Après avoir vécu stress et anxiété, comme citoyens de l'un des pays européens les plus durement touchés par la COVID-19 au cours de la dernière année, les Belges vivront peut-être l'allégresse en 2021. Ils pourraient en effet célébrer dans un mois, si les « Diables Rouges » sortent victorieux du Championnat d'Europe - un scénario plausible - et procurent à leurs supporters un premier triomphe lors de l'un des deux plus prestigieux rendez-vous du soccer international.

Dans le passé, la Belgique est venue près de réaliser pareil tour de force. Lors du match ultime de l'Euro en 1980, qui ne réunissait que huit équipes, les Belges avaient concédé le but décisif à la 88 minute lors d'un revers de 2-1 contre l'Allemagne.

Il y a trois ans, à la Coupe du monde présentée en Russie, les Belges ont atteint les demi-finales où ils ont perdu 1-0 contre la France, éventuelle championne, le 10 juillet. Quatre jours plus tard, la Belgique montait sur le podium pour la première fois de son histoire en Coupe du monde avec un gain de 2-0 contre l'Angleterre.

Quelque trois mois plus tard, et à la suite de changements dans les méthodes de calcul, la Belgique a détrôné la France au sommet du classement de la FIFA. Encore aujourd'hui, elle s'y trouve toujours sans jamais en avoir été délogée.

« Je pense qu'il y a une concentration de talent en Belgique et une expertise dans la formation, l'identification du talent et le développement qui mènent à ça. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, c'est un processus qui se met en place, je dirais, au début des années 2000 dans la formation des jeunes », analyse Patrick Leduc, un fin connaisseur de soccer international et le directeur de l'Académie du CF Montréal.

« En Belgique, ce qui est important, c'est qu'il n'y a aucun joueur identifié qui est laissé de côté. Je sais qu'en Belgique, ils ont des programmes même pour les joueurs qui sont à maturité tardive et parfois, parmi ceux-là, il y a des joueurs qui vont plus tard représenter le pays. »

Ancien porte-couleurs de l'équipe nationale belge, maintenant membre du personnel d'entraîneurs du CF Montréal, Laurent Ciman identifie deux hommes en particulier qui ont contribué, à leur façon, à l'ascension de la Belgique, soit Roberto Martinez, sélectionneur de l'équipe depuis 2016, et Marc Wilmots, son prédécesseur.

« Il y a un coach comme Marc Wilmots qui a su faire la différence et qui a su rassembler tout le monde autour de l'équipe, et puis un coach comme Roberto Martinez, qui a réussi à amener son professionnalisme et sa vision des choses. Du coup, on peut se rendre compte de ce que ça donne et on est vraiment satisfait de l'équipe qu'on a », mentionne Ciman.

« On est très fier de ce que l'équipe nationale fait. Je suis très fier d'avoir joué avec cette équipe. C'est un cheminement qui prend pas mal de temps et ç'a été bien fait. Que ce soit le coach en place maintenant ou ses prédécesseurs, il y a eu un travail en amont qui a été fait et, à l'heure actuelle, c'est le fruit de tout ce que les gens et les coachs qui sont passés avec l'équipe nationale ont pu apporter à tous les niveaux. »

Hâte, espoirs et appétit

C'est donc parmi les grands favoris de la compétition, avec la France et l'Angleterre, que la Belgique entamera le Championnat d'Europe samedi, contre la Russie lors d'un match du groupe B à Saint-Pétersbourg. Le Danemark et la Finlande complètent ce groupe.

« Il y a beaucoup d'attentes autour de l'équipe nationale, et je pense qu'on a l'équipe pour faire un résultat, admet Ciman. Il y en a beaucoup qui disent que c'est maintenant ou jamais. J'ai hâte que ça commence et de voir comment l'équipe va se débrouiller, comment l'équipe va jouer. Mais c'est certain qu'on doit ramener quelque chose de cet Euro. »

Ce quelque chose, ce n'est rien de moins que le trophée Henri-Delaunay, n'est-ce pas?

« Je l'espère, répond Ciman, mais je ne veux pas paraître hautain en disant que la Belgique va gagner. Il ne faut pas oublier qu'il y a des équipes d'expérience qui ont l'habitude de grands tournois et qui ont un effectif aussi bien, sinon mieux armé sur le banc que l'équipe belge. C'est certain qu'on a des joueurs de qualité, mais il ne faut pas oublier les autres nations qui sont là et qui ont l'habitude d'être au rendez-vous dans les grands tournois. On forme une équipe assez jeune, avec des anciens, donc on a un bon mix. Maintenant, je pense que c'est l'heure de gagner quelque chose et je leur souhaite de tout coeur. »

Si Ciman affiche de la prudence dans ses prédictions, Leduc estime que les Belges n'ont pas oublié la défaite contre la France à la Coupe du monde de 2018 et qu'elle représentera une grande source de motivation.

« Oui, il y a des attentes élevées, mais en même temps, il y a un appétit assez important pour prouver quelque chose. Je pense que les Belges ont montré de belles choses à la dernière Coupe du monde, mais ils sont restés un peu sur leur faim. En demi-finale, après avoir fait une belle remontée contre le Japon, après avoir battu le Brésil, ils ont perdu contre les champions, mais ils ont perdu en trouvant que les Français avaient offert peu en termes de jeu. Et ça leur est resté en travers de la gorge. Ils s'attendaient à ce que ce soit, si on veut, la finale avant la finale, note Leduc.

"Les Belges sont sortis de la Coupe du monde en disant `on a mieux joué que vous, mais c'est vous qui êtes les champions'. Pour moi, c'est du carburant pour l'entraîneur, pour toute la nation, ajoute-t-il. Ils ont quelque chose à prouver. Oui, ils ont une belle équipe, oui, ils sont numéro un, mais j'ai l'impression qu'ils vont être plus affamés, par exemple, que la France, qui a quand même le titre de championne du monde en poche. Moi, je les mettrais peut-être devant la France en ce moment."