Martin Brodeur a toujours eu beaucoup de fierté et d'ambition. On n'atteint pas les plus hautes sphères de son sport sans se fixer des objectifs très élevés. Sans avoir judicieusement planifié la carrière de ses rêves.

Il s'est accroché à cette carrière plus longtemps que nous l'aurions tous souhaité. Toutefois, qui sommes-nous pour adresser des reproches à celui qui s'est payé l'un des plus glorieux parcours parmi tous ceux qui ont porté les grosses jambières à travers le monde?

Il a toujours mené les choses à sa manière et cela lui a magnifiquement réussi. La décision qu'il a prise le regarde. Ce que nous aurions souhaité pour lui, c'est autre chose. Nous aurions tous aimé le voir se retirer en pleine gloire, comme le membre du Panthéon du hockey qu'il est officieusement déjà. Pour le grand soir, il faudra attendre en 2018, première année de son éligibilité.

Les Devils n'ont pas une formation pour accéder aux séries cette saison. Dans les circonstances, Lamoriello aurait pu lui permettre d'essayer d'atteindre son objectif au sein d'une organisation à laquelle il a tout donné. En négociant plusieurs ententes salariales sans l'aide d'un agent, Brodeur a volontairement accepté moins d'argent (on parle de plusieurs millions de dollars) pour s'assurer de rester un Devil à vie. Le grand patron des Devils, qui prend de plus en plus des décisions difficiles à comprendre, a préféré ne pas tenir compte de la grande générosité d'un gardien qui lui a également procuré trois coupes Stanley.

Ceux qui le connaissent plus intimement savent qu'il y a une autre raison derrière cette fin de carrière qui s'est étirée inutilement. À 42 ans, Brodeur s'amusait encore dans son sport. Son corps a été beaucoup hypothéqué au cours des 21 dernières années, mais le coeur de l'athlète est toujours resté jeune. Si le hasard lui avait permis de remporter une autre coupe Stanley ce printemps, les voisins de la résidence familiale, à Saint-Léonard, l'auraient vu jouer encore dans la rue avec ses meilleurs amis, la coupe Stanley dans le gazon, l'été prochain. Le multimillionnaire du quartier n'aurait été rien d'autre qu'un gamin toujours aussi fou de son sport.

C'est fini les coupes Stanley, les saisons de 40 victoires, les records améliorés et tout le reste. Brodeur s'en va se faire la main en vue d'un éventuel rôle de directeur général. Et qui sait si, ce jour-là, diplômé de l'école des Blues, il n'ira pas prendre place dans le fauteuil de Lamoriello qui semble avoir fait son temps et qui n'a plus rien du « Godfather » redoutable d'il y a 20 ans.