Il existe deux écoles de pensée : la nouvelle, qui croit ardemment aux statistiques avancées et à l’existence d’un lien entre les chiffres relatifs à la possession de rondelle et les succès. Puis, il y a l’ancienne école de pensée. Une chose demeure cependant évidente nonobstant ce débat : les équipes connaissant des succès annuels dans les séries de la coupe Stanley n’y parviendraient pas sans miser sur le talent, la rapidité et le gabarit requis pour y arriver.

Mais ces clubs peuvent-ils figurer parmi l’élite avec ces trois qualités sans nécessairement mettre l’accent sur l’importance de la possession de la rondelle?

Examinons le parcours de certains des meilleurs entraîneurs actuels dans la LNH afin de démontrer le lien de corrélation existant entre les succès obtenus en éliminatoires et la possession de rondelle. Afin de réaliser cette analyse, je me suis fié à des données comptabilisées par Fenwick.

L’idée fondamentale derrière Fenwick (ou tout autre forme de statistique relative à la possession de rondelle) est qu’une équipe doit avoir la rondelle sur sa lame de bâton fréquemment afin de tirer vers le filet. Ainsi, plus il y a de lancers décochés, et moins il y a de lancers concédés à l’équipe adverse,  meilleures sont les chances pour un joueur ou une équipe de contrôler le match.

Fenwick représente en fait la somme des tirs décochés par une équipe (qu’ils soient ciblés ou non). Le ratio Fenwick en pourcentage calcule la différence entre les tirs décochés par les deux formations impliquées. Essentiellement, une équipe s’est montrée en contrôle du jeu si son ratio Fenwick est supérieur à 50 %.

J’ai limité mon analyse aux résultats compilés à égalité numérique, puisqu’il n’est pas très pertinent de calculer la possesssion de la rondelle en situation d’attaque massive ou d’infériorité numérique. Ce serait plutôt injuste de faire diminuer le ratio Fenwick d’un joueur évolue à court d’un homme, sachant fort bien que les probabilités d’être en possession sont affaiblies par le contexte.

Le premier graphique fait état des résultats obtenus pour chacun des 28 entraîneurs présentement à l’embauche dans le circuit Bettman, et ce, depuis la saison 2005-2006. À noter qu’Anaheim et Calgary n’ont pas d’instructeur au moment d’écrire ces lignes. J’ai identifié tous les entraîneurs gagnants d’une coupe Stanley en vert, et surligné Michel Therrien en rouge.

Le présent groupe d’entraîneurs a remporté un total de 11 coupes Stanley, et 7 de ces 11 championnats ont été l’œuvre des quatre instructeurs démontrant le plus haut ratio de possession de rondelle, soit Darryl Sutter, Mike Babcock, Joel Quenneville et Ken Hitchcock. Si les Blues de St Louis devaient enlever les grands honneurs, Hitchcock ajouterait à ce total.

J’aimerais amener le concept des « départs selon la zone » à mon analyse afin de mettre en contexte les statistiques obtenues par Therrien. Pensez aux trois zones dans lesquelles les mises en jeu sont effectuées (offensive, défensive et neutre).

Même si ce n’est pas une règle absolue, les entraîneurs envoient plus souvent qu’autrement leurs joueurs aux qualités offensives pour les mises en jeu en territoire adverse, et vice versa pour les mises en jeu en zone défensive. La possession de la rondelle devient donc une donnée à deux variables lorsque l’on combine les départs en zone offensive au ratio Fenwick.

Un pourcentage plus bas de départs en zone offensive jumelé à un haut ratio Fenwick indique qu’une équipe est apte à prendre possession du disque en territoire défensif et d’amener celui-ci en zone ennemie. Incidemment, les équipes ayant peu de succès en possession sont souvent celles qui ont un ratio Fenwick plus bas et un plus haut pourcentage de départs en zone offensive.

Afin d’illustrer mon point, j’ai bâti ce graphique montrant les résultats de la cohorte actuelle d’instructeurs dans la LNH. Les données utilisées remontent à la saison 2005-2006 pour tous les entraîneurs. Toutefois, afin de simplifier les choses, j’ai associé le résultat de chaque entraîneur avec le logo de l’équipe qu’il dirige actuellement. Par exemple, pour voir les statistiques de Babcock, il faut retrouver le logo des Maple Leafs de Toronto.

Les entraîneurs se trouvant sur la droite du tableau ont de meilleurs résultats en possession de rondelle que ceux sur la gauche. Le pourcentage de départs en zone offensive permet de distinguer les instructeurs possédant un ratio Fenwick semblable.

C’est donc dire que les entraîneurs au-dessus de la ligne tendent à connaître des ennuis en possession, même en étant avantagés par les départs en territoire offensif. Ceux se trouvant sous la ligne possèdent de meilleurs chiffres en possession, en dépit de leur pourcentage moyen de départ en zone offensive.

Michel Therrien constitue un bon exemple. Ses résultats en carrière pour la possession ressemblent à ceux de Willie Desjardins, des Canucks de Vancouver, son ratio Fenwick s’élevant à 48,5 %. On peut déduire que Therrien réussit à en soutirer plus de ses joueurs étant donné que les clubs qu’il dirige débutent le jeu dans leur propre zone plus fréquemment que Desjardins. Cette observation pourrait indiquer que s’il prenait plus de mises en jeu en territoire ennemi, le Tricolore pourrait montrer un meilleur ratio Fenwick.

Les entraîneurs tels que Desjardins, donc qui se retrouvent le plus loin au-dessus de la ligne, doivent être les plus inquiétants pour leur état-major. Je suis persuadé que Jeff Blashill maintient la confiance de ses patrons après une seule saison dans la LNH, mais selon la « nouvelle mentalité », Desjardins et Patrick Roy seraient parmi ceux dont la sécurité d’emploi est en jeu.

Par ailleurs, certains observateurs pourraient remettre en question l’embauche de Guy Boucher à Ottawa, tenant compte de son historique peu reluisant en possession  avec le Lightning de Tampa Bay. À sa défense, sa performance n’est pas si faible lorsqu’on y ajoute le facteur des départs en zone offensive, qui n’est pas à son avantage.

Tandis que les Ducks et les Flames poursuivent leurs recherches afin de dénicher un remplaçant à Bruce Boudreau et Bob Hartley –  et que certains autres coachs pourraient obtenir une mauvaise nouvelle de leur employeur advenant un mauvais départ en 2016-17 –,  il s’avère intéressant de se pencher sur les résultats en termes de possession de rondelle des anciens entraîneurs de la LNH ayant dirigé au moins 82 matchs depuis la dernière décennie.

En raison de contraintes d’espace, je n’ai pas pu identifier chacun des entraîneurs présents sur le tableau, mais j’ai mis les noms les plus reconnaissables au haut et au bas du graphique, ainsi que des candidats plausibles à un retour derrière le banc d’un club de la LNH.

Croiriez-vous que Mike Keenan possède le plus haut ratio Fenwick depuis 2005-06 parmi les instructeurs n’ayant plus de travail dans le circuit? C’est pourtant le cas! Il vient tout juste devant Bryan Murray… Qui a dit que la possession de la rondelle était une idée réservée à la nouvelle génération?

Parmi les instructeurs possédant un historique intéressant en possession, notons l’adjoint des Kings de Los Angeles Davis Payne, l’ancien entraîneur des Penguins de Pittsburgh Mike Johnston, l’adjoint chez les Ducks Trent Yawney, et deux anciens des Sénateurs d’Ottawa, Cory Clouston et Paul MacLean.

En portant une attention particulière sur les départs en zone offensive, on constate que Payne et Yawney ressortent du lot, d’autant plus qu’ils œuvrent présentement au sein d’organisation qui mettent l’accent sur la nouvelle mentalité.

Bien que leur ratio Fenwick ne soit pas aussi élevé, les chiffres sont tout de même encourageants pour Peter Horachek, Glen Gulutzan et John Stevens. Bien plus que Mike Yeo, Marc Crawford et Dave Cameron, par exemple.

Le récent congédiement de Bob Hartley m’a amené à me questionner sur la possibilité de voir Randy Carlyle devenir l’entraîneur des Flames en raison de sa connexion avec Brian Burke. Une étude approfondie m’a permis de constater que Carlyle et Hartley affichent un ratio Fenwick très similaire en carrière. Toutefois, les récents résultats compilés par Carlyle sont moins bons que son homologue, et ce, en dépit d’une plus haute moyenne de départs en zone offensive.

Il est fort probable qu’on verra sous peu la direction que prendront ces organisations afin de combler les postes vacants. Bien évidemment, il n’est pas hors de question qu’elles se tournent vers des instructeurs sans expérience dans la LNH. Mais s’ils empruntent cette avenue et qu’ils veulent améliorer leurs chances de connaître du succès en séries, il leur faudra évaluer l’historique en possession de rondelle de chaque candidat comme je viens de le faire. Et s’ils omettent de le faire, peut-être est-il temps pour la haute direction de ces équipes de retourner à l’école… la nouvelle école!