La saison 2016-2017 de la KHL s’est terminée de manière prévisible. Le SKA de Saint-Pétersbourg a remporté la coupe Gagarine en cinq joutes. Les médias sportifs russes ont fait beaucoup d’efforts pour créer un suspense, mais personne n’y a réellement cru. L’espoir de voir le Metallurg jouer un tour aux favoris s’est rapidement dissipé après le troisième match de la série.

Soyons francs, Magnitogorsk n’a pas été déclassé. Le club de l’Oural a offert une belle résistance. Lors du premier match de la série, le 8 avril dernier, le SKA a dû mettre les bouchers doubles pour vaincre le Metallurg par la marque de 5 à 4. Lors de son deuxième match à domicile, ce même Metallurg a réussi à arracher une victoire de 3 à 1 aux troupes d'Ilya Kovalchuk. Le but de Tommi Santala, dans un filet désert, a donné espoirs à bien des partisans.

La série s’est donc poursuivie à Saint-Pétersbourg avec un compte égal de 1 à 1. L’an dernier, le Metallurg a réussi à coup de plusieurs petits miracles à faire mentir les spécialistes pour remporter la deuxième coupe Gagarine de son histoire. Le club de Magnitogorsk a une attaque redoutable et ses joueurs de premier plan ont la réputation d’avoir du caractère. À ce stade de la série, les analystes ont presque convaincu le public qu’on aurait droit à une surprise.

La série a toutefois repris son état de sens unique. Lors du troisième match, le pauvre gardien du Metallurg, Vasili Koshechkin, a fait face à 47 lancers et n’a accordé que deux buts. Cela n’a pas empêché le SKA de remporter le match au compte de 2 à 1 lors de la deuxième période de prolongation. Evgeny Dadonov est l’auteur du but en question.

Jusqu’au quatrième match, la série s’est tenue loin des controverses. Les choses ont toutefois dégénéré le 14 avril dernier. La question de l’arbitrage est devenue centrale dans les discussions sur l’avenir de la ligue. Lors du premier match, tous en ont pris pour leur rhume du côté des expulsions. À la grande surprise du public, l’intouchable Ilya Kovalchuk s’est fait montrer la porte de sortie après un coup à la tête asséné à Jan Kovar.

Lors du quatrième match, le débat public s’est enflammé par rapport à une pénalité cruciale donnée à Denis Zaripov. La vedette du Metallurg a été chassée pour deux minutes lors du dernier tiers pour obstruction. Une décision plutôt étrange lorsqu’on regarde la vidéo suivante.

Il est facile de comprendre la colère de l’entraîneur du Metallurg, Ilya Vorobyov. Zaripov, guère enchanté de recevoir une pénalité, n’a même pas effleuré son adversaire. La ligue et les experts en arbitrage ont bien essayé de vendre la chose comme une bonne décision, mais cela n’a convaincu personne. Cette décision a même été désapprouvée, sur Twitter, par un des vice-premiers ministres de Russie, Arkadi Dvorkovich.

Sans surprise, le SKA de Saint-Pétersbourg en a profité pour prendre les devants par la marque de 3 à 2. Le but a été marqué par le défenseur Dinar Khafizullin. Là aussi, les critiques envers les arbitres ont été acerbes. La rondelle a été récupérée après que Vasili Koshechkin ait reçu la rondelle sur son masque.

À la défense des officiels, cette fois-ci ils ont vu juste. Koshechkin a peut-être été sonné par le disque, mais le gardien de but n’est pas en situation de danger sur le jeu et il n’y a pas de bris d’équipement. Malheureusement, dans le contexte de cette série, la confiance a été rompue entre les arbitres et le public.

Dans les deux dernières années, la qualité de l’arbitrage s’est dégradée dans le circuit. La consanguinité des directions est aussi une source de théories du complot. À la tête du SKA, on trouve les mêmes visages que dans la direction de la ligue. Beaucoup de partisans accusent les arbitres de la KHL d’avoir un penchant favorable envers « le club des boss ».

La victoire du SKA a aussi été ternie par une découverte très étrange. Un micro a été caché dans le bureau des entraîneurs visiteurs. L’histoire a été rapportée par Sport Express.

La KHL a bien promis de faire une enquête par rapport à cette histoire, mais personne ne semble y croire. Les directions des clubs sont restées plutôt silencieuses. La finale s’est donc terminée dans un esprit de suspicion. Lors du cinquième match, à Magnitogrosk, les partisans ont crié « honte » aux officiels lors du match remporté au compte de 5 à 3 par les visiteurs.

L’opinion du public local n’a toutefois pas eu d’impact sur la joie des gagnants. Kovalchuk et Datsyuk ont reçu la coupe Gagarine des mains du président de la KHL, Dmitri Chernichenko et son prédécesseur, Alexander Medvedev. Après les célébrations d’usage sur la glace, la fête s’est déplacée dans le vestiaire des joueurs.

Lors de la remise du trophée, Datsyuk est venu sur la glace habillé en civil. L’ancienne vedette des Red Wings de Detroit a subi une blessure lors de la ronde précédente et il n’a pas joué un match de la finale. Il n’est pas le seul à être resté sur la galerie de la presse. Slava Voynov s’est aussi retrouvé à l’infirmerie. Le SKA a donc dominé une puissance de la ligue malgré l’absence d’éléments très importants au sein de sa formation.

Cela a rouvert le débat par rapport à la parité dans la KHL. À Saint-Pétersbourg, les vedettes transfèrent massivement sans aucun réel contrôle. Le SKA n’est pas le seul à utiliser outrancièrement son pouvoir d’achat. L’Armée rouge, moins chanceuse cette année, fait aussi du groupe des privilégiés. Cette situation mène inexorablement à des séries éliminatoires prévisibles et elle crée beaucoup de frustration chez les partisans.

L’avenir de la KHL?

Après la finale, Dmitri Chernichenko a accordé une courte entrevue aux médias. Le président de la KHL a réitéré que la ligue veut toujours s’étendre en Europe et en Asie. Les clubs russes incapables de répondre aux exigences de la ligue seront remplacés par d’autres organisations plus solides. À ses dires, plusieurs groupes cherchent à rejoindre le circuit eurasien.

Malheureusement, nous sommes en droit de nous questionner par rapport à l’impact de cette finale. Le mois passé, le Jokerit de Helsinki a signé un contrat de cinq ans avec la KHL. Le club continuera donc à jouer dans le circuit eurasien jusqu’en 2022. C’est un grand coup pour Dmitri Chernichenko et son équipe. Les problèmes du circuit commencent toutefois à user beaucoup de partisans finlandais. Lors de la première ronde, les journaux d’Helsinki ont surenchéri à savoir si le Jokerit aura la permission de remporter un match lors de la série contre l’Armée rouge. Balayé, le club a vu ses partisans quitter très rapidement l’aréna dès la fin du match.

Lors des deux dernières saisons, des décisions bizarres des arbitres ont laissé des séquelles dans l’esprit des amateurs de hockey finlandais. Lors de la demi-finale de 2015, profitant d’une supériorité numérique de cinq minutes en fin de match, l’Armée rouge a marqué à deux occasions pour remporter le premier match dans une cause perdue. Tout cela à cause d’une pénalité imaginaire pour coup à la tête. Le type d’histoire que les amateurs ne pardonnent jamais.

Le discours de la KHL n’aide pas à dissiper les doutes. Lors du dernier forum mondial du hockey, la conférence de Dmitri Chernichenko était plutôt ambigüe. La présentation faite à propos des « clubs étrangers dans la KHL » ne fut pas très rassurante. Le président de la ligue a expliqué que la KHL travaille comme un circuit international, mais que la Russie y défend aussi ses propres intérêts…

L’utilisation du terme « étranger » pour les clubs non russes n’aide pas la cause. Dans les médias russes, certains « Don Cherry » russes s’efforcent quotidiennement à faire comprendre aux autres pays qu’ils ne sont pas réellement les bienvenus dans la ligue. Ce type de termes ne fait qu’amener plus d’eau à leur moulin et cela alimente les théories du complot en Europe.

Si la KHL veut réellement se donner les moyens de ses ambitions, elle aura besoin de se montrer plus transparente et de faire preuve de moins de nationalisme. Aucun nouveau pays n’y entrera s’il croit y être destiné à la figuration. Grâce à son nouveau monopole olympique, la Ligue continentale de hockey a peut-être la chance de réaliser ses rêves les plus fous. Cela dit, tout cela est voué à l’échec si la direction russe fait preuve du même chauvinisme que les Américains à la tête de la LNH.