TURIN (AFP) - Lise Bissonnette, "grand témoin francophone" pour les JO de Turin-2006, estime que "le CIO reste une organisation où le français est encore vivant" et que "l'uniformité enlèverait quelque chose au mouvement olympique".

Le maintien du français est, selon elle, une question de moyens et de volonté. "Si vous ne demandez rien, les gens ne font rien", dit-elle en détaillant les résultats obtenus au Canada depuis les années 70 grâce aux moyens techniques mis en place.

Lise Bissonnette, ancienne journaliste québécoise et PDG de la bibliothèque et des archives nationales du Québec, désignée "grand témoin" pour les jeux Olympiques de Turin-2006 par le président de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) Abdou Diouf, aura passé la totalité de la durée des Jeux sur place à Turin et sur les sites de montagne.

Le canevas de ses conclusions sera révélé le 20 mars à l'occasion de la journée de la francophonie à Paris et elle doit rendre son rapport début mai.

Q: Quel accueil vous a fait le CIO?

R: "J'ai rencontré Jacques Rogge, des membres du CIO qui sont proches de la francophonie. Je connais aussi Dick Pound (Canadien, membre du CIO et président de l'Agence mondiale antidopage) personnellement, et professionnellement. Le CIO fonctionne encore de façon très bilingue. Dick Pound m'a même dit: +parfois je me plains des traductions anglaises de Lausanne+. Ca veut dire que le français est encore en usage au CIO. Tout ce qui est institutionnel et ce qui se passe à Lausanne se situe tout à fait dans un régime de bilinguisme."

Q: La contrainte doit-elle venir du CIO?

R: "A mon avis oui. Il me semble que quand on donne les JO a une ville, on doit maintenant être sérieux sur la question des langues officielles. Au Canada dans les années 70, c'était le début de l'information instantanée et des débats parlementaires télévisés en direct, la presse recevait les traductions de ces débats le lendemain. Ce décalage aujourd'hui au Canada serait inacceptable. Aujourd'hui la technologie permet d'avoir des traductions simultanées. Tous les moyens techniques peuvent être mis en place pour faire les traductions et tout donner en simultané. Auparavant c'était le bon vouloir de quelques uns. Il y a maintenant une volonté. Bien sûr, si vous ne demandez rien, les gens ne font rien."

Q: Comment faire pression?

R: "C'est l'OIF qui doit faire le lien avec le CIO. M. Diouf est en relation avec Jacques Rogge. Le CIO reste une des organisations où le français est encore vivant. Le fait qu'on parle encore français dans les organisations internationales est un véritable enjeu de diversité culturelle. J'observe les JO pour la première fois de ma vie. Il y a un esprit qui vient du mélange. Et je me dis que le jour où tout cela se ferait en anglais seulement, cette uniformité enlèverait quelque chose au mouvement olympique."

Q: Qu'apporte votre mission par rapport à celle d'Hervé Bourges sur les JO d'Athènes 2004?

R: "M. Bourges avait demandé dans son rapport que l'OIF procède plus en amont. Lui, avait été nommé deux semaines avant le début des Jeux. Moi, je suis venue en septembre, suis allée à Rome et à Turin rencontrer des responsables politiques et du TOROC (comité italien d'organisation). Ma mission a pu être mieux préparée. Je vais certainement faire un rapport très factuel: +voici comment les choses se présentent+. Il faudra aussi faire l'histoire du français langue olympique, ce que représente cette idée de langue fondatrice des jeux Olympiques modernes, et quelle a été l'évolution de son statut en plus d'un siècle. J'aimerais aussi faire le point sur ce qu'on demande réellement aux organisateurs des Jeux, aux villes hôtes, parce que c'est bien joli de dire +vous êtes responsables du respect de la charte+ mais que leur donne-t-on comme directive? Il faut savoir si dans le contrat de villes hôtes il existe des dispositions touchant le statut du français."

Q: Pékin respectera-t-elle la francophonie?

R: "J'ai rencontré ici à Turin des responsables de l'aménagement linguistique. Sur Pékin, il y a deux hypothèses: l'une que les Chinois vont vouloir tellement tout faire pour que ces Olympiques soient un succès et qu'on ne puisse rien leur reprocher qu'ils seront rigoureusement trilingues, la deuxième qu'ils n'ont ni la connaissance, ni le personnel nécessaire pour y arriver. L'immense organisation des Jeux d'été va demander pour le français des armées d'interprètes. Que le français soit présent au sein des bénévoles paraît difficile."