Nous y sommes presque alors que dès lundi le coup d'envoi du tournoi de Wimbledon sera donné. Cette portion du calendrier, particulièrement pour les joueurs d'attaque et ceux qui sont doués à tous points de vue, nous offre un spectacle qui diffère du reste de l'année.

Jouer sur herbe favorise les meilleurs athlètes, ceux qui d'abord aiment la surface et savent rester en équilibre peu importe leur positionnement sur le terrain et la phase de jeu dans laquelle ils se trouvent. Cela prend également de la souplesse, de la créativité et une bonne ouverture d'esprit pour rester polyvalent en attaque. Personnellement, ce que je trouvais difficile à réaliser sur cette surface sur laquelle je n'avais pas joué dans mon enfance, c'était de ressentir que je pouvais trouver mon rythme et les bonnes sensations qui vont avec. J'avais l'impression d'être soit en attaque, donc de dicter dans une certaine mesure, soit de devoir éteindre des feux et tout faire pour rester vivante dans l'échange. Autrement dit, je trouvais cela très difficile de respecter une forme de logique et de contrôle en contre attaque et en défense. Il faut dire qu'à mon époque, les seuls beaux terrains sur herbe où l'échange était possible se retrouvaient à Wimbledon et encore là, pas tous les terrains offraient des rebonds négociables. Pas certaine non plus que Bjorn Borg aurait gagné au All England 5 fois de suite si on l'avait forcé à visiter ​les terrains annexes. 

Peu importe, vivre l'expérience Wimbledon, c'est bien plus qu'une quinzaine passée au SW19. C'est d'abord découvrir le cossu village et ses magnifiques cafés, pubs et restos, encadré de parcs qui l'encerclent et le délimitent. D'ailleurs, les joueurs les mieux nantis préfèrent louer une maison au village pour recréer et savourer une vie de famille à la campagne, loin du stress du All England. Pour ce qui est du site, ce qui frappe d'abord, c'est l'harmonie qui y règne. Le décor est féerique, enchanteur et surtout attrayant. Tout est bordé de vert. C'est un plaisir immense en début de tournoi que de pouvoir savourer cette vue d'ensemble : tous les courts sont si bien alignés, tous taillés dans la même direction alors que flotte dans l'air l'arôme de gazon frais coupé. Ahhh, les golfeurs qui aiment se lever tôt savent de quoi je parle. Et ce n'est pas tout : les murs des édifices sont bordés de gazon et de fleurs aux couleurs de l'évènement, toutes parfaites sinon elles sont remplacées subito presto. J'en rajoute : saviez-vous que même les fraises doivent passer une inspection rigoureuse... En tout cas, la rigueur on connaît au All England car même la communion entre l'ancien et le tout neuf se marie à la perfection, ce qui en fait un havre de paix, élégant et cohérent tout en demeurant conforme aux exigences du tennis au plus haut niveau.

Le summum demeure toujours d'avoir la chance d'assister à un match sur le central. Il s'agit d'une expérience unique qui va au-delà des mots. C'est comme si l'histoire du jeu, forgé par tous ces grands champions des différentes époques nous accompagnaient. En fait, il n'y a qu'une chose qui dépasse cela : c'est de jouer sur le central. Ce qui devait m'arriver en 1985 alors qu'accompagnée par Iwona Kuczynska, nous étions programmées sur ce magnifique terrain face à Chris Evert et la meilleure Britannique de l'époque, la top-10 Jo Durie. Malheureusement la pluie a tué mon rêve puisque le lendemain on nous programmait sur le court no 1. « Oh what a pity... »

Parions cependant que chez les hommes cette année, il y a tout de même de bonnes chances de voir un des nôtres fouler ce tapis de velours tant convoité. Trois des quatre Canadiens en lice dans le tableau principal sont têtes de série. Tout d'abord, Félix Auger-Aliassime affronte  un copain, Vasek Pospisil, avec qui il partageait l'entraînement il y a quelques jours. FAA a fait la finale à Stuttgart et la demie au Queen's, ses deux tournois préparatoires sur herbe, tandis que Vasek revient au jeu après une opération au dos. À prime abord, la bataille semble inégale puisque 9 mois sans jouer de tournois, c'est archi-long, mais attention, il faut se méfier d'un merveilleux volleyeur qui a déjà fait les quarts à Wimbledon en 2015.

Milos Raonic possède une fiche éloquente au All England : demie en 2014, finale en 2016 et quarts lors des deux dernières années. D'entrée je ne vois pas de problèmes pour notre leader puisqu'il se mesure à l'Indien Prajnesh Gunneswaran qui à 29 ans se retrouve dans le tableau principal pour une première fois en carrière. De plus, l'Indien n'a pas triomphé en deux tournois sur herbe ni gagné lors des deux tournois Grand Chelem disputés jusqu'ici cette année. Pourvu que le corps de Milos tienne le coup...

Pour Denis Shapovalov, je ne sais pas trop quoi penser alors que notre flamboyant « shotmaker » souffre depuis sa demie à Miami. Depuis ce temps, Denis n'a grapillé que deux minces victoires en huit épreuves. Parfois Denis manque de confiance et cela se traduit par un paquet de fautes directes tard dans un set, donc dans les pires moments. D'autres fois, je le sens tout simplement impatient dans l'échange quand il n'essaie pas de jouer trop gros en retours de service. La bonne nouvelle, c'est que d'entrée il affronte Ricardas Berankis qui a perdu au premier tour à Wimbledon lors des trois dernières années. Après il y aura du beau monde qui se dressera devant lui : Jo-Wilfried Tsonga, Rafael Nadal ou Nick Kyrgios. Pour l'instant il demeure top-30 mais il faudra redresser la barre lors de l'été en Amérique s'il ne veut pas dégringoler au classement. L'an passé aux Masters 1000 de Toronto et Cincinnati et au US Open, Denis s'est rendu jusqu'au 3e tour chaque fois, donc il aura tous ces points à défendre bientôt...

Sinon, chez les hommes, nous aurons bien le temps d'analyser en long et en large les performances de tous et chacun mais ce qui a retenu beaucoup l'attention ces derniers jours, c'est le fait que les organisateurs ont utilisé leur fameux calcul savant pour changer quelques têtes de série. Federer est promu au 2e rang tandis que Nadal est placé à la 3e place. Dominic Thiem est repoussé à la 5e place tandis que le finaliste de l'an passé Kevin Anderson passe de la 8e position à la 4e. Le calcul « british » tient compte de 100 % des points remportés sur herbe en 2019 et 75 % en 2018 en plus du classement technique de l'ATP. Nadal et Thiem, les deux finalistes à Roland Garros, se sont accordés un peu de repos bien mérité et n'ont pas joué sur herbe tandis que Federer a remporté un 10e titre à Halle. Ce qu'il faut retenir, c'est que Rafa est dans la portion du bas du tableau et jouera donc contre Roger en demie. Donc le gagnant de l'an passé Novak Djokovic affrontera Anderson si celui-ci joue son rang.

Chez les dames, pas de drame de cette envergure, car toutes les grandes têtes de série ont gardé leur rang. Bien malin celui qui peut prédire qui remportera le titre. La joueuse de l'heure est très certainement Ashleigh Barty, nouvelle numéro 1 mondiale. J'ai hâte de voir comment elle vivra avec cette nouvelle attention. Pour ce qui est de nos Canadiennes, ouf que je m'ennuie de Bianca Andreescu encore souffrante à l'épaule droite. Rebecca Marino aurait eu sa place dans les qualifs mais elle s'est blessée au pied gauche et ne fait que recommencer à taper la balle tout doucement. Françoise Abanda est 259e au monde donc reléguée dans les tournois de moindre envergure tandis que notre belle championne de Roland Garros junior Leylah Annie Fernandez n'a pas encore eu le temps d'améliorer son classement chez les pros pour prendre part à la grande fête alors qu'en ce jour elle occupe la 371e place. Alors... Genie Bouchard est la seule représentante de l'unifolié. La majestueuse finaliste n'est plus l'ombre de la joueuse qu'elle a déjà été. Elle vient de perdre au premier tour des qualifs à Eastbourne 6-2, 6-0 devant la Française Fiona Ferro. Son adversaire sera Tamara Zidansek de la Slovénie, qui à 21 ans est en pleine montée avec ses 19 victoires cette année dont 2 finales à ses trois derniers tournois, mais un petit bémol, sur terre battue. Il s'agit de son premier Wimbledon alors qui sait si la Québécoise est dans un bon jour...

Bon tournoi tout le monde et dites-vous que les fraises bien juteuses, même si elles baignent dans la crème, c'est bien meilleur pour la santé que les croissants. 

« Un bon défi pour moi »
« Vasek est un bon joueur de gazon »