OSTRAVA, République tchèque – Jordan Harris est entouré de voyageurs aguerris dans le vestiaire de l’équipe américaine au Mondial junior 2020.

 

Chelyabinsk, Russie. Umea, Suède. Bratislava, Slovaquie. Lillehammer, Norvège. Dawson Creek, Canada. Ce sont tous des endroits où ses coéquipiers du moment ont fait flotter le drapeau étoilé au cours de leurs années formatrices.

 

Harris, lui, se souvient d’un lointain tournoi en Suède au début de l’adolescence. Il a aussi visité l’Irlande le mois dernier avec son équipe de l’Université Northeastern. Mais les pages de son passeport ne sont pas aussi colorées que celles de Cole Caufield, Cam York ou Spencer Knight, tout simplement parce qu’il n’avait jamais, jusqu’à tout récemment, été convoqué pour jouer avec eux.

 

Le Championnat du monde des moins de 18 ans, la Coupe Hlinka Gretzky, le Défi mondial des moins de 17 ans : Harris a été invité au camp de sélection de plusieurs de ces compétitions qui ont jalonné le parcours des meilleurs hockeyeurs de son âge, chaque fois pour se faire dire qu’on lui préférait quelqu’un d’autre. Il a aussi essayé, avant son entrée à Northeastern, d’intégrer le programme de développement américain, mais sans plus de succès.

 

Sa participation au Championnat du monde de hockey junior, cette semaine à Ostrava, n’est donc pas banale. Ce choix de troisième ronde du Canadien en 2018 est le seul joueur, parmi les 23 dirigés par l’entraîneur Scott Sandelin, qui représente son pays pour la toute première fois.

 

Et imaginez le baptême : un match contre le Canada, devant une foule majoritairement hostile, le lendemain de Noël.

 

« Vers le milieu du match, je me souviens d’avoir levé les yeux, d’avoir vu tous ces drapeaux canadiens dans les gradins et d’avoir réalisé que j’étais moi-même impliqué dans une situation que j’avais vue si souvent à la télévision quand j’étais plus jeune. C’est là que ça m’a vraiment frappé », racontait Harris lorsque rencontré dans les coulisses du Ostravar Aréna au lendemain de son initiation.

 

Harris a appris qu’il était sur le radar de la sélection U20 des États-Unis en juillet dernier, quelques semaines après son passage au camp de développement du Canadien. Ses performances au camp d’évaluation estival lui ont procuré le sentiment du devoir accompli, mais ses expériences précédentes lui avaient appris à ne pas trop s’emporter. Conscient qu’on continuerait de l’épier durant tout l’automne, le défenseur de 19 ans s’est présenté gonflé à bloc pour sa deuxième saison universitaire.

 

Sa motivation s’est traduite en résultats. Harris a récolté un point dans chacun de ses cinq premiers matchs de la saison, se permettant même un but sur un tir de punition. Au moment de quitter le campus, à la mi-décembre, il avait déjà égalé sa production offensive totale de la saison précédente.

 

« Tout est assurément plus facile à ma deuxième année. Je crois sincèrement que les statistiques offensives, c’est un bonus qu’on touche quand on fait toutes les petites choses correctement. L’ensemble de mon jeu a pris beaucoup de galon depuis l’année dernière. J’ai mis beaucoup d’efforts pour en arriver là pendant l’été et je suis bien heureux du résultat. »

 

Jumelé au capitaine Mattias Samuelsson, l’un des membres de l’équipe médaillée d’argent en 2019 à Vancouver, Harris a été le deuxième défenseur le moins utilisé par Sandelin lors des deux premiers matchs des États-Unis en ronde préliminaire. Contre l’Allemagne, vendredi, il a marqué le premier but des siens dans une victoire de 6-3.

 

« Harry est un joueur très intelligent, a complimenté Samuelsson avant le début du tournoi. Il patine bien, il lit bien le jeu et dans notre zone, je peux toujours me fier sur lui pour être au bon endroit. On forme une paire depuis les premiers jours du camp et j’ai vraiment du plaisir à jouer avec lui. »

 

De bons mots pour Struble, un œil sur Primeau

 

À Northeastern, Harris a rapidement dû gagner en maturité cette année avec le départ de plusieurs vétérans, dont le Québécois Jérémy Davies. Principalement confiné à des missions défensives alors qu’il était une verte recrue au sein de l’équipe championne de l’Association Hockey East de la NCAA, le défenseur gaucher a notamment été muté sur la première unité d’avantage numérique par l’entraîneur Jim Madigan.

 

« Je n’en suis qu’à ma deuxième année, mais parce qu’on a dû intégrer tellement de jeunes joueurs, j’essaye de prendre plus de responsabilités au niveau du leadership. On est toutefois chanceux que les nouveaux se soient fondus au programme avec beaucoup de facilité. »

 

L’un de ces nouveaux est une autre trouvaille du Canadien. Sélectionné au deuxième tour du repêchage de la LNH en juin dernier, l’arrière de 18 ans Jayden Struble a compilé cinq points à ses 14 premiers matchs universitaires.

 

« Il a été très bon pour nous, estime Harris. Il obtient beaucoup de temps de glace en raison de nos ressources limités. Tout le monde peut voir son potentiel et on voit déjà que ça commence à cliquer pour lui. L’écart est grand entre les écoles préparatoires et la NCAA et il est très jeune, mais il a une bonne tête sur les épaules et a pu constater une amélioration dans son jeu dans la première moitié de saison. »

 

Les Huskies ont aussi dû mettre leur destin entre les mains d’un gardien sorti d’un peu nulle part en Craig Pantano. La raison : le passage prématuré de Cayden Primeau chez les pros.

 

« Honnêtement, je ne suis pas surpris de le voir gravir les échelons aussi rapidement, s’enflamme Harris au sujet de son ancien coéquipier. On continue tous de suivre sa carrière attentivement à Northeastern. On ne tenait plus en place quand on a su qu’il allait jouer son premier match dans la LNH. Je suis resté en contact avec lui, on s’envoie des textos de temps en temps. C’est excitant, ce qui lui arrive, et on est tous très fiers de lui. »