Pierre Dorion a eu plusieurs occasions de congédier Guy Boucher au fil des derniers mois. Au fil des deux dernières saisons.

Et vous savez quoi? Le directeur général des Sénateurs aurait pu défiler un tas de motifs valables pour justifier cette décision... s’il l’avait prise. Ce qu’il peut difficilement faire aujourd’hui, maintenant qu’il est passé de la réflexion aux actes.

 

À moins, bien sûr, que Boucher lui ait piqué une crise et qu’il se soit vidé le cœur en guise de représailles à tout ce que son patron lui a fait subir en échangeant les six meilleurs marqueurs de la saison dernière... sans vraiment les remplacer.

 

Remarquez qu’on pourrait comprendre Boucher d’avoir « sauté sa coche ». D’ailleurs, si mon boss m’avait fait endurer ce que Pierre Dorion et le propriétaire Eugene Melnyk ont fait endurer à Guy Boucher, je crois que j’aurais pris mes cliques et mes claques en claquant la porte.

 

Surtout qu’au salaire qu’il faisait à titre d’entraîneur-chef des Sens, Boucher représentait une aubaine. Combien encaissait-il au fait? Le montant fluctue selon les sources d’informations. Le plancher dépasse à peine les 500 000 $. Le plafond : sous le million $. Mettons qu’il se situe quelque part entre les deux, ça demeure le salaire le plus bas de tous les coachs de la LNH. Et par un bout!

 

Quand on y pense, peut-être que Boucher aurait pu partir de lui-même. Remarquez que son contrat – comme celui de tout l’état-major – arrivait à échéance. À l’image de Matt Duchene et Mark Stone, Boucher n’avait pas l’intention d’en signer un autre avec les Sens.

 

On le saura peut-être un jour.

 

Plusieurs motifs de congédiement

 

Bien que les réactions soient très négatives à l’endroit des Sénateurs dans la foulée du septième congédiement d’un entraîneur-chef cette saison, les premiers motifs de congédiement de Guy Boucher remontent à l’an dernier.

 

Après avoir atteint une finale d’association que son équipe a poussée à l’extrême limite avant de s’incliner en deuxième période de prolongation du septième match aux mains des Penguins de Pittsburgh, Guy Boucher a amorcé la saison dernière avec huit victoires lors des 16 premiers matchs. Mieux encore, il n’avait encaissé que trois revers en temps réglementaire (8-3-5) au cours de cette séquence.

 

Boucher et son équipe semblaient alors en voie de confirmer que leur flirte avec la finale de la coupe Stanley quelques mois plus tôt n’était pas seulement le fruit du hasard... ou d’un alignement favorable des astres.

 

Après cet excellent début de saison, les « Sens » ont piqué du nez signant une victoire, une seule, en 13 matchs (1-10-2). Cette glissade s’est poursuivie jusqu’à la toute fin du calendrier comme le confirment les 46 revers lors des 66 dernières rencontres (20-40-6). Dont 10 défaites lors des 12 derniers matchs.

 

C’est là que Dorion devait congédier Boucher.

 

Surtout qu’il brûlait d’envie de le faire. Rappelez-vous: le directeur général critiquait ouvertement et depuis des semaines, voire des mois, la philosophie de son coach selon laquelle les congés étaient non seulement nécessaires dans la LNH d’aujourd’hui, mais qu’ils représentaient une arme secrète.

 

Dorion ne voyait pas la situation du même œil. De fait, la seule chose qui sautait aux yeux du directeur général des Sénateurs était le fait que son équipe ne pratiquait pas assez. Un point c’est tout.

 

Un tel conflit de philosophies associé à la dégringolade de l’équipe qui était plus près de la dernière place au classement général que d’un retour en finale d’Association aurait d’ailleurs parfaitement justifié un congédiement.

 

Dorion ne l’a pas fait.

 

Il avait pourtant des options:

 

Congédié par les Rangers de New York, Alain Vigneault était disponible. Les riches BlueShirts étaient même prêts à éponger une partie de son salaire afin d’éviter à la payer pour jouer au golf en Floride où il a passé l’hiver.

 

Bob Hartley aurait très bien pu venir mettre de l’ordre chez les Sens lui aussi.

 

Sans oublier Benoît Groulx, un excellent coach qui a fait la pluie et le beau temps dans les rangs juniors et qui supervisent le développement des espoirs de la meilleure organisation de la LNH: le Lightning de Tampa Bay.

 

De fait, Benoit Groulx serait déjà, tout de suite, bien meilleur pour remettre de l’ordre sur la patinoire et démêler des structures hockey compliquées que Guy Boucher imposait à ses joueurs, que Marc Crawford à qui Dorion a offert – ou imposé – l’intérim.

 

J’ajoute un nom: celui de Luke Richardson qui dans un passé récent était dans la famille des Sens, famille qu’il a quittée pour celle du Canadien avec qui il fait un job exceptionnel avec un groupe de défenseurs qu’il rend meilleur. Richardson sera un jour entraîneur-chef dans la LNH. Et il aurait été un naturel pour les Sénateurs. Mais bon. Les deux camps se sont séparés.

 

À deux points du Canadien en décembre

 

Boucher a offert des motifs de congédiement à son coach encore cette année.

 

Malgré le départ de Derick Brassard, premier gros morceau des Sens à avoir quitté le navire à la date limite des transactions l’an dernier, malgré le départ de Mike Hoffman quelques jours avant le repêchage et aussi, et surtout, malgré l’échange qui a envoyé Erik Karlsson aux Sharks de San Jose le 13 septembre, les Sénateurs ont très bien entrepris la saison.

 

Le 2 décembre, forts d’une fiche de 12-12-3 ils étaient d’ailleurs à deux points d’une place en séries. Oui! Oui! À deux petits points du Canadien et de la deuxième des deux places réservées aux équipes repêchées.

 

Les Sénateurs allaient très bien à ce moment.

 

Malgré la première vague de transactions, malgré l’absence de Jean-Gabriel Pageau qui était blessé et en dépit de « UBER Gate » qui a miné la crédibilité déjà fragile des Sens lorsque les meilleurs éléments de l’équipe ont été filmés – à leur insu oui, mais dans un endroit public – en train de se moquer de l’entraîneur adjoint Martin Raymond et des philosophies de coaching du groupe d’entraîneurs.

 

À l’image de la saison 17-18, la saison qui venait de bien commencer a viré du tout au tout. Depuis le 2 décembre, les Sens n’ont gagné que 10 fois. Ils ont perdu 27 fois, dont 25 en temps réglementaire.

 

Cette glissade n’est pas seulement attribuable à Guy Boucher et ses adjoints. Ça non! Surtout que le climat malsain qui a pavé la voie aux ventes de feu qui ont chassé Matt Duchene, Ryan Dzingel et Mark Stone d’Ottawa, est loin d’avoir aidé la cause d’un coach dont les jours étaient comptés à la barre de l’équipe.

 

Mais Boucher a souvent été critiqué par ses joueurs actuels et aussi par ceux qui ont évolué sous ses ordres en raison de ses plans de match compliqués et de ses manières qui tombaient rapidement sur les nerfs des troupes. D’ailleurs, regardez le parcours de Boucher. Il a toujours eu du succès dès sa première saison avec ses équipes dans la LNH. Ils se sont étiolés rapidement ensuite. Ses gardiens ont connu des saisons sensationnelles autant à son arrivée à Tampa qu’à son arrivée à Ottawa. Mais ça, c’est le propre de tous les coachs qui ont du succès, d’avoir des gardiens qui connaissent de grosses saisons.

 

Cela dit, les méthodes de Boucher étaient les mêmes l’an dernier que celles qu’ils dictaient cette saison.

 

Et c’est ça qui rend difficile la compréhension de la logique – il doit bien y en avoir une même si je ne la vois pas – qui a mené au congédiement de Boucher. Car sur le plan hockey, les motifs de le congédier à la fin de la dernière saison étaient bien meilleurs que ceux qui sont avancés aujourd’hui.

 

Autre facteur qui complique la compréhension du moment choisi par Pierre Dorion : le calendrier. Quand un directeur général procède à un changement d’entraîneur, il tente d’offrir au niveau des circonstances gagnantes. Ou moins perdantes si vous préférez.

 

Qu’est-ce qui attend les Sens au cours des prochains matchs? Des duels à Tampa, en Floride et à Long Island. Ils reviendront ensuite à la maison le temps d’un match... contre les Islanders. Ils reprendront la route pour aller à Boston et Philadelphie avant de venir se reposer à Ottawa contre St Louis et Toronto. Rien que ça! Suivra ensuite une tournée dans l’Ouest canadien.

 

Méchant cadeau pour Crawford.

 

Les décisions difficiles à comprendre et très faciles à contester sont légion depuis quelques années chez les Sénateurs. Que ce soit au niveau hockey ou au niveau des affaires alors que le propriétaire Eugene Melnyk n’est rien de plus qu’une girouette qui se déplace selon la direction des vents plutôt que de donner le cap et prendre les moyens pour le maintenir.

 

Ce congédiement dont le moment est très mal choisi s’ajoute tout simplement à la longue liste des facéties qui déparent le visage de cette organisation. Et sa crédibilité bien sûr. Pour le peu qui lui en reste. S’il en reste...