PARIS – Un match commencé en mai et terminé en juin : le quart de finale entre Novak Djokovic et Rafael Nadal s'est achevé à 1 h 15 du matin, relançant les critiques, y compris des joueurs, sur les sessions nocturnes de Roland-Garros.

Nés en 2021, ces matchs sont retransmis en soirée (21 h) par Amazon en France. En plus de gonfler les revenus de diffusion avec un diffuseur supplémentaire, cette création récente à Paris – mais tradition ancienne aux Internationaux des États-Unis et aux Internationaux d'Australie – grossit les recettes de billetterie de la Fédération française de tennis (FFT), seule ravie de ces nocturnes.

Joueurs pas enjoués

Leur 59e duel était programmé « trop tard » ont critiqué à l'unisson Rafael Nadal et Novak Djokovic après avoir ferraillé quatre heures et douze minutes sous des températures descendues à 10 degrés Celsius.

« L'horaire des matchs du soir peut poser question » sur le confort des joueurs, a convenu la directrice du tournoi Amélie Mauresmo. « L'option qu'on pourrait avoir et à laquelle on peut réfléchir c'est d'avancer le premier match de midi : à 11 h, est-ce que ça ferait déjà plus de sens? », s'interroge l'ex-no 1 mondiale. Avec une nocturne avancée d'autant.

Spectateurs à pas d'heure

En plus de la partition des lots de droits TV, la billetterie du court central est aussi partagée entre session de journée et match du soir qui demandent des billets différents. Un système pour maximiser les recettes qui n'a pas empêché un large remplissage, aidé par l'attraction Carlos Alcaraz et surtout le choc entre les deux géants qui a tenu ses promesses.

Se pose néanmoins la question du transport, a reconnu Amélie Mauresmo, un « point clé dans le futur » : l'horaire de fin a empêché les spectateurs en tribune d'utiliser le métro.

« On n'a pas les les moyens aujourd'hui d'organiser quelque chose pour 15 000 personnes qui sortent (soit la capacité du court Philippe-Chatrier, NDLR) », a-t-elle constaté, ouvrant la piste d'un dialogue « avec la ville de Paris pour peut-être pousser plus loin le système de métro ou de bus ».

Médias brouillés

« Ce sont deux monstres sacrés du tennis, tout le monde l'attend. Le fait que nous ne puissions pas le proposer à tous les Français nous déçoit beaucoup », s'est ému auprès de l'AFP Laurent-Eric Le Lay, directeur des sports de France Télévisions.

De fait, depuis 2021 et jusqu'en 2023, la FFT organisatrice du tournoi a contractuellement l'obligation de programmer « LE grand match du jour » en nocturne et en exclusivité pour la plateforme Amazon, avait expliqué à l'AFP l'an passé l'ex-directeur du tournoi Guy Forget. D'un point de vue réglementaire, seules les finales du tournoi sont référencées par décret sur la liste des 21 événements sportifs protégés devant être diffusés en clair.

Avec la webdiffusion payante apparaît le problème de l'exclusion d'une partie du public et celui de la fracture numérique. Même si Nadal-Djokovic était proposé exceptionnellement sans abonnement par Amazon, son audience, non communiquée par la firme américaine, a été vraisemblablement très inférieure au pic de 5,1 millions de téléspectateurs sur France 3 pour le match de Nadal face à Félix Auger-Aliassime en quarts.

« J'entends » ces critiques, « on a essayé d'avancer ensemble vers justement cette accessibilité et cette gratuité », a défendu Amélie Mauresmo. « Ce match n'aurait peut-être jamais dû arriver en quart de finale. Personne n'avait anticipé ça, j'imagine, il y a quelques années au moment de séparer les droits. »

Autre effet inattendu, l'impossibilité pour les journaux, et notamment L'Équipe de boucler son édition de mercredi dans les temps avec une fin de match à 1 h 15 : « Quand on voit la Une de ce matin, on se rend compte que (cet horaire) est un vrai problème », regrette auprès de l'AFP Jean-Philippe Leclaire, directeur de la rédaction adjoint du quotidien sportif. « On a mis Zverev en Une parce qu'on n'a pas pu accrocher le Nadal-Djokovic (...) En gros, on pouvait repousser le bouclage de la première édition à minuit et demi, et celui de la deuxième édition autour de minuit 45, voire exceptionnellement pousser jusqu'à 1 heure. »

Tennis féminin absent

Parmi les dix affiches retenues pour les sessions nocturnes et donc considérées comme l'événement du jour, une seule a concerné le tableau féminin, la victoire au deuxième tour d'Alizé Cornet sur Jelena Ostapenko.

« Ce n'est pas un regret au vu des confrontations qu'on avait et de ce qu'on voulait présenter à des spectateurs qui viennent avec un billet pour un match unique », assume Mauresmo. « En tant que femme et ancienne joueuse, je ne trouve pas mal ou injuste de dire qu'en ce moment, le tennis masculin offre plus d'attraits », a-t-elle ajouté.

Cette position a été peu appréciée par la WTA qui gère le circuit professionel féminin.

« La génération et le nombre de talents actuels sont incroyables. Nos fans veulent voir le spectacle et le frisson du tennis féminin sur les plus grands courts et aux meilleurs horaires, a indiqué la WTA à l'AFP. Si nous voulons augmenter la valeur de notre produit combiné (un tournoi où se déroulent simultanément des tableaux masculin et féminin, NDLR), alors il est essentiel d'avoir une programmation équilibrée. »