L'expression est sortie de la bouche de Michel Therrien lors du tournoi de golf du Canadien, le 19 septembre dernier. Le nouvel entraîneur-chef disait se sentir comme « un lion dans une cage » devant l'impossibilité de débuter sa nouvelle vie professionnelle au moment prévu.

Et bien je vous dirais mes amis que l'expression colle parfaitement aux sentiments que ressentent les joueurs de la LNH rencontrés jeudi à Québec dans le cadre de la tournée mise sur pied par Bruno Gervais et Maxime Talbot. Il a suffi de bavarder sans formalité avec certains d'entre eux pour comprendre rapidement qu'ils auraient tous souhaité se retrouver sur la patinoire pour une « vraie » première partie de hockey, le 11 octobre étant supposé être le début du calendrier 2012-2013.

Manny Malhotra, qui fait partie du comité de négociation, disait hier que les joueurs sont des êtres accrochés à une routine professionnelle et qu'à pareille date, la routine dicte de commencer une longue et éreintante saison de hockey. Pas de discuter de sujets non-prioritaires autour d'une table, pendant cinq ou six heures. Il a utilisé le mot « frustration », un mot entendu aussi près des vestiaires du Colisée Pepsi avant la rencontre de la Tournée des joueurs. Frustration pour les Francis Bouillon et Roman Hamrlik de ce monde qui, dans la trentaine avancée, en sont peut-être à une dernière année de contrat. Frustration pour les Simon Gagné, Brian Gionta et Guillaume Latendresse de ce monde qui ne souhaitent que prouver le plus rapidement possible qu'ils ont retrouvé la santé. Frustration pour les Mathieu Darche de ce monde qui espèrent encore dénicher du travail.

Tous ceux qui ont assisté à la rencontre de Québec ou qui l'ont suivi à RDS ont été étonnés du calibre de jeu offert par la trentaine de joueurs sur place. C'était bien au-delà d'un match des étoiles, plutôt du genre d'un match inter-équipe lors des camps d'entraînement, mises en échec percutantes et bagarres en moins. Plusieurs ont admis que la glace du Colisée et les caméras de la télé ont stimulé davantage l'envie irrésistible de se vider sur la patinoire, en cette soirée où tout devait commencer pour vrai.

Aucun joueur ne voudra remettre publiquement en doute sa solidarité envers son association et sa conviction profonde d'avoir raison dans le différend avec la LNH. C'est tout-à-fait normal. Mais à mesure qu'on avancera en octobre et surtout si la Ligue annule une autre tranche du calendrier, la notion de « lion en cage » deviendra de plus en plus évidente chez plusieurs joueurs. Il sera alors intéressant de voir si des pôles de pression commenceront à pointer vers les dirigeants de l'AJLNH.

Même chose chez les proprios

Cela dit, je suis convaincu que les mêmes notions s'appliquent de l'autre côté de l'équation. Pensez-vous que Geoff Molson trouve amusant de reporter aux calendes grecques la relance du Canadien de Montréal? Croyez-vous que Bell et Rogers, qui viennent de se porter acquéreurs des Maple Leafs de Toronto, trouvent bien drôle l'idée de perdre à jamais des entrées de fonds importantes, sans parler de l'absence de contenu pour leurs différentes plate-formes de diffusion? Pouvez-vous imaginer comment se sent la famille Thomson, qui voit l'euphorie du retour des Jets à Winnipeg s'arrêter aussi brusquement? Et Mario et son groupe, à Pittsburgh, qui perdent le momentum extraordinaire provoqué par le nouvel amphithéâtre? Et les propriétaires des Flyers, des Rangers, des Canucks, Ted Leonsis à Washington, vous croyez qu'ils ne sont pas comme des « lions en cage » présentement ?

Bien sûr, là aussi, la position publique n'ira jamais à l'encontre du plan de match mené par Gary Bettman. D'ailleurs, il en coûterait très, très cher à quiconque s'y risquerait! Et à cette étape du processus, du reste, la plupart des propriétaires n'auraient aucune difficulté à prôner la nécessité de garder le cap!

Mais à plus long terme, il sera tout aussi intéressant de voir si une forme de pression s'installera auprès du Commissaire. Je sais pertinemment que seulement huit propriétaires sont suffisants pour donner à ce dernier les pouvoirs nécessaires pour mener les négociations. Mais en coulisses, croyez-vous sincèrement que ceux dont nous parlions précédemment ne peuvent avoir un mot important à dire, éventuellement?

C'est d'ailleurs peut-être ce qui dicte en partie l'entêtement de M. Fehr et Bettman présentement. Ils croient peut-être fermement que la partie adverse perdra éventuellement sa belle étanchéité et qu'elle deviendra alors plus vulnérable à la table des discussions.

Et les amateurs?

Alors là, mes amis, des « lions en cage », il y en a de plus en plus parmi les amateurs de hockey. Vous en êtes sûrement, d'ailleurs. Et je dirais que cette notion s'accompagne aussi de plus en plus de la dangereuse notion de « profond dégoût ». C'est bien beau parler de l'indifférence traditionnelle de certains marchés à cette époque de l'année, mais quand va-t-on enfin parler de la colère et de l'impatience des amateurs qui se trouvent dans les marchés qui fonctionnent très bien merci dès octobre?

Or, ce sont ces partisans essentiels à la santé de la LNH, les vrais amateurs « payants », que l'on commence à sérieusement irriter avec l'immobilisme actuel. Plusieurs en sont rendus à délaisser l'allégeance qu'ils avaient au début du conflit pour l'une ou l'autre des parties pour carrément commencer à fulminer contre les deux!

Mon collègue Renaud Lavoie m'a d'ailleurs aiguillé aujourd'hui vers un excellent texte du confrère Damian Cox dans le Toronto Star d'aujourd'hui, un texte qui va exactement dans le sens de ce dont nous parlons présentement. Les deux parties sont si engagées dans leur propre stratégie étroite qu'elles en viennent à compromettre la base même du magot qu'elles s'arrachent, c'est-à-dire l'intérêt de l'amateur de hockey pour la Ligue nationale de hockey!

Qui sait, peut-être assisterons-nous à un petit miracle au cours des prochains jours. Peut-être qu'on réalisera dans les bureaux de la LNH ou dans ceux de l'AJLNH que les lions les plus dangereux sont peut-être bien dans la troisième cage et qu'on devrait sérieusement s'en méfier si la porte finit par s'ouvrir… trop tard!