OTTAWA – C’est comme regarder de la peinture sécher au mur ou voir ses parents faire l’amour. Nul doute, les Sénateurs d’Ottawa doivent composer avec des critiques sévères de certains chroniqueurs et partisans par rapport à leur style de jeu.

Pourtant, les matchs de la formation de Guy Boucher n’ont pas tous été ennuyants. Au contraire, ils ont remporté des victoires de 6-5 et 5-4 contre les Rangers de New York en plus de deux triomphes de 4-3 en prolongation aux dépens des Bruins de Boston.

Cela dit, les Sens déploient un système prudent qui finit parfois par limiter l’imagination en attaque. De plus, ils n’ont pas l’intention de s’aventurer dans un combat ouvert – à la Arturo Gatti - face aux puissants Penguins de Pittsburgh qui seront privés, mercredi soir, du défenseur Justin Schultz et de l’attaquant Bryan Rust qui ont subi des blessures durant le dernier match. Trevor Daley devrait cependant renouer avec l’action et Mark Streit devrait être intégré à la formation, lui qui n’a pas joué depuis le 9 avril.

Durant cette deuxième partie, les Sens ont connu un creux d’une vingtaine de minutes à partir de la fin de la deuxième période. Ce passage à vide a laissé croire que les Sens se contenteront d’une telle approche en attendant des occasions parfaites pour venir à bout des Penguins.

Mais ce n’est pas l’intention de l’organisation de la capitale fédérale. En fait, les Sénateurs désirent retrouver leur aplomb tout en respectant leur identité, celle qui leur a permis d’accéder au carré d’as et de remporter le premier duel à Pittsburgh.

« On a trouvé une façon de gagner un match sans compter une tonne de buts. Ce fut comme ça pendant toute la saison, on joue un style serré. On va continuer dans le même sens, c’est pour ça qu’on est rendus ici donc je ne vois pas pourquoi ça changerait. D’un autre côté, c’est vrai qu’on aimerait créer un peu plus d’attaque et provoquer plus de confusion dans leur zone. Il faudra jouer avec un peu plus de sentiment d’urgence », a décrit Jean-Gabriel Pageau qui sera à l’honneur sur les serviettes blanches remises aux spectateurs du Centre Canadian Tire.

En visionnant les vidéos du revers de 1-0 à Pittsburgh, Boucher a confirmé ce qu’il croyait avoir vu de sa position derrière le banc.

« On leur a donné la rondelle dans nos sorties de zone. On aurait pu mieux gérer ça, on ne peut pas seulement se débarrasser de la rondelle. Il ne faut pas leur redonner la rondelle, c’est courir après le trouble !

« Dans la zone offensive, on s’est contenté de rester en périphérie, ça n’a jamais été une bonne façon de jouer contre n’importe quel adversaire. Il faut payer un peu plus le prix », a proposé l’entraîneur.

Derick Brassard, un des piliers offensifs du club, a jeté un regard intéressant sur la situation. Il a reconnu que ce n’est pas toujours évident de devoir se conformer au système en place, mais les joueurs s’y investissent à fond puisque les résultats sont au rendez-vous.

« Le dernier match était frustrant un peu. Si tu joues dans ce système et que tu n’as pas de succès, ce serait plus facile à critiquer. Mais on a du succès et il faut que tu mettes ton égo de côté. On l’a fait cette année et ça explique notre succès.

« Les joueurs ont eu un peu moins de production, mais je n’échangerais jamais une présence en finale d’association pour avoir de meilleures statistiques personnelles », a admis Brassard qui s’attend à un réveil des ressources offensives de la formation.

Brassard n’a pu s’empêcher de sourire quand on lui a rapporté les « images fortes » pour comparer le style de sa troupe.

« En autant qu’on a du succès, ça ne nous dérange pas vraiment ce que les gens disent. On est ici avec trois autres équipes pour essayer de remporter la coupe Stanley. Peu importe l’opinion des autres, on est là et on a une bonne équipe. On va essayer de donner un meilleur show », a réagi le centre de 29 ans.

Le sacrifice à faire est donc bien là, mais il s’avère nécessaire selon les dirigeants des Sénateurs. Ceux-ci veulent à tout prix limiter les surnombres dévastateurs de leurs adversaires.  

« On prend moins de chances, ça c’est sûr. On ne veut pas donner de surnombres à l’autre équipe parce que c’est leur force. On va laisser un peu plus d’attaque sur la table, mais il suffit de trouver une façon comme on l’a fait toute la saison. Bien sûr, ça aiderait d’avoir plus de temps de possession parce qu’on ne peut pas se retrouver souvent en avantage numérique étant donné qu’on n’a pas souvent la rondelle », a détaillé Brassard qui a amassé trois buts et six aides en 14 matchs éliminatoires ce printemps.  

L’occasion de profiter d’une défense amochée ?

En regardant le portrait de l’extérieur, on pourrait croire que les Sénateurs disposent d’un contexte idéal pour attaquer la brigade défensive des Penguins qui est amochée.

Déjà privée de Kristopher Letang, cette unité devra se débrouiller sans Justin Schultz pour la troisième partie de la série. Heureusement pour elle, Trevor Daley serait prêt à renouer avec l’action.

Malgré tout, aux yeux de Boucher, ce serait une erreur de se lancer dans cette aventure risquée.

« La vérité, c’est que notre échec-avant n’a jamais changé. On a été meilleurs dans certains matchs parce que les joueurs étaient plus vifs et plus alertes. Mais je ne pense pas qu’on doit aborder leur brigade défensive d’une manière différente que celle des Bruins ou des Rangers. Tous les joueurs qui sont sur la glace à cette période de l’année sont aptes à bien jouer. Même quand des joueurs sont considérés moindres, ils sont tous capables de bien se débrouiller et de te faire mal. Je ne pense pas qu’on a un avantage à les voir amoindris », a rétorqué Boucher qui a préféré jouer de prudence.

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Par contre, Clarke MacArthur – qui est un intervenant fort intéressant – voudrait voir sa formation profiter de ce contexte. Il considère que ce ne sera pas suffisant de seulement se défendre contre cet opposant.

« Je ne pense pas que ce sera assez. Bien sûr, tu veux bien protéger ta zone, mais il faut imposer plus de pression sur leurs défenseurs. Leur brigade est amochée, les meilleurs éléments sont absents. C’est là qu’il faut mettre l’accent, il faut en profiter en échec-avant. Si leurs autres joueurs sont capables de réussir les jeux, tant mieux pour eux, mais sinon on doit en profiter », a noté MacArthur entouré d’une poignée de journalistes.

Le capitaine Erik Karlsson a évoqué un autre élément pour expliquer le ralentissement survenu dans la deuxième partie.

« L’année a été longue, il faut composer avec la fatigue et la dureté du mental sera un facteur déterminant. Évidemment, quand tu as un peu plus la rondelle et que tu passes plus de temps dans leur zone, tout devient un peu plus facile », a indiqué la pièce maîtresse des Sens.

Le retour à domicile arrive donc à point pour les hommes de Boucher. Ce dernier a d’ailleurs pris la peine de mentionner que son équipe compte, en moyenne, plus de trois buts par match devant ses partisans depuis le début des séries.  

« Ce sera excitant, on va savourer le tout. Je pense qu’on a été confortables à domicile tout au long de l’année. On veut qu’ils apprécient le moment avec nous », a exprimé Karlsson qui demeure à la recherche d’un premier point face à Pittsburgh.

En ce qui concerne la composition de sa formation, Boucher a déclaré que Viktor Stalberg pourrait reprendre sa place, mais une décision sera prise après la période d’échauffement.

Boucher a également pris quelques secondes, d’entrée de jeu, pour préciser qu’il s’agissait d’une belle journée puisque les traitements de Jonathan Pitre fonctionnent bien. Cette nouvelle au sujet de ce jeune lié de près aux Sénateurs pourrait devenir un autre élément de motivation.