à la défense donc ce n’était pas vraiment le système dans lequel Ilya était à l’aise. Je suis content pour lui, c’est un bon gars, il ne s’est jamais plaint, il n’a jamais rien dit, il a toujours travaillé fort, C‘est un très bon gars dans la chambre et je me souviens même que Marc avait appelé notre directeur-général Rob Blake pour en savoir plus sur lui et nous n’avions rien de négatif à dire sur le gars. C’est l’fun parce qu’il veut gagner. C’est pour ça qu’il veut jouer, ce n’est pas pour l’argent » de conclure le sympathique membre du Temple de la Renommée du hockey.