VICTORIA – Une petite surprise attendait l’observateur averti lors du premier jour du Championnat du monde de hockey junior. Sur la feuille de match rendue par l’entraîneur américain Mike Hastings en prévision du duel contre la Slovaquie, le nom de Ryan Poehling apparaissait à la droite de Josh Norris sur un trio complété par Jason Robertson.

Poehling est un joueur de centre naturel. C’est la position à laquelle il évolue depuis trois saisons à l’Université St. Cloud State et celle à laquelle le Canadien, l’équipe qui l’a repêché en première ronde en 2017, prévoit le développer.

En tant que vétéran de 19 ans avec la sélection américaine, un joueur qui en est à sa deuxième participation au Mondial junior, Poehling aurait pu se renfrogner à l’idée d’être déplacé dans un rôle qui ne le met pas à son avantage. Regardez, par exemple, comment Filip Zadina a réagi au changement cette année chez les Tchèques.

Ce n’est pas ce qui s’est passé. Hastings a demandé à Poehling de sauter et ce dernier, au lieu de rouspéter, a répondu : « à quelle hauteur? »

« Je ne m’attendais pas à ça en arrivant ici, a admis le principal intéressé, mais j’ai eu une discussion avec le coach et il m’a expliqué pourquoi il croyait que c’était la chose à faire. Pour moi, ça ne fait aucune différence. Ça nécessite de légers ajustements en défensive, mais sinon ça ne change pas grand-chose. »

« Une chose qu’on remarque vite chez lui, c’est son ouverture d’esprit. Il est prêt à faire n’importe quoi pour aider l’équipe. C’est un jeune homme très altruiste », apprécie l’entraîneur.

Poehling n’a montré aucun signe de confusion contre les Slovaques, son seul défaut étant de voir les nombreuses chances de marquer provoquées par son unité arriver à court de l’objectif. Et quand Jack Hughes s’est blessé et a été déclaré indisponible pour le match suivant contre le Kazakhstan, Hastings a revu sa stratégie et a replacé Poehling dans sa ligne de centre.

Jumelé à Oliver Wahlstrom et Logan Cockerill, le numéro 11 des Américains a connu un autre fort match. Dès sa première présence, il a remporté une mise en jeu en zone offensive qui a mené à un but instantané de Wahlstrom. Il a aussi marqué un but de toute beauté en désavantage numérique et a terminé cette rencontre à sens unique avec trois points.

Coup de chance? Pas vraiment. Le lendemain, contre la Suède, Poehling a joué une troisième période sensationnelle. Avec son équipe accusant un retard de quatre buts, il a récolté une passe avant de marquer trois fois en un peu plus de six minutes. Avec un match à jouer en ronde préliminaire, le natif du Minnesota partageait le premier rang du classement des pointeurs du tournoi.

« Dans un tournoi comme celui-là, on ne se fixe pas vraiment d’objectifs personnels, croit Poehling. C’est une affaire d’équipe. Je suis seulement ici pour trois semaines et je ferai ce qu’on me demandera de faire pour aider. Il faut laisser son égo à la porte et se contenter de jouer au hockey. »

Pas de lettre, mais une présence

Poehling est l’un des cinq joueurs de l’équipe qui ont vécu la conquête de la médaille de bronze de 2018. Il fallait s’attendre à ce que sa feuille de route lui confère une place de choix dans le groupe de leaders des États-Unis cette année. Toutefois, quand le choix du capitaine et des assistants a été annoncé, son nom n’apparaissait nulle part.

Pour seconder le capitaine Mikey Anderson, Hastings et ses adjoints ont plutôt désigné Quinn Hugues et Josh Norris.

« Il ne porte pas de "A" parce qu’on ne peut pas en donner cinq, mais il fait définitivement partie de notre groupe de leaders, rectifie Hastings. Je suis resté en contact avec lui durant tout l’été. Il ne pouvait prendre part à nos activités en raison d’une condition médicale, mais il s’est quand même déplacé à Kamloops pour notre camp estival. S’il était avec nous à ce moment, c’est parce qu’il est l’un de nos grands leaders. J’ai beaucoup de respect pour ce jeune homme. »

Quant à Poehling, il a beau avoir vieilli d’un an, il affirme ne sentir aucune différence entre la place qu’il occupait à 18 ans et celle qu’il prend cette année.

« Le leadership, c’est une caractéristique qui est ancrée dans un individu. Tu l’as ou tu ne l’as pas, c’est naturel. Personnellement, je crois que je l’ai dans mes gènes. »

Moins de buts

Poehling avait prôné la patience cet été à sa deuxième présence au camp de développement du Canadien, affirmant en toute honnêteté ne pas se sentir prêt pour la Ligue nationale.

« Je crois que j’ai immensément progressé depuis, estime-t-il aujourd’hui. Mais j’en ai encore plus à donner. Je n’ai pas connu le meilleur été cette année avec ma tonsillectomie et si je veux prendre un vrai pas vers l’avant, l’été prochain sera très important. On verra ce qui va se passer. »

Statistiquement, l’espoir du CH est en voie de connaître sa meilleure saison dans la NCAA. Il produit à un rythme d’un point par match, mais ses 17 points ne sont rien pour écrire à sa mère pour un joueur de troisième année. Et il n’a marqué que trois buts jusqu’ici après en avoir réussi 14 la saison dernière.

« Je me suis toujours considéré comme un fabricant de jeux de toute façon, relativisait-il avant le match contre la Suède. Le reste va venir, je ne m’en fais pas trop. J’ai des chances, mais ça ne rentre pas. L’important pour moi, c’est de bien gérer la situation et c’est ce que j’ai l’impression de faire. Et puis de toute façon, le hockey universitaire en général est souvent ponctué de hauts et de bas. Rien ne dit que je ne partirai pas sur une lancée en deuxième moitié de saison. »

On pourrait dire qu’il a profité du Mondial junior pour prendre un peu d’avance.