Il ne faudrait pas s'imaginer que Patrick Roy n'avait pas d'ambition précise en tête quand il a quitté l'Avalanche en laissant sur la table une enveloppe contenant quelques millions de dollars américains qui, après avoir été convertis en devises canadiennes, lui auraient probablement rapporté un million additionnel.

Dans une carrière aussi parfaitement réussie que la sienne, qui lui a rapporté une petite fortune, il est parfaitement capable de prendre des décisions sans tenir compte de l'aspect monétaire que représente un changement  comme celui qu'il vient de faire. Roy a toujours fait les choses à sa manière. Ce n'est sûrement pas à 50 ans qu'il va changer.

Il est parti parce qu'il n'aimait pas ce qu'il voyait au sein de son ancienne organisation et parce qu'il ne se sentait plus aussi respecté à l'heure des décisions. Des changements ont été apportés sans même qu'il soit consulté. Comme entraîneur, il croyait savoir quel genre d'équipe pouvait lui permettre de gagner. Or, l'Avalanche, avec ses éléments actuels, avait besoin d'une mise au point, selon lui. À commencer par l'acquisition d'un solide attaquant qu'il avait déjà dirigé avec succès et dont il se croyait capable de contrôler les ardeurs, Alexander Radulov.

Or, on lui a probablement fait comprendre, de la façon la plus diplomate possible, qu'il était responsable du vestiaire, pas de la masse salariale. Dans ce cas bien précis, l'Avalanche ne pouvait absolument pas se permettre un coup de barre majeur. Marc Bergevin avait six millions $ à offrir à Radulov. Joe Sakic ne les avait pas.

C'était une situation très particulière que celle de Roy. Combien d'entraîneurs vont quitter leur emploi s'ils n'obtiennent pas ce qu'ils désirent? Il n'y a sans doute que lui pour agir ainsi.

Ce qui signifie que la prochaine fois qu'il voudra être le seul maître à bord, il faudra que ce soit dans un rôle de directeur général. Au cours des derniers mois, une réalité l'a frappé. Même si on lui avait accordé une très grande marge de manoeuvre à l'occasion de son embauche et même s'il faisait équipe avec un ami, Joe Sakic, en qui il avait parfaitement confiance, un entraîneur ne peut pas tout contrôler. C'est impossible. Il y aura toujours un décideur au-dessus de lui. À Toronto, Mike Babcock est probablement l'unique entraîneur à jouir d'un tel pouvoir. Et là encore, il y a sans doute des moments où Babcock doit prendre le temps de s'asseoir et de discuter avec les hauts dirigeants des Maple Leafs quand il a des exigences démesurées.

À Québec, la semaine dernière, Roy a fait allusion à mots à peine voilés à son ambition de devenir directeur général quand l'occasion se présentera. Bien sûr, il a joué un peu avec la vérité quand il a mentionné qu'il lui était actuellement impossible d'explorer le marché parce qu'il est encore lié à l'Avalanche par une entente d'un an. C'est effectivement le cas pour un rôle d'entraîneur, mais s'il se voyait offrir une responsabilité supérieure, croyez-vous vraiment que Sakic et toute l'organisation de l'Avalanche, à qui Roy a rendu de précieux services comme joueur et entraîneur, lui refuseraient sa libération?

Il y pense depuis longtemps

J'observais Roy durant son point de presse au cours du match qui opposait l'Europe contre l'Amérique du Nord et j'avais le goût de lui dire: Dis-leur donc, Patrick, que cela fait partie de ton plan de carrière depuis longtemps.

Je recule aussi loin qu'en 1999. Je prenais le petit déjeuner avec lui dans le restaurant de l'hôtel, à Detroit, quand il a été question de ce que l'avenir avait en réserve pour lui. Il avait encore énormément de temps pour y penser. En fait, depuis cette conversation, il a eu le temps de disputer quatre autres saisons de plus de 60 matchs devant le filet de l'Avalanche, de diriger les Remparts de Québec durant huit ans et l'Avalanche durant trois saisons.

Il y a 17 ans, donc, il se disait prêt à faire ses classes le temps qu'il faudrait pour atteindre ses objectifs. Il hésitait à révéler ses ambitions véritables et la façon qu'il espérait s'y prendre pour y arriver. Il savait qu'il allait d'abord devoir se familiariser avec le métier d'entraîneur. Pour le reste, ses plans semblaient vagues. Au fil de la conversation, il avait fini par reconnaître que le poste de directeur général était une option qui allait peut-être s'offrir à lui dans quelques années.

Où ça, lui avais-je demandé. Au Colorado? À Montréal?

Il ne croyait pas dans le temps que son ami Pierre Lacroix, qui avait déjà un directeur général en François Giguère, allait lui offrir le poste. Dans l'intervalle, Lacroix s'est retiré. Dans le cas de Montréal, il s'était contenté de dire: Peut-être, sur un ton plutôt évasif.

Compte tenu de tout ce qui s'est passé depuis ce temps, il serait très étonnant que cela survienne au Colorado et à Montréal. Marc Bergevin, qui l'a rencontré au moment de choisir son premier entraîneur, l'a fait pour la forme et pour éviter qu'on lui reproche de l'avoir ignoré dans son processus d'embauche. Il n'est jamais passé à une seconde près de lui accorder sa chance. On peut le comprendre, un directeur général recrue n'a surtout pas besoin d'avoir à ses côtés un homme impulsif qui pourrait difficilement résister à la tentation de lui dire comment les choses devraient se passer.

À la suite de son étonnante démission au Colorado, il faudra un propriétaire d'équipe qui n'a vraiment peur de rien pour lui confier l'entière responsabilité de son organisation. Et à moins que l'ancien gardien sache des choses que tout le monde ignore, on n'est pas près de le revoir dans le hockey.

Sa seule option sûre pourrait provenir de Québec si jamais la ville finissait par accueillir une équipe. Mais ça aussi, ce n'est pas pour demain.

Roy va aller jouer au golf et s'offrir du bon temps durant quelques mois, mais son plaisir à l'extérieur des patinoires ne durera pas. En janvier ou en février, le hockey lui manquera terriblement. Il lui faudra trouver un job dans le hockey. Qui sait, peut-être le reverra-t-on au niveau junior en attendant qu'une porte plus intéressante s'ouvre devant lui.