Denis Shapovalov peut être fier de cette belle semaine de compétition au Masters 1000 de Madrid, seul réel tournoi d'importance sur terre battue qui récompense les attaquants. Avec ses 700 mètres d'altitude, le service devient une arme précieuse qui permet aux « shot makers » de prendre beaucoup plus facilement des risques sur le deuxième coup de raquette.

Il y a quelque chose de magique lorsqu'on s'est forgé de bons souvenirs dans une ville donnée. Denis se souvenait d'avoir adoré les conditions rapides de l'endroit en 2015 alors que l'équipe canadienne de la Coupe Davis junior avait remporté la coupe pour une première fois dans l'histoire du pays. Shapovalov avait remporté son match de simple et jumelé à Félix Auger-Aliassime nos deux jeunes stars avaient ramené le point décisif du double pour le triomphe à cette même Caja Magica.

Dès la première frappe cette semaine notre Canadien a les idées claires. Le service est fusant et varié, la balle sort merveilleusement bien de sa raquette et il n'est pas trop déstabilisé en jeu de jambes parce qu'il est presque toujours l'agresseur. Il est convaincant d'entrée face à Tennys Sandgren qui lui offre un joyeux coup de main en patrouillant le terrain très très loin derrière la ligne de fond. Au 2e tour, il est intense et surtout un merveilleux compétiteur pour disposer en trois sets du Français Benoit Paire qui compte plusieurs victoires face aux meilleurs en carrière. 

Le moment le plus révélateur c'est lorsqu'il affronte celui qui a mis le Canada sur la « map » lors des dernières années, Milos Raonic. Respecteux en entrevue en parlant de celui qui a su tracer un sillon pour la relève au pays, mais épatant de bravoure sur le terrain, Denis la menace ne recule devant rien. Il étouffe complètement l'ancien 3e mondial, le devançant à l'excès en exerçant des schémas tactiques d'attaque. Et ce n'est pas tout, il s'amuse même à répondre aux bombes du vétéran avec des retours fusants. Épatant de flexibilité et démontrant beaucoup de belles capacités à s'adapter en toutes circonstances, il lui ravit la victoire en 2 sets. Belle classe de Raonic alors qu'il quitte le terrain, il salue Tessa, la mère de Denis, la félicitant pour la performance du petit soudainement devenu grand sur terre.

Pas beaucoup de repos dans ce genre de tournoi d'une semaine alors que le lendemain il faut repartir au combat face au Britannique Kyle Edmund. S'il y en a un qui a pris une autre dimension en ce début d'année depuis sa demi-finale aux Internationaux d'Australie, c'est bien lui. En plus, il aime le feeling de la terre sous ses pieds, car il s'y adapte facilement et encore plus important, ses frappes prennent bien l'effet. D'ailleurs, Medvedev, Djokovic et Goffin passent tous dans le tordeur devant le brio du Britannique.

La bataille entre les deux est intense et malgré un mauvais départ Denis prend plus souvent l'initiative des points. Il se procure même une balle de match au deuxième set. Trop gourmand sur le retour de service, Edmund renverse la vapeur pour nous amener à la troisème manche. Dommage, car notre Canadien avait la victoire au bout de la raquette. Il redouble d'ardeur au troisième set pour aller chercher le match et c'est tout à son honneur, mais il est tout de même forcé de déployer beaucoup d'énergie pour en sortir gagnant, énergie physique et mentale qu'il n'aura pas pour sa demie.

Shapovalov dans le carré d'as

Le coriace 3e mondial Alexander Zverev l'attend d'ailleurs de pied ferme dans le carré d'as. Sasha a retrouvé de sa superbe après un début d'année un peu décevant. Finaliste au Masters 1000 de Miami, demi-finaliste sur terre à Monte Carlo et champion à Munich, voilà ses derniers hauts faits d'armes. Shapo a bien tenu jusqu'à 4-4 au premier set, superbe dans l'échange et efficace au service. Malheureusement il se crispe à la 9e partie sans doute un peu tétanisé par l'enjeu. Absence de premières offrandes, tennis d'attaque soudainement caviardé et le temps de le dire Zverev lui ravit son service et le set.

Pas remis de cet affront, Denis ne s'en remettra jamais. Zverev le brise d'entrée et file tout droit vers la finale. Notre Canadien a atteint ses limites. Tous ses beaux efforts seront récompensés cependant puisqu'il se retrouvera dans le top-30 lundi.  Autre signe de précocité, il rejoint Rafael Nadal et Richard Gasquet, les seuls à atteindre deux demies en Masters 1000 à 19 ans, pas banal quand même!

J'ai maintenant bien hâte de voir comment Shapo va se débrouiller dans de vraies conditions de terre lente à Rome et à Roland Garros, maintenant qu'il a fait le plein de confiance. Le meilleur reste à venir, croyez-moi. Le kid est bourré de talent et ne va pas se contenter d'atteindre les demies. Ce qu'il est c'est un champion en devenir et les champions visent les plus hauts sommets.