Quinze fois plus populeuse que son adversaire, la France se présentera sur la pelouse de Moscou pour une troisième finale de Coupe du monde en 20 ans ce dimanche. La logique et les chiffres penchent du côté des Bleus et placent encore une fois la Croatie dans le rôle de négligé.

 

Un scénario qui fera bien l’affaire des Croates et qui met la pression sur les épaules des Bleus.

 

Roger Bannister et le Mondial

 

Le 6 mai 1954, Roger Bannister est devenu le premier athlète à courir le mile sous la barre des 4 minutes. Depuis la fin du 19e siècle, cet accomplissement était considéré inatteignable. Pourtant, dans les douze mois suivants, quatre autres coureurs y sont aussi arrivés. Au-delà du temps de course, c’est la barrière psychologique que Bannister avait fracassée.

 

Les Croatie a fait la même chose en Russie. Elle a changé notre perception du possible. Avant la demi-finale contre l’Angleterre, la fatigue était son ennemi no.1. Depuis ce match, un troisième de suite à se rendre en prolongation, elle est devenue son alliée. La performance dans l’épuisement est maintenant une fierté croate. Si la rencontre reste serrée, plus les minutes passeront, plus ils seront portés par l’idée qu’ils ont un réservoir inépuisable. Pendant ce temps, les Français se demanderont comment vaincre un monstre à deux têtes.

 

Pour éviter de tomber dans cette bataille psychologique, les hommes de Didier Deschamps doivent se mettre à l’abri. Sans une avance de 2 buts, le doute (ou l’espoir) persistera toujours. Plus facile à dire qu’à faire, je sais.

 

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ?

 

Depuis le début du tournoi, Deschamps parle sans cesse de la marge de progression dont dispose son groupe. Avec raison. L’équipe qui a vaincu l’Argentine 4-3 en 8e de finale n’avait pas du tout le même visage que celle qui a battu l’Uruguay en quarts ou la Belgique dans le carré d’as. Les Bleus grandissent de match en match, mais une marge de progression ne vaut rien si on ne la comble pas.

 

Les Croates, en revanche, connaissent exactement les limites de leur potentiel. Ils les ont atteintes à chacune des rencontres de ronde éliminatoire. Revenue de l’arrière à tous les matchs depuis la phase de groupe, la troupe de Zlatko Dalic est aussi difficile à battre mentalement que physiquement.

 

Préférez-vous mettre votre argent sur une équipe en progression ou celle qui roule la pédale au fond depuis un moment déjà?

 

Dix ans après

 

Les trois derniers gardiens à s’être inclinés en finale de la Coupe du Monde étaient tous portiers de Monaco. Fabien Barthez avec la France en 2006, le Néerlandais Maarten Sketelenburg en 2010 et Sergio Romero pour l’Argentine il y a 4 ans. Des mauvaises nouvelles pour Danijel Subašić? Ce dernier espèrera briser cette séquence en rendant l’ultime hommage à un ex-coéquipier dont il fait vivre la mémoire sous son maillot depuis plus de 10 ans.

 

Le gardien croate a d’ailleurs été averti par la FIFA pour avoir affiché l’image de Hrvoje Custic après ses victoires aux tirs au but contre le Danemark et la Russie. Il y a fort à parier qu’il ignorera cet avertissement s’il remporte le match le plus important de sa vie.

 

Si tu le dis

 

Selon ses propres dires après la demi-finale, Dejan Lovren doit maintenant être considéré comme un des meilleurs défenseurs au monde. À vous de me dire s’il a raison ou non. Pour ma part, je crois que le joueur de Liverpool a cruellement manqué de jugement avec cette sortie. D’abord parce que Domagoj Vida a été tout aussi bon que lui pour contrer l’Angleterre de  Harry Kane et parce qu’il reste encore un match contre des adversaires qui ont le potentiel de tailler sa défense en morceaux.

 

Lovren s’est mis une pression évitable sur les épaules. Se souviendra-t-on de lui comme d’un grand à son poste ou d’un joueur qui a raté une belle occasion de se taire?

 

Dernier tour de piste

 

Largement mis à profit en phase de groupe, le VAR a disparu depuis la ronde éliminatoire. Les occasions d’y avoir recours n’étaient tout simplement pas au rendez-vous. Dans une Coupe du Monde qui nous a offert toutes sortes de revirements de situation, je ne serais pas surpris de voir la technologie se pointer le bout du nez pour un dernier tour de piste.

 

Jusqu’à maintenant, l’introduction de ce système est un succès. Il est imparfait et le restera toujours, mais les erreurs commises ont été réduites et c’était l’objectif visé.  Le vrai test viendra toutefois dimanche devant des centaines de millions de téléspectateurs.

 

C’est l’Argentin Nestor Pitana qui aura la mission d’arbitrer le 64e match du tournoi. Son expérience d’acteur dans une autre vie l’aidera peut-être à bien se servir des angles de caméra mis à sa disposition.