Malgré ses 66 millions d’âmes, la France a très peu de hockeyeurs dans les ligues majeures. Aux États-Unis, Antoine Roussel, des Stars de Dallas, et Pierre-Édouard Bellemare, des Flyers de Philadelphie, sont les seuls représentants de l’Hexagone dans la LNH. Ce n’est même pas assez de joueurs pour former un premier trio au sein de l’équipe nationale.

Les deux Français peuvent toutefois compter sur un compatriote de la KHL. Stéphane Da Costa termine actuellement sa deuxième saison avec le Club de l’Armée rouge (CSKA). Fils d’une Polonaise et petit-fils d’immigrants portugais, Stéphane est devenu hockeyeur sous l’influence de ses grands frères.

« Je viens de Dammarie-les-Lys. C’est à une trentaine de minutes de Paris. Nous habitions à 100 mètres de la patinoire locale. Mes frères ont certainement voulu jouer au hockey après s’y être aventurés à quelques reprises et j’ai décidé de faire comme eux. Je ne vois pas d’autres raisons. Le hockey n’était pas populaire dans notre ville et mes parents n’ont jamais pratiqué ce sport. Mon père était handballeur et ma mère faisait de la natation. »

Gabriel et Teddy Da Costa ont respectivement six et quatre ans de plus que Stéphane. Les trois frères ont débuté au sein de l’école du Lys Hockey Club. Teddy et Stéphane ont terminé leur hockey mineur avec les Jets de Viry, situé à 30 minutes de chez eux. Dans la région parisienne, être un amateur de hockey est bien différent qu’au Québec.

« À Viry, je jouais avec les moins de 18 ans dès ma quinzième année. Mes frères et moi, nous avons toujours dû jouer avec les plus vieux. En Île-de-France, il n’y avait pas vraiment de ligue de haut niveau. Voir du hockey professionnel en direct, c’était un évènement en soi. On regardait la LNH tard le soir. J’aimais les Tchèques et les Russes qu’on y trouvait. Notre préféré demeurait toutefois Philippe Bozon, même s’il jouait en Europe à cette époque. »

Stéphane a à nouveau dû déménager, à l’été 2005, pour progresser. À Amiens, il peut jouer dans le programme de sports-études. À 16 ans, il est toutefois trop fort pour le programme local. Il récolte 23 points en neuf joutes chez les moins de 18 ans. Au sein de l’équipe de France, il amasse neuf points en cinq matchs dans la division 1 des Championnats mondiaux des moins de 18 ans. Ses exploits attireront l’attention d’un éclaireur américain.

Traverser l’Atlantique

Da Costa arrive au Texas à l’automne 2006. Un poste l’attend au sein du Tornado de la NAHL. Le jeune Français avoue avoir été dépaysé.

« Je ne parlais pas un mot d’anglais lorsque je suis arrivé. Ma famille d’accueil m’a toutefois beaucoup aidé. La mère était canadienne-française. J’ai donc pu apprendre la langue grâce à eux. Lorsque j’ai transféré dans la USHL, à Sioux City, ça allait déjà beaucoup mieux. Le Collège Merrimack, du Massachusetts, m’a rapidement invité pour la NCAA. Ça m’a toutefois pris deux ans pour réussir les tests d’admission. J’ai fini par étudier dans le programme de français. »

Dès ses débuts, Stéphane impressionne. À son deuxième match dans la NCAA, le Français marque cinq buts. Les clubs de la LNH s’intéressent rapidement à lui.

« Après ce match, 17 clubs sont venus me voir. En fin de saison, le nombre avait monté à 25. J’ai été approché par le Canadien de Montréal, mais l’équipe était forte. J’avais peur de ne pas avoir de place. Dave Tallon, des Panthers, est venu me voir quelques fois sur le campus. J’ai aussi été invité dans le vestiaire des Blackhawks pour rencontrer Cristobal Huet. J’ai choisi Ottawa, à cause du bilinguisme de la ville et du fait que les Sénateurs étaient en reconstruction. »

Les bleus

À deux pas d’être le troisième Français à jouer dans la LNH, Stéphane est déjà une vedette dans le hockey de l’Hexagone. Malgré son jeune âge, 19 ans, l’équipe nationale lui ouvre ses portes en mai 2009.

« Lorsque j’ai commencé avec l’équipe nationale senior, je ne connaissais presque personne. La majorité des joueurs étaient nés au début des années 80. Notre groupe s’est beaucoup rajeuni depuis. Nous sommes tous dans la vingtaine. Les gars de la LNH et moi, nous y jouons un rôle de cadre. Cristobal Huet est toujours avec nous. Pour l’équipe, il est un symbole de réussite et un exemple à suivre pour nous. Nous formons un bon collectif et c’est ce pour quoi nous avons de bons résultats. »

Stéphane est fier de défendre les couleurs de son pays. Il est aussi heureux de réaliser un vieux rêve d’enfance, puisque depuis 2011, son frère Teddy l’a rejoint au sein de l’équipe de France.

« J’ai toujours rêvé de jouer avec mes frères. Grâce à l’équipe nationale, je peux enfin partager la glace avec l’un d’entre eux. C’est aussi le seul moment de l’année où je peux le voir. Il faut donc en profiter! »

Avec Stéphane Da Costa, les Bleus connaissent plus de succès que par le passé. La France a réussi quelques coups de maître en battant les Russes à Helsinki, en 2013, et le Canada à Minsk en 2014. Cette année-là, au Bélarus, Da Costa récolte neuf points pour la France. Les clubs de la KHL ont de l’intérêt pour le Français, car ils le savent insatisfait de son sort à Ottawa.

Cap sur la Russie

Stéphane jouera son premier match dans la LNH le 2 avril 2011. En quatre saisons, il participera à 47 joutes dans le circuit Bettman. Le Français est prolifique dans la Ligue américaine, mais il n’arrive pas à se tailler une place avec le grand club.

« Les entraîneurs me demandaient de mieux jouer défensivement et de plus m’impliquer physiquement. Je devais m’adapter au calendrier. Dans la NCAA, on joue 35 matchs par année. Avec les Sénateurs, on a eu 22 rencontres en 45 jours. J’étais brûlé. Dans la Ligue américaine, ça allait bien, mais j’avais toujours très hâte d’être rappelé. »

À la veille des Jeux de Sotchi, Da Costa a été rétrogradé dans la LAH par les Sénateurs. La direction lui a garanti de le rappeler en revenant de la pause olympique, mais les dirigeants n’ont pas tenu leur promesse.

« Ça m’a brisé le moral. Au printemps, le club ne m’a offert qu’un contrat à deux volets. Ils n’ont pas voulu m’échanger. Ça m’a poussé à retourner en Europe. Quelques clubs de la KHL m’avaient approché à Minsk. Je n’avais pas peur d’aller en Russie. Le mode de vie ressemble beaucoup à celui de la Pologne. J’ai donc rejoint l’Armée rouge. C’était l’option la plus intéressante. »

Aux côtés d’Alexander Radulov, Da Costa surprend le hockey russe lors de sa première saison. En 46 joutes, il marque 30 buts et il récolte 32 aides pour produire 62 points. Avec le CSKA, il est sacré champion de Russie en terminant premier lors de la saison régulière. Stéphane devient rapidement une vedette dans le circuit. Cette année, malgré une saison écourtée par les blessures, le Français s’est retrouvé au Match des étoiles. Il a aussi participé à la Classique hivernale.

« C’est un honneur de participer à ce type d’évènements. Je n’avais pas joué dans un Match des étoiles depuis la USHL! Le match extérieur, c’était vraiment plaisant. C’était plutôt commémoratif et on avait surtout pour but de s’amuser. Il neigeait toutefois beaucoup trop. On avait de la misère à bouger la rondelle! »

Malgré tous ces honneurs, le premier Français de l’histoire de la KHL n’est toujours pas satisfait. La Coupe Gagarine manque toujours à son palmarès et il est bien déterminé à la combler ce vide cette année. À quatre victoires d’accomplir cette mission, Stéphane Da Costa est gonflé à bloc.

« La Coupe Gagarine, c’est plus important que le Championnat de Russie. Rien ne remplace une victoire en séries éliminatoires. On n’a pas passé très loin de la gagner l’an dernier. Cette année, on est en finale et on ne veut pas rater notre chance. Ce serait très plaisant d’amener la coupe à Paris et de la présenter au public. Pour le faire, il faut la gagner et nous allons tout faire pour y arriver. »