VANCOUVER – Christian Wohlwend était devenu une vedette instantanée l’année dernière lorsqu’avaient commencé à circuler les images d’une entrevue dans laquelle il déclarait le plus candidement du monde que son équipe n’avait pas une traître chance de battre le Canada en quart de finale du Championnat du monde de hockey junior.

 

L’entraîneur suisse avait affirmé que l’équipe canadienne était meilleure que la sienne dans toutes les facettes du jeu et que c’est exactement ce qu’il avait l’intention de dire à ses joueurs dans son discours d’avant-match. Sa sortie s’était avérée prophétique : ses négligés s’étaient inclinés sans trop résister par un pointage de 8-2.

 

Les deux équipes se retrouvaient jeudi pour leur deuxième match de la ronde préliminaire. Avec 11:45 à faire en troisième période, Wohlwend a demandé un temps d’arrêt et a réuni ses joueurs au banc. Le Canada menait 3-1.

 

« Je leur ai dit : ‘Merde les gars, qu’est-ce que vous voulez de plus?’ Il y a 18 000 spectateurs dans la place et nous avons une chance, le genre de chance qui risque de passer une seule fois dans une vie, d’accomplir quelque chose d’inoubliable et de battre le Canada. »

 

Et avec cette petite anecdote, l’exubérant pilote était reparti pour un autre cri du cœur, cette fois rempli de fierté.

 

« Le jour où nos joueurs joueront sur des petites patinoires à partir de l’âge de 6 ans, on battra probablement le Canada. Ça serait alors une autre paire de manches. [Les Canadiens] jouent toujours sur ce genre de surfaces, c’est un gros avantage! Nos joueurs ont deux semaines, même pas, pour s’adapter. Quelques-uns ont pris un peu d’expérience dans les ligues juniors ici, mais pour les autres, ça fait toute une différence. »

 

« Tout le monde a fait ses choux gras avec l’entrevue que j’ai donnée l’année dernière. Peut-être que c’est la nature humaine, mais je crois que vous avez entendu ce que vous vouliez bien entendre. Le vrai message, c’était que c’est tout à fait normal que le Canada soit si bon au hockey quand ils ont 400 000 joueurs juniors comparativement à 60 000 chez nous. Avec une telle proportion, j’espère bien qu’ils nous battront à chaque fois qu’on les affrontera! »

 

« La LNH offre un cadre compétitif beaucoup plus juste. Pour toutes les équipes, il y a un repêchage, un plafond salarial. Dans ces conditions, les entraîneurs et les DG doivent se défoncer pour gagner. Mais dans un tournoi comme celui-ci? Quand un pays pourrait faire 30 équipes aussi fortes que la nôtre? On entend souvent parler de la pression qui repose sur le Canada, mais ce n’est pas ce que j’appelle de la pression. En Suisse, on parlerait d’une situation très confortable. »

 

L’exil, la solution

 

L’équipe que Wohlwend a dirigée jeudi comptait six joueurs qui évoluent dans la Ligue canadienne de hockey. L’attaquant Philipp Kurashev, l’auteur des deux buts qui ont chauffé le Canada, et le défenseur Nico Gross sont les deux seuls qui ont été repêchés par une équipe de la Ligue nationale.

 

Wohlwend croit que pour les jeunes suisses qui veulent atteindre la LNH, l’exil est presque inévitable.

 

« Il y a des exceptions, comme Roman Josi. Si vous pouvez obtenir beaucoup de temps de jeu et de grandes responsabilités dans notre meilleure ligue, c’est possible d’y arriver. Mais pour les attaquants, c’est une voie qui est particulièrement difficile. »

 

Wohlwend argue que la perte de temps et d’espace occasionnée par la dimension des patinoires nord-américaines et le style robuste pratiqué de ce côté de l’Atlantique sont des facteurs plus difficiles à assimiler pour un joueur d’avant.

 

« Dans le passé, il y avait beaucoup plus de défenseurs suisses que d’attaquants qui se rendaient dans la LNH, mais c’est en train de changer. Il y a eu les [Timo] Meier, [Sven] Andrighetto, [Kevin] Fiala, [Nino] Niederreiter… Ça s’en vient. »

 

En attendant que la sélection U20 de la Suisse puisse réunir quelques attaquants de ce calibre dans une même mouture, Wohlwend en sera probablement réduit à la même conclusion que celle qu’il a tirée après la défaite honorable de ses gars jeudi.

 

« Il faut maintenant attendre notre prochaine chance. »​