Il se dit et s’écrit beaucoup de choses en marge de cette Coupe du monde de soccer en Russie. Et ce n’est pas toujours gentil. Je ne suis pas un immense amateur de soccer, mais je dois avouer qu’il m’est difficile de décrocher de cette compétition réunissant certains des meilleurs joueurs de ballon rond au monde.
À la lecture des commentaires sur les différents médias sociaux, on réalise à quel point le soccer polarise les opinions. Pour faire très simple, il y a ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas. Alors que les premiers jouissent littéralement du spectacle et vénèrent leurs favoris comme de véritables dieux, les seconds n’en finissent plus d’étirer leurs litanies de reproches. Trop long, trop de simulations, pas assez de buts, etc.
Je n’ai pas l’intention de me mêler du débat, mais je vais tout de même apporter mon humble contribution à l’analyse de ce sport. Je laisse aux experts les discours tactiques pour me pencher vers un domaine que je connais mieux; la condition physique des joueurs.
De grands coureurs?
J’entends tellement d’affirmations variées, mais souvent erronées au sujet de la bonne forme des joueurs de soccer. « Ils courent pratiquement un marathon à chaque match. Pas pour rien que les rencontres soient espacées d’une semaine! »
D’autres sont plus prudents. « C’est une vingtaine de kilomètres qu’ils franchissent sur un terrain pendant un match de 90 minutes. »
Les détracteurs disent plutôt le contraire. « Les joueurs sont pratiquement toujours en train de marcher. Parfois, ils y vont d’une pointe de vitesse. Au maximum, un joueur fera un petit cinq kilomètres dans son match.»
Alors qu’en est-il exactement? Quelle distance moyenne court un joueur de soccer lors d’un match? Peut-on les considérer comme des athlètes en super forme?
Le GPS à la rescousse
Heureusement, il y a une manière infaillible de mettre un terme à ce débat en jetant un simple coup d’œil aux statistiques officielles des matchs sur le site de la FIFA. Avec les nouveaux systèmes alliant GPS et caméras de détections, tous les déplacements sur le terrain sont comptabilisés. On y retrouve les distances parcourues par chaque joueur lors de toutes les rencontres. Au-delà de la distance totale de déplacement du joueur lors d‘une partie, on y retrouve également le pourcentage de cette distance complétée alors qu‘il marchait (low activity), qu‘il trottait (medium activity) ou qu‘il courait (high activity). On peut aussi voir sa pointe de vitesse et le nombre de sprints effectués.
Des chiffres parfois étonnants qui nous révèlent que ce ne sont pas nécessairement les grandes vedettes qui se déplacent le plus. Peut-être est-ce un signe d’une lecture de jeu exceptionnelle où tout simplement un peu de triche sur l’effort.
Dans un autre match de huitième de finale, la star portugaise Ronaldo a parcouru 9,06 kilomètres en 98 minutes de jeu face à l’Uruguay. 77% de son temps fut à la marche où à l’arrêt. Son vis-à-vis, Luis Suarez, a terminé le match avec 800 mètres de moins au compteur, ce qui n’a pas empêché son équipe d’éliminer le Portugal.
Ce ne sont que des exemples. Il est vrai que ces attaquants vedettes ont un rôle bien défini à jouer, celui d’exploser au bon moment et de demeurer en embuscade en attendant l’occasion idéale. Les distances peuvent être plus importantes à d’autres positions. Même un gardien bouge beaucoup. Celui du Brésil, Alisson, a inscrit 4,57 kilomètres au compteur face au Mexique!
Une chose est cependant certaine, on est loin du demi-marathon! La moyenne de distance de déplacement d‘un joueur pendant un match tourne autour de 10 kilomètres maximum. Le pourcentage des efforts est sensiblement le même pour tous les joueurs, surtout ceux portés vers l‘attaque. En gros, 85% de leur distance parcourue est à bas régime, 7% à intensité moyenne et 8% à pleine capacité.
Des athlètes exceptionnels
Mon collègue expert et ancien joueur de soccer professionnel, Patrick Leduc, m’avait déjà expliqué que les joueurs de soccer étaient des athlètes dans une forme physique parfaite et que bien peu de gens seraient capables de les suivre à l‘entraînement ou pendant un match.
Il me confiait qu’une récupération rapide était primordiale au soccer. Un joueur ayant la possession du ballon doit avoir la lucidité de faire une bonne passe. Un joueur épuisé par un bel effort défensif ne pourra rien fournir en attaque par la suite.
Ainsi, tous les joueurs doivent avoir une bonne base aérobique, mais le plus important pour eux est de travailler les efforts répétés. Les préparateurs physiques tentent d‘intégrer tous ces efforts de course lors des entraînements.
N’empêche, me direz-vous, une dizaine de kilomètres par match, ce n‘est rien de si terrible. Je cours moi même cette distance cinq ou six fois par semaine. Pourquoi les joueurs ne pourraient-ils pas jouer régulièrement plus d‘un match par semaine?
Autre point à ne pas négliger. Les coups! Il y a beaucoup de collisions et de contacts au soccer. Rivaliser avec un joueur épaule contre épaule et courir avec lui pour le surveiller est exténuant.
En conclusion, je laisse aux amateurs de soccer le soin de juger de la qualité du spectacle de cette Coupe du monde. Mais une chose est certaine, tous les joueurs y prenant part sont des athlètes exceptionnels. Ils pourraient tous jogger un petit demi-marathon facilement. Lorsque vous regarderez un match de soccer et que vous verrez un joueur marcher, c’est qu’il attend le bon moment pour exploser. Le soccer, c’est beaucoup plus que de la course à pied!