Le hockey a tellement changé depuis que les Blues et les Bruins ont fait les frais de leur dernière bataille pour la coupe Stanley, il y a 49 ans.

Ce sport est devenu beaucoup plus rapide qu’à l’époque. Les systèmes de jeu sont plus sophistiqués. Les gardiens de but, qui ont tous des entraîneurs personnels, sont plus aguerris et plus efficaces que jamais. À l’époque, ils s’en remettaient davantage à leurs réflexes pour repousser des rondelles.

Les défenseurs sont devenus à ce point indispensables qu’on n’hésite plus à les réclamer parmi les premiers au repêchage. Ils ne se limitent plus à diriger la circulation autour des gardiens. Ils sont mobiles et plusieurs sont passés maîtres dans l’art de bloquer des tirs depuis qu’un entraîneur quelque part y a vu une tactique essentielle pour gagner des matchs. Ils ont été plusieurs à passer un temps précieux à l’infirmerie après avoir répondu à cette directive très ferme des entraîneurs.

Les Blues de St Louis de 1970 étaient plus courageux que talentueux. Le talent résidait surtout dans l’autre camp. Le champion marqueur de la ligue était Bobby Orr, un défenseur de 21 ans, grâce à une production de 120 points. L’unique compteur de plus de 100 points dans la ligue, d’ailleurs. Les Bruins avaient six marqueurs de plus de 20 buts et il y avait de l’expérience mur à mur dans les buts avec Gerry Cheevers et Eddie Johnston. Il fallait être prêt à souffrir quand on entrait dans le vieux Garden où quelques gros bras des Bruins faisaient la loi.

Les Blues, largement favorisés par la création de la division Ouest, dans laquelle on avait logé les six premières formations de l’expansion, ne faisaient pas le poids. Si les équipes avaient été mieux réparties dans les deux seules divisions du circuit, jamais les Blues n’auraient affronté le Canadien (2 fois) et Boston en finale.

Leur premier marqueur était Phil Goyette, l’un des 10 anciens membres du Canadien dans cette équipe, avec 72 points. Deux de leurs trois gardiens de but, Jacques Plante et Glenn Hall, étaient âgés respectivement de 41 et 38 ans. La défense reposait sur les frères Bob et Barclay Plager, Jim Roberts, Jean-Guy Talbot, Ray Fortin et Noël Picard qui auraient tous terminé loin dans une course au trophée Norris.

Il y avait un tel écart de talent entre les deux organisations que même Scotty Bowman, qui comptait déjà 10 années d’expérience derrière le banc d’équipes junior et professionnelles mineures, en plus de ses trois premières saisons avec les Blues, n’avait pu faire la moindre différence malgré ses compétences et son style autoritaire et intimidant.

L’entraîneur provocateur et un brin tortionnaire qu’on a connu durant ses huit saisons avec le Canadien savait déjà faire passer ses messages d’une façon percutante à ses débuts. Dès son premier camp d’entraînement avec les Blues, il avait été très clair avec ses patineurs: « N’eût été l’expansion, aucun de vous ne serait ici, leur a-t-il dit avec un brin de méchanceté. Ceux qui ne travailleront pas vont vite retourner d’où ils viennent.»

Ces joueurs, dont plusieurs étaient de vieux routiers du hockey, venaient de faire connaissance avec un entraîneur qui en était lui-même à sa première journée de travail dans la ligue.

Tel qu’exigé, ils ont travaillé. Cependant, les Blues avaient 12 joueurs de plus de 30 ans, comparativement à quatre seulement dans le camp des Bruins. St Louis n’avait pas de Bobby Orr, de Phil Esposito, de Wayne Cashman, de Ken Hodge, de John Bucyk et de John McKenzie. Ce qui explique en bonne partie pourquoi ils ont été balayés en quatre matchs.

St Louis, le tremplin de Bowman

L’organisation des Blues pourra au moins s’enorgueillir d’avoir servi de rampe de lancement à la plus grande carrière d’entraîneur de hockey de la planète. Bowman s’est fait les dents durant ses deux éliminations en finale contre le Canadien, suivies de celle contre Boston. Après ses quatre premières saisons à St Louis, le directeur général du Canadien, Sam Pollock, a vu en lui l’homme tout désigné pour remplacer Al MacNeil que le capitaine Henri Richard avait vertement critiqué durant les séries de 1971. Brûlé dans l’opinion publique montréalaise, MacNeil avait été « promu » directeur général de la filiale à Halifax malgré la coupe qu’il venait de remporter.

Pollock avait le nez fin, mais il n’aurait jamais pu imaginer que sa décision contribuerait à créer une légende. En 30 ans de coaching, Bowman a dirigé 2 141 parties, compilé 1 244 victoires et remporté neuf coupes Stanley, des marques qui ne seront probablement jamais abaissées. De surcroît, au fil du temps, il a exercé un tel impact sur certains de ses joueurs que près d’une trentaine d’entre eux sont devenus entraîneurs à leur tour.

Dans la présente finale, la lutte est plus égale puisque le talent est nettement mieux partagé. Derrière le banc, il n’y a ni Bowman ni Harry Sinden, lui-même une légende à Boston. Les deux finalistes sont de jeunes entraîneurs modernes et en plein contrôle de leurs effectifs, Craig Bérubé et Bruce Cassidy.

Les deux gardiens des Blues, qui étaient en fin de carrière il y a 49 ans, sont remplacés par un jeune loup de 25 ans dont personne ne connaissait l’existence il y  a quelques mois, Jordan Bennington. Alex Pietrangelo, Jay Bouwmeester et Colton Parayko, pour ne mentionner que ces trois-là, ne souffrent d’aucune comparaison avec les frères Plager, Picard et Talbot qui avaient du millage dans le corps.

Les Bruins sont au goût du jour dans le hockey d’aujourd’hui. Ils ont un formidable leader en Patrice Bergeron, un joueur combatif et super talentueux en Brad Marchand et des attaquants représentant des menaces constantes en David Pastrnak et David Krejci, de même qu’un quatrième trio qui ferait le bonheur de toutes les organisations. La défense est supérieure, mais moins costaude que celle des Blues, mais ils ont un gagnant potentiel du trophée Conn Smythe dans les buts.

Si le premier match est une indication assez juste de ce qui nous attend, on aura droit à une finale très relevée, contrairement à celle qui a marqué l’histoire en 1970 en bonne partie grâce au but gagnant légendaire de Bobby Orr qui a tapissé les écrans de télévision et tous les journaux d’Amérique ces derniers temps.

Pendant ce temps à Philadelphie

Quand le nouvel entraîneur des Flyers de Philadelphie, Alain Vigneault, a offert le rôle d’adjoint à son vieux pote Michel Therrien, l’actuel vice-président des opérations de la filiale des Mariners du Maine, Daniel Brière, est sans doute tombé à la renverse.

Brière a tenu des propos percutants sur les façons de faire de Therrien dans le livre Mister playoffs écrit en collaboration avec le journaliste Martin Leclerc. Selon ses dires, Therrien a été injustement sévère, parfois même cruel, envers lui pendant son bref séjour avec le Canadien. Il raconte des anecdotes qui ne sont pas à l’avantage de l’ancien coach.

Brière étant devenu un membre de l’exécutif des Flyers, ces deux-là sont appelés à se revoir. Il y a une chose dont on peut être certain, cependant. Longtemps après le départ de Therrien, Brière restera un membre des Flyers qui l’ont en haute estime. Ne lui reste plus qu’à cohabiter avec son ancien tortionnaire durant quelques saisons.